MUCCHIELLI Alex

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  • le contexte expressif des identités des acteurs,
  • le contexte culturel de référence aux normes,
  • le contexte des positions respectives des acteurs,
  • le contexte relationnel social immédiat,
  • le contexte temporel,
  • le contexte spatial
  • le contexte physique et sensoriel.


L'APPROCHE SÉMIO-CONTEXTUELLE

La théorie sémio-contextuelle repose sur une conception élargie de la définition des phénomènes communicationnels. Cette théorie s'intéresse à la construction des significations pour les acteurs. Cette construction se fait sous un type particulier de communication, soit la communication-processus. Ce type de communication se consacre à l'étude de la communication qui est en train de se faire dans une situation d'échange, entre deux ou plusieurs participants, contrairement à d'autres types de communication qui se penchent sur les segments déjà réalisés de la communication. Elle considère, entre autre choses, que la communication n'est pas à distinguer d'une conduite. Une conduite est une communication et vice-versa.

La communication-processus perçoit la communication comme une «communication-en-tant-qu'action-en-train-de-se-faire» qui va intervenir sur des contextes de la situation de la communication, pour transformer ce contexte et faire surgir du sens. La théorie sémiologique contextuelle «débouche sur l'étude des transformations, initialisées des communications, dans des contextes dans lesquels cette communication prend son sens [1].» Une situation aurait ainsi plusieurs contextes, que la théorie dénombre au total de sept [2]. Il s'agit en quelque sorte d'une vision plutôt révolutionnaire dans le domaine, étant donné que l'activité de communication devient un processus de manipulation de divers contextes qui se retrouvent dans une même situation. Cette manipulation va engendrer une transformation au sein du sens de la communication présente et à venir.

Il est difficile de donner une définition de quelques mots pour cette approche, puisqu'elle s'inscrit dans un courant d'épistémologie, de paradigme, de théorie sur la communication qui sont très vastes. Afin de situer le lecteur, on peut préciser que cette approche se situe dans l'épistémologie compréhensive-systémique où la communication y est perçue comme une participation. Il s'agit d'une méthode pour l'étude des communications s'apparentant au paradigme constructiviste où l'on se soucie de la construction du sens par et pour les acteurs

Généalogie

Peut-être la généalogie de ce concept théorique pourra-t-elle davantage mettre en lumière sa signification profonde. L'approche sémio-contextuelle ou la communication-processus et sa méthode d'analyse contextuelle et cognitive est née d'un besoin de l'ensemble de chercheurs du domaine des sciences de l'information et des communications au cours des années 1990. Ceux-ci voulaient préciser ce qu'étaient les processus de communication puisque cette notion était à l'époque extrêmement large et parfois même contradictoire. En effet, le terme processus faisait référence à des processus issus des sciences humaines et regroupait «un ensemble très hétérogène de phénomènes traduisant des transformations plus ou moins observables dans différents domaines des sciences humaines [3]

Mucchielli est l'un des chercheurs qui a contribué à l'élaboration d'une nouvelle définition des processus de la communication par l'un de ses ouvrages, il y a de cela bientôt huit ans [4]. On peut lire, dans La Théorie des processus de communication: «D'une manière générale, un processus est une intervention, plus ou moins complexe, qui concourt à la transformation de quelque chose sur laquelle elle s'applique. Cette action de transformation est fondamentale, puisqu'elle intervient sur le sens de la communication elle même [5].» L'approche sémio-contextuelle se veut en quelque sorte le développement de cette réflexion sur la construction de sens lors des différentes activités de communication.

Selon l'approche compréhensive, dans laquelle s'inscrit cette théorie, il n'existe pas pas de «situation en soi», c'est-à-dire une situation qui est une réalité objective [6]. La situation, dans l'optique de la théorie sémio-contextuelle, est une situation par et pour les acteurs. Ce sont les acteurs qui construisent leur situation pour eux, à partir des significations attachées aux éléments essentiels d'après leur vision. La théorie sémio-contextuelle permet de reformuler un grand nombre d'observations et d'expériences classiques relatives aux phénomènes d'influence, d'induction et de manipulation, selon une perspective des sciences de l'information et de la communication.

