Rapport Malivel : Différence entre versions

De LRtech
Aller à : navigation, rechercher
(Page créée avec « {{shop}} Rapport en cours de formatage. ---- ----------------------- Page 1----------------------- Rapportde stage présenté pour l'obtention du diplôme ingénieur SA... »)
 
(L'économie européenne de la connaissance)
 
(3 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
 
{{shop}}
 
{{shop}}
 +
<center>
 +
Rapport de stage
 +
 +
La Boutique des Sciences en Occitanie <br/>
 +
Un dispositif de recherche par et pour la société civile
 +
 +
par Antoine Malivel
 +
 +
Mémoire préparé sous la direction de Pascale Moity-Maïzi<br/>
 +
Maitre de stage : Robert Ali Brac de la Perrière</center>
 +
 +
Ce rapport rend compte du stage de deux mois que j’ai réalisé dans le cadre de ma deuxième année
 +
d’école d’ingénieur SAADS. J’y détaille le contexte de la recherche collaborative et l’historique du projet
 +
d’une Boutique des Sciences en Occitanie, porté par l’association BEDE. J’y précise ensuite comment
 +
l’enquête dite « de préfiguration » puis les ateliers de présentation ont été menés auprès des différents
 +
acteurs concernés. Je rends ensuite compte des résultats obtenus par cette enquête, ainsi que des
 +
échanges ayant eu lieu pendant les ateliers de présentations, en les analysants. Pour finir, j’ouvre sur
 +
le déroulement prévu des ateliers de co-construction de la structure entre les acteurs intéressés, et les
 +
perspectives d’évolution de ce dispositif.
 +
  
Rapport en cours de formatage.
+
__TOC__
  
----
 
  
----------------------- Page 1-----------------------
+
===Une Boutique des Sciences ===
Rapportde stage
+
présenté pour l'obtention du diplôme ingénieur SAADS
+
C’est un dispositif non-lucratif de recherche collaborative, qui permet aux associations, éventuels
Option DAAS
+
groupements d'agriculteurs, ou autres collectifs citoyens de s'adresser à des chercheurs pour identifier
La Boutique des Sciences en Occitanie
+
ensemble des réponses à leurs questionnements. De ces demandes citoyennes découlent des projets
Un dispositif de recherche par et pour la sociétécivile
+
co-construits entre la société civile et le monde de la recherche. (BEDE 2017)
par Antoine Malivel
+
Mémoire préparé sous la direction de Pascale Moity-Maïzi
+
C’est donc un support de recherches indépendant et participatif, permettant de répondre aux
Maitre de stage: RobertAli Brac de la Perrière
+
préoccupations de la société civile. Le terme « Boutique », assez marchand, est le résultat d'une
Année de soutenance : 2017
+
regrettable traduction de l'anglais « Shop », qui pourrait aussi se traduire par « Atelier », ou encore
Organisme d'accueil :
+
« Fabrique ». De telles structures existent déjà à Lyon, Lille, et ailleurs en Europe et dans le monde. Une
----------------------- Page 2-----------------------
+
description plus complète de leur fonctionnement général et du rôle des différents acteurs est détaillée
Ce rapport rend compte du stage de deux mois que j’ai réalisé dans le cadre de ma deuxième année
+
en annexe, dans le « Livret de présentation ».
d’école d’ingénieur SAADS. J’y détaille le contexte de la recherche collaborative et l’historique du projet
+
d’une Boutique des Sciences en Occitanie, porté par l’association BEDE. J’y précise ensuite comment
+
===L’association BEDE ===
l’enquête dite «de préfiguration» puis les ateliers de présentation ont été menés auprès des différents
+
acteurs concernés. Je rends ensuite compte des résultats obtenus par cette enquête, ainsi que des
+
L’association « Biodiversité, Echanges et Diffusion d’Expériences » (bede-asso.org) est une association
échanges ayant eu lieu pendant les ateliers de présentations, en les analysants. Pour finir, j’ouvre sur
+
de solidarité internationale créée en 1994. Elle a depuis son origine pris en charge des questions de
le déroulement prévu des ateliers de co-construction de la structure entre les acteurs intéressés, et les
+
préservation de la biodiversité cultivée, de promotion des savoirs et des agricultures paysannes pour
perspectives d’évolution de ce dispositif.
