BOUDON Raymond

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Damon Julien, « La pensée de… - Raymond Boudon (né en 1934) », Informations sociales, 2008/1 (n° 145), p. 33-33. URL : https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2008-1.htm-page-33.htm


Raymond Boudon figure parmi les très rares sociologues français qui comptent véritablement. Influencé notamment par la tradition libérale, par Alexis de Tocqueville et par Max Weber, il fait porter son attention sur l’action, sur les effets pervers, sur l’acteur social et ses rationalités. Avec un bagage et un parcours universitaires à la française classiques – École normale supérieure, agrégation de philosophie, doctorat –, il s’inscrit, de manière plus singulière, dans une perspective “individualiste”, selon laquelle les phénomènes sociaux ne peuvent se comprendre qu’en prenant en considération, d’abord, les logiques individuelles. Attaché à la particularité de la sphère universitaire, en tant que productrice de science et de savoir, Boudon n’a que rarement pris position publiquement, à la différence de tous les multi-pétitionnaires de la sociologie française dite critique et, surtout, d’extraction marxiste.

Au nom de Boudon est attaché le courant de “l’individualisme méthodologique”, qui considère qu’un phénomène social doit être avant tout considéré comme la résultante des actions des acteurs sociaux. La nature profonde des phénomènes sociaux, parfois énigmatiques, est à rechercher dans l’agrégation des intentionnalités individuelles qui, en se composant, donnent lieu à des phénomènes collectifs.

L’individualisme méthodologique ne s’intéresse pas à l’action d’un individu particulier, mais à des acteurs individuels “typifiés”, c’est-à-dire à des ensembles abstraits d’actions individuelles partageant un certain nombre de caractéristiques. La sociologie de l’action ne s’intéresse pas à la “personne” proprement dite mais avant tout à l’acteur social. L’homo sociologicus chez Boudon est intentionnel et relationnel. Ses actions et ses comportements sont motivés par des intentions qui font sens pour lui (même si, comme le dit l’expert, “la notion de sens a mille sens”). La combinaison d’actions individuelles, toutes inspirées par de “bonnes raisons”, peut produire des effets non recherchés, positifs et/ou négatifs.

Se défiant de la verbosité, développant une réflexion méthodologique, rejetant les déterminismes et les dogmatismes globalisants, Boudon cherche à assurer des bases scientifiques à la sociologie, en effectuant un va-et-vient permanent entre l’observation empirique et l’analyse théorique. Connu pour ses analyses des effets d’agrégation (qualifiés dans certaines configurations de “pervers”), il a souligné le caractère contre-productif de la démocratisation, toutes choses égales par ailleurs, du système scolaire.

La sociologie de Boudon est également une sociologie de la connaissance. Il s’agit de mettre au jour les raisons de l’adhésion à des valeurs, à des principes, à des idéologies, à des croyances. Le propos n’est jamais de justifier mais bien de comprendre la diffusion d’idées, plus ou moins reçues, plus ou moins vraisemblables. La démarche consiste à reconstruire le sens de la croyance pour l’acteur, en faisant un postulat de rationalité, c’est-à-dire en mettant en évidence un système plausible de raisons, plus ou moins complexes, provoquant et justifiant l’adhésion.

Décrié souvent et parfois honni en France comme “libéral”, Boudon est seulement pluraliste. Prenant au plus grand sérieux le juste et le vrai, mais aussi le simple et le sens commun, il est un observateur et un analyste particulièrement rigoureux et ouvert de la démocratie moderne.