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  1. Mucchielli, Alex. La nouvelle communication: Épistémologie des sciences de l'information-communication. Paris: Armand Colin, 2000. p. 146.
  2. Les sept contextes sont: le contexte expressif des identités des acteurs, le contexte culturel de référence aux normes, le contexte des positions respectives des acteurs, le contexte relationnel social immédiat, le contexte temporel, le contexte spatial et le contexte physique et sensoriel. Voir à ce propos: Mucchielli, Alex. La nouvelle communication: Épistémologie des sciences de l'information-communication. Paris: Armand-Colin, 2000. p. 157
  3. Mucchielli, Alex. La nouvelle communication: Épistémologie des sciences de l'information-communication. Paris: Armand Colin, 2000. p. 145
  4. Voir à ce propos: Mucchielli, Alex et al. Théories des processus des communications. Paris: Armand Colin, 1998.
  5. Ibid, p. 152
  6. Mucchielli, Alex. La nouvelle communication: Épistémologie des sciences de l'information-communication. Paris: Armand Colin, 2000. p. 157


Voilà près d’un siècle que des chercheurs américains ont mis en évidence l’impact de la communication sur le public, donnant naissance à des notions qu’illustre cette relation cabalistique entre destinateur et destinataire au travers d’un moyen appelé média. Beaucoup d’auteurs ont par la suite tenté d’élaborer des théories à partir d’enquêtes empiriques, souvent séduisantes, sur le degré d’aptitude d’un média, comme la presse écrite, la radio ou le cinéma à influencer le public (Lasswell, 1927).

Plus tard, l’éclosion de l’opinion publique comme espace fertile de compréhension de la dynamique des médias a donné un sérieux coup de pouce à la recherche en matière de communication devenue un maillon incontournable dans le chapelet des sciences sociales (Lazarsfeld, 1944).

Conséquence directe du positivisme du XIXe siècle, la communication en tant que nouvelle discipline a néanmoins souffert de l’utilisation abusive de méthodologies issues des sciences pures, et il a fallu l’école Palo Alto (Dionne et Ouellet, 1990) pour se convaincre de la nécessité d’étudier la communication suivant un modèle propre aux sciences humaines (Winkin, 1981) ; l’objet de la communication ayant fini par s’élargir ostensiblement à des domaines aussi divers que la linguistique, la psychologie, la sociologie (Baudrillard, 1972) et la sémiotique de l’image (Martin, 1982). La politique et les stratégies publiques de communication suscitent par ailleurs l’engouement de nombreux chercheurs en sciences politiques (Rangeon, 1991). Les concepts de communication politique et de communication publique ont le vent en poupe, bien que cette vogue elle-même soit globalement accueillie avec réserve et circonspection (Sfez, 1999).

Avec ce foisonnement extraordinaire des études sur la communication, beaucoup de recherches durant les vingt dernières années ont réussi à mettre en relief la spécificité du champ de l’info-com. Ces études se compliquent du fait de leur diversification et de l’enchevêtrement de leurs fondements conceptuel et cognitif, rendant titanesque tout travail de déblayage et de « purification » méthodologique. C’est pourtant à cette tâche ardue et mal aisée que s’est attelé Alex Mucchielli dans son dernier ouvrage La nouvelle communication.

Entièrement fondées sur l’interdisciplinarité, les sciences de l’information et de la communication sont-elles parvenues alors à se forger une voie dans le monde de la recherche comme l’escomptaient les pionniers, il y a plus de vingt-cinq ans ?

S’inscrivant d’emblée dans la « nouvelle communication », l’auteur pose la participation comme clé centrale de tout processus de communication, en ce qu’il fonde sa démarche sur les bases conceptuelles de l’école de Palo Alto, avec l’ambition d’approfondir la réflexion sur les fondements scientifiques des sciences info-com.

Dans cet espace à la fois pluriréférentiel et en perpétuelle expansion de ce qu’on appelle les sciences de l’information et de la communication (SIC), il se propose de remonter aux sources, aux fondements épistémologiques et paradigmatiques de ces sciences, pour en extraire la quintessence, le substrat. Pour ce faire, il met à nu ce « domaine », à travers une série de questionnements classiques quant à l’objet, à l’approche, aux méthodes et aux problématiques des sciences de l’information et de la communication, et en arrive à relever leur « spécificité ».