+
une gestion respectueuse du vivant. Dans cette optique, BEDE est donc aussi une des associations qui
Une Boutique des Sciences
+
a fondé en 2003 le Réseau Semences Paysannes (semencespaysannes.org), lequel comprend 23
C’est un dispositif non-lucratif de recherche collaborative, qui permet aux associations, éventuels
+
associations membres en Occitanie, qui militent pour la promotion et la défense de la biodiversité
groupements d'agriculteurs, ou autres collectifs citoyens de s'adresser à des chercheurs pour identifier
+
cultivée et des savoir-faire associés.
ensemble des réponses à leurs questionnements. De ces demandes citoyennes découlent des projets
+
co-construits entre la société civile et le monde de la recherche. (BEDE 2017)
+
Le projet de Boutique des Sciences porté par cette association est conçu comme un prolongement des
C’est donc un support de recherches indépendant et participatif, permettant de répondre aux
+
« laboratoires hors murs », qu’elle a initiés et animés avec différentes unités de recherche entre 2013
préoccupations de la société civile. Le terme«Boutique»,assez marchand, est le résultat d'une
+
et 2015 dans le cadre du projet de recherche-action OUTDOORS financé par Agropolis Fondation. Ces
regrettable traduction de l'anglais«Shop»,qui pourrait aussi se traduire par«Atelier»,ou encore
+
laboratoires ont permis de co-définir entre chercheurs et paysans des programmes de recherche
«Fabrique». De telles structures existent déjà à Lyon, Lille, et ailleurs en Europeet dans le monde. Une
+
adaptés aux besoins d’associations paysannes en Algérie, au Bénin et en France, mais ont également
description plus complète de leur fonctionnement général et du rôle des différents acteurs est détaillée
+
mis en évidence des manques de lieux d’échanges et de financements durables pour leur
en annexe, dans le «Livret de présentation».
+
pérennisation. C’est pour répondre à ces problèmes que l’association BEDE a proposé de mettre en
L’association BEDE
+
place, avec tous les acteurs intéressés en Occitanie, une Boutique des Sciences qui s’intéresserait
L’association «Biodiversité, Echanges et Diffusion d’Expériences» (bede-asso.org) est une association
+
principalement aux thématiques de l’agriculture, de la biodiversité et de l’alimentation.
de solidarité internationale créée en 1994. Elle a depuis son origine pris en charge des questions de
+
préservation de la biodiversité cultivée, de promotion des savoirs et des agricultures paysannes pour
+
Je tiens également à remercier Glen Millot, de l’association Sciences Citoyennes
une gestion respectueuse du vivant. Dans cette optique, BEDE est donc aussi une des associations qui
+
(sciencescitoyennes.org) qui a aussi participé à la correction de ce rapport et m’a permis de mieux
a fondé en 2003 le Réseau Semences Paysannes (semencespaysannes.org), lequel comprend 23
+
comprendre ce milieu compliqué qu’est la recherche militante. Merci aussi à Mathieu Thomas, dont le
associations membres en Occitanie, qui militent pour la promotion et la défense de la biodiversité
+
point de vue détaillé m’a aidé à parfaire ce mémoire, et à l’équipe de BEDE : Christine, Carole et Audrey
cultivée et des savoir-faire associés.
+
qui m’ont joyeusement accueilli aux bureaux de cette petite mais très dynamique association. Et merci
Le projet de Boutique des Sciences porté par cette association est conçu comme un prolongement des
+
évidemment à Pascale et à Bob, qui m’ont suivi et encadré avec attention pendant ces deux mois !