Dans un élan didactique à dessein, la démonstration invite les chercheurs à définir eux-mêmes leur appartenance scientifique et leurs référents, en prenant conscience de la conception systémique des éléments pouvant constituer un paradigme.

Tout en reconnaissant l’impossible définition d’objets d’étude spécifiquement SIC, l’auteur estime que « tout chercheur consciencieux se pose à un moment donné de sa recherche, les questions de savoir si son objet d’étude est bien du domaine des SIC, s’il utilise des méthodes, non seulement appropriées, mais aussi qui le maintiennent <dans le champ> des sciences info-com » (p. 11).

La communication a des acceptions différentes ; on parle de communication dans le sens psychanalytique, transactionnel, systémique ou praxéologique, et l’usage du terme dans ces différentes théories ne débouche pas sur les mêmes explications des phénomènes. D’où l’intérêt de s’interroger sur l’appartenance aux SIC des ensembles paradigmatiques, et sur les critères définissant que tel ensemble est « dans le champ » ou « hors champ » (p. 83).

L’option du chercheur est alors fondamentale en ce domaine ; lorsqu’il doit prendre le parti qui lui semble le plus à même de le rapprocher de son objet d’étude dans le cadre d’un « arrangement social », un consensus entre les membres d’un groupe formant une « école de pensée » (p. 12).

À cette diversité de l’objet, correspond donc une multiplicité de concepts théoriques ; « communication-processus », « communication-transmission », « participation », qui sont l’expression d’un débat ou d’une théorie sémiologique qui induit un processus de manipulation de contextes situationnels.

La diversité de tels concepts impose au chercheur de préciser le concept de « communication » qu’il utilise, car ce dernier a des acceptions différentes les unes des autres. Son positionnement épistémologique est une étape essentielle dans la construction d’une démarche scientifique, s’il ne veut pas tomber dans le « sens commun » tel qu’évoqué par Boqué (p. 37).

Aussi, est-il nécessaire pour le chercheur de se « situer » clairement par rapport à la théorie lui servant de référent. « S’il ne le fait pas, il oblige le lecteur spécialiste à essayer de reconstituer son référentiel conceptuel et théorique. Lorsque ceci est impossible, c’est alors un moindre mal. Mais il se peut que ses référents soient difficiles à établir lorsqu’il glisse d’un concept à l’autre. Alors, on peut lui reprocher de ne pas être honnête intellectuellement et de jouer de ces glissements pour jeter la poudre aux yeux » (p. 33).

Mucchielli rappelle avec objectivité et dans le détail la spécificité des sciences info-com, mais se fixe comme apport personnel la mise en relief des nouveaux référents de ces sciences. Parmi lesquels la théorie « sémio-contextuelle » propose une nouvelle grille de lecture du fonctionnement des phénomènes communicationnels dans une approche définitionnelle : la communication-processus.

En s’appropriant la théorie sémiologique, la communication, estime Mucchielli, peut enfin offrir aux sciences voisines quelque chose, alors qu’elle ne faisait jusque-là que leur emprunter. De son côté, cette théorie et la méthode d’analyse qui l’accompagne aideront à reformuler les problèmes de la communication qui relèveraient des phénomènes d’influence et de persuasion.

Dans la communication-processus par exemple, il y a plusieurs contextes (identitaire, normatif, contexte des positionnements, de la qualité des relations, temporel, spatial, sensoriel), alors que la théorie sémio-contextuelle postule que toute expression d’un acteur social est une communication-en-acte étudiée à travers le travail qu’elle fait pour modifier les différents contextes dans lesquels elle se déroule.

Dans cet ouvrage si riche en exemples et schémas d’illustrations, Mucchielli traite en deux parties les grands thèmes qui secouent présentement le monde de l’info-com, en choisissant l’épistémologie comme angle d’attaque, un pèlerinage aux racines de l’information et de la communication.

19Dans une première partie, il passe en revue le domaine et la spécificité de l’info-com à travers une série de questionnements sur l’objet, l’approche, les méthodes et les problématiques pour les sciences de l’information.