«laboratoires hors murs», qu’ellea initiéset animésavec différentes unités de recherche entre 2013
+
et 2015 dans le cadre du projet de recherche-action OUTDOORS financé par Agropolis Fondation. Ces
+
===Liste des acronymes : ===
laboratoires ont permis de co-définir entre chercheurs et paysans des programmes de recherche
+
adaptés aux besoins d’associations paysannes en Algérie, au Bénin et en France, mais ont également
+
ALLISS : ALLiance Sciences-Société (alliss.org) est une association partenaire de la MSH-SUD qui cherche à promouvoir les coopérations entre recherche, acteurs sociaux et acteurs économiques et à produire des recommandations pour les puissances publiques basées sur ces expériences de coopération.
mis en évidence des manques de lieux d’échanges et de financements durables pour leur
+
pérennisation. C’est pour répondre à ces problèmes que l’association BEDE a proposé de mettre en
+
*BdS : Boutique des Sciences
place, avec tous les acteurs intéressés en Occitanie, une Boutique des Sciences qui s’intéresserait
+
principalement aux thématiques de l’agriculture, de la biodiversité et de l’alimentation.
+
*OSC : Organisations de la Société Civile (à but non-lucratif) : syndicats, collectifs, associations, ONG, collectifs d'habitants, ainsi que les mouvements et organisations qui de manière libre et distanciée à l’égard du marché et des institutions, développent une lecture critique de la société et se mobilisent pour la transformer.
Je tiens
+
également
+
*CSTI : Culture Scientifique Technique et Industrielle. Les CCSTI sont ainsi les Centres de Culture Scientifique Technique et Industrielle
à
+
remercier
+
*COMUE : Communauté d'Universités et Établissements, présent dans les différentes régions.
Glen
+
Millot,
+
MSH-SUD : Maison des Sciences de l’Homme, Sciences Unies pour un autre Développement (mshsud.org), est une fédération de recherche, membre de la COMUE du Languedoc-Roussillon. Elle regroupe notamment l'INSHS (Institut national des sciences humaines et sociales), les Universités de Montpellier (UM et UPVM3), l’IRD (Institut pour la Recherche et le Développement), Montpellier SupAgro et beaucoup d’autres établissements de recherche. Cet organisme entend favoriser et accompagner des dynamiques porteuses de propositions alternatives et innovantes au sein du monde universitaire. Il est ainsi ouvert aux chercheurs de toutes les disciplines.
de
+
l’association
+
==I] Contexte d’une recherche en lien avec la société en Europe, en France et en Occitanie. ==
Sciences
+
Citoyennes
+
Les projets de recherche qui cherchent à se mettre en lien direct avec la société sont de plus en plus
(sciencescitoyennes.org)
+
fréquents dans le monde scientifique et suivent des méthodologies multiples, fondées sur des
qui a aussi participé à la correction de ce rapport et m’a permis de mieux
+
conceptions différentes des interactions sciences-société. Pour simplifier les débats sur ces différents
comprendre ce milieu compliqué qu’est la recherche militante.Merci aussi à Mathieu Thomas, dont le
+
types de recherches, nous détaillerons dans cette introduction la vision de la recherche en partant du
point de vue détaillé m’a aidé à parfaire ce mémoire, età l’équipe de BEDE : Christine, Carole et Audrey
+
point de vue de l’association BEDE, qui regroupe les différents types de projets autour de trois formes
qui m’ont joyeusement accueilli aux bureaux de cette petite mais très dynamique association. Et merci
+
principales :
évidemmentà Pascale et à Bob, qui m’ont suivi et encadré avec attention pendant ces deux mois !
+
2
+
* Les projets de « sciences participatives », qui renvoient plutôt à l’idée d’une aide apportée par
----------------------- Page 3-----------------------
+
des citoyens à la science (amateurs volontaires, amateurs éclairés, spécialistes à la retraite,
Table des matières
+
etc.). Les citoyens volontaires peuvent ainsi – en respectant un protocole préparé ou validé par
Une Boutique des Sciences.............................................................................................................2
+
des scientifiques - effectuer des observations, des mesures, des échantillonnages ou
L’association BEDE...........................................................................................................................2
+
comptages et transmettre ces données (brutes ou pré-traitées) afin qu’elles soient traitées et
Table des matières...................................................................................................................................3
+
analysées par les scientifiques (source). Ces projets sont alors définis comme relevant d’une
I] Contexte d’une recherche en lien avec la société en Europe, en France et en Occitanie....................5
+
science participative et non de recherche participative, car les citoyens ne sont impliqués dans
1)Les Boutiques des Sciences en Europe........................................................................................6
+
le processus qu’au niveau de la collecte de données scientifiques et non dans la réflexion sur
Le réseau «Living Knowledge».......................................................................................................6
+
l’objectif de la recherche.
L'économie européenne de la connaissance...................................................................................7
+
2)Les Boutiques des Sciences en France.........................................................................................9
+
* Les projets de recherche conventionnelle, qui sont des projets dans lesquels les chercheurs
Les Boutiques des Sciences précurseurs.........................................................................................9
+
déclarent de plus en plus souvent prendre en compte le point de vue des acteurs, en
La boutique des Sciences de Lyon...................................................................................................9
+
développant des formes de participation des acteurs à certaines étapes de la recherche. Ils ne
La boutique des sciences de Lille:.................................................................................................10
+
mettent cependant pas en pratique les méthodes pour co-concevoir ou travailler ensemble aux
3)Les autres dispositifs de recherches collaboratives académique en France.............................10
+
questions de recherche elles-mêmes, qui restent définies par des chercheurs sans réflexion en
Les bourses de financement à destination du Tiers-secteur scientifique.....................................10
+
lien avec les praticiens. Ces recherches aboutissent ainsi à des publications scientifiques qui ne
Les tiers-lieux scientifiques et techniques.....................................................................................12
+
sont que rarement restituées aux acteurs du terrain et qui ne répondent pas forcément à leurs
Les spécificités des boutiques des Sciences..................................................................................13
+
attentes. Les citoyens et leurs interactions avec leur milieu y sont souvent les objets d’étude, à
4)Les «laboratoires hors murs» et l’émergence d’un projet de Boutique des Sciences co-porté
+
la différence des projets de sciences participatives qui font davantage intervenir le citoyen
par BEDE et la MSH-SUD en Occitanie..............................................................................................15
+
comme un « technicien », par exemple pour des comptages d’insectes par des entomologistes
Les «Laboratoires Hors Murs pour l’agrobiodiversité»................................................................15
+
amateurs. Sont emblématiques de ce type de projet les diagnostics de type MARP : Méthode
La vision de la BdS Occitanie par BEDE..........................................................................................16
+
Accélérée de Recherche Participative. Le problème que les chercheurs se proposent d’étudier
Les autres acteurs de la BdS..........................................................................................................17
+
est abordé à travers un diagnostic déjà orienté, étudiant par exemple les causes des limitations
II] Enquête et atelier de présentation du 3 juillet.................................................................................18
+
de rendements à partir d’indicateurs produits par des scientifiques et sans être ouverts aux
Une enquête d’intéressement.......................................................................................................18
+
autres indicateurs ou problèmes des agriculteurs.
Un atelier de présentation.............................................................................................................18
+
1)Rédaction du questionnaire et réalisation de l’enquête...........................................................19
+
* Les projets de recherche « coopérative » ou « collaborative » plébiscités par BEDE et ses
2)Déroulement de l’atelier de présentation.................................................................................19
+
partenaires, prennent en compte tous les points de vues et compétences : la définition du
Contexte Assises Sciences-Société à la MSH-SUD.........................................................................19
+
problème (définition des hypothèses de recherche, méthodologie) est précisée entre tous les
1èresession: contexte de l’évolution des BdS en Europe et en France.........................................20
+
acteurs au cours d’échanges. Parfois initiées par la société civile, ces recherches exigent que
2èmesession: Contexte de l’émergence d’une BdS en Occitanie...................................................20
+
les chercheurs travaillent en lien étroit avec les acteurs, parfois considérés comme co-
Echanges et propositions autour de la BdS en Occitanie..............................................................20
+
chercheurs, ou désignés par le terme de « tiers-secteur scientifique ». Dans ce type de
III] Synthèse des contenus de l’atelier de présentation et analyse des résultats de l’enquête.............21
+
recherche l’évaluation de l’impact de la recherche est également un aspect important (quoique
1)Synthèse du fonctionnement des BdS exposés pendant la 1èresession....................................21
+
pas systématique), car en lien avec une réflexion sur le rôle de la science. L’utilisation et la
Fonctionnement de la BdS Nord de France :.................................................................................21
+
construction d’un langage commun entre tous les acteurs (et non la « vulgarisation ») est
Fonctionnement de la BdS de Lyon:.............................................................................................22
+
particulièrement important pour mener à bien ce type de recherche. Les produits de ces
Points communs, divergences et éléments de réflexions:...........................................................23
+
recherches sont en général objets de publications validées ou co-signées par les différents
2)Enjeux et stratégie de l’association BEDE..................................................................................25
+
partenaires.
3
+
----------------------- Page 4-----------------------
+
Les trois grands types de recherche ainsi définis sont relativement caricaturaux dans la mesure au
Risques perçus par l’association....................................................................................................25
+
moins où les définitions même de la participation ne sont pas communément admises, non stabilisées,
Positionnement de BEDE...............................................................................................................25
+
renvoient à des écoles de pensée différentes, etc… Ainsi par exemple, la différence entre « science
3)Analyse des résultats de l’enquête............................................................................................26
+
participative » et « recherche participative » telle que retenue ici n’est pas utilisée de la même façon
4)Synthèse et leçons à tirer des discussions.................................................................................28
+
par tous. Il s’agit ici de donner simplement un cadre de référence du contexte d’émergence d’une
Orientation des thématiques........................................................................................................28
+
Boutique des Sciences, à partir du point de vue de l’association BEDE et de ses principaux partenaires
Importance de l’étudiant...............................................................................................................28
+
scientifiques.
Rappel des initiatives déjà existantes en recherche collaborative................................................29
+
Prise en compte de l’expression de la société civile au sein de la BdS..........................................29
+
Lipinski et Larqué, membres de l’association ALLISS, distinguent d’une façon un peu similaire trois types
Co-légitimité du partenariat chercheurs/associations..................................................................29
+
de liens sciences-société : sciences participatives, collaboratives ou citoyennes, selon que le
Financement..................................................................................................................................30
+
programme de recherche et la création de connaissance sont pilotés par le chercheur, par les deux
Impact ou utilité de la recherche?................................................................................................31
+
bords, ou par l’association citoyenne.
Quelle dimension réellement régionale pour une structure basée à Montpellier?.....................32
+
Autres rôles de la BdS....................................................................................................................32
+
===1) Les Boutiques des Sciences en Europe ===
La taxonomie.................................................................................................................................32
+
Tentative de méthode participative..............................................................................................33
+
Le modèle des Boutiques des Sciences (BdS) est historiquement une des premières initiatives ayant eu
5)Difficultés de l’atelier de présentation......................................................................................33
+
pour objectif de rapprocher la recherche scientifique de la société civile. Aujourd’hui environ une
IV] Perspectives.....................................................................................................................................34
+
centaine de BdS sont en activité dans environ 27 pays du monde, principalement en Europe.
1)L’atelier scénario........................................................................................................................34
+
2)La phase transitoire...................................................................................................................35
+
Les Boutiques des Sciences sont apparues en 1973 aux Pays-Bas, portées par des syndicats d'étudiants
3)Les projets-tests.........................................................................................................................35
+
en chimie et des enseignants, avec pour objectif de faire remonter les questions des citoyens sur les
V] Conclusion.........................................................................................................................................36
+
conséquences possibles des découvertes scientifiques, dans un contexte de financiarisation de la
VI] Références bibliographiques et web................................................................................................37
+
recherche déjà fortement critiqué