Partant du paradigme unique des sciences de l’info-com à leurs débuts, à savoir le modèle de la communication-transmission comme seul référent, Mucchielli, sur la voie de Winkin, conteste fortement le primat des moyens de communication et des techniques de transmission, même si ces derniers continuent de s’imposer sous des formes renouvelées, par le truchement d’une démonstration quotidienne des massmédias et de la publicité. Il en serait ainsi des nouvelles approches globales fondées sur l’étude des supports et moyens techniques de diffusion comme la médiologie (Debray, 1994), et qui opèrent d’une certaine façon un retour à la communication-transmission, obturant, de l’avis de Mucchielli, l’évolution souhaitée des sciences de l’info-com (p. 9).

Avec le recul nécessaire, on est en droit de considérer l’école de Palo Alto comme un point de rupture d’avec les référents théoriques d’un paradigme techniciste et mathématique des sciences de l’information et de la communication, et de déplacer l’intérêt de la recherche vers la communication-participation qui porte en son sein les germes de la théorie systémique des communications.

Toutes les interrogations soulevées dans cette partie ont un dénominateur commun qui les rend inséparables les unes des autres, bifurquant toutes sur la nécessité d’établir une définition, bien que celle-ci relève forcément d’un choix subjectif, ne pouvant prétendre à une quelconque scienticité. La question de la définition elle-même renvoie à un positionnement épistémologique donné, c’est-à-dire à une certaine méthodologie imposée par l’objet de l’étude projetée. C’est pourquoi, nous dit Mucchielli, se demander « si tel ou tel objet d’étude est <dans le champ des SIC>, n’a pas de sens du point de vue scientifique », du moment que n’importe quel phénomène a des dimensions aussi bien historique, sociologique que psychologique (p. 14).

On admet généralement deux principaux positionnements épistémologiques, les phénomènes naturels et physiques et les phénomènes humains. Les premiers demandent des explications, c’est une épistémologie positiviste, les seconds requièrent une « compréhension », c’est une réflexion subjectiviste ou empirico-inductive, formant l’épistémologie compréhensive-systémique (p. 38).

Autant la communication-participation est un segment d’une structure générale d’échanges entre un ensemble d’acteurs (métaphore de l’orchestre, chère à Winkin), autant le système de communication renvoie à l’interaction des différents segments le composant.

Un système n’est pas alors une simple addition d’éléments pris isolément, mais un ensemble ayant des caractéristiques propres et qui répond à une dynamique qui lui est spécifique. La théorie systémique des communications est une méthode d’analyse constructiviste qui induit une réflexion appelée à faire découvrir des phénomènes, les règles du jeu d’une logique globale, et il appartient au chercheur d’expliciter leurs formes concrètes.

Pour sa part, la théorie sémiologique et contextuelle de la communication-processus est née du besoin de préciser la nature des « processus de la communication », et de ce fait s’intéresse à la construction des significations pour les acteurs (Mucchielli, 1998). La sémiologie contextuelle se distingue des autres sémiologies (piercienne, greimassienne, etc.), en ce qu’elle s’exerce sur des communications-en-actes (ou en situation d’échange). « Elle débouche sur l’étude des transformations, initialisées par la communication, des contextes dans lesquels cette communication prend son sens […]. Elle entre dans une praxéologie, ou sciences des conduites humaines, en prétendant que la communication n’est pas à distinguer d’une conduite » (p. 146).

Cette dernière démarche constitue l’essentiel des nouveaux référents avancés par Mucchielli comme « un nouveau paradigme pour les sciences info-com ». La théorie systémique des communications et la théorie sémiologique et contextuelle dont il est question pourraient servir de points d’ancrage épistémologique aux sciences de l’information et de la communication. Ces deux théories donnent à ce champ d’analyse une identité forte, sans présupposer en rien du renoncement à l’usage des paradigmes des sciences voisines, et ce, d’autant plus que les limites disciplinaires à l’intérieur des sciences humaines sont, « dans la plupart des cas, artificielles » (p. 195).

Aujourd’hui, souligne Mucchielli avec conviction, un consensus semble se dégager autour d’une discipline autonome ayant enfin réuni les préalables d’une science à part entière, et il incombe aux chercheurs eux-mêmes de « construire » l’identité de cette science info-communication ; à défaut, elle demeurera « sans consistance » (p. 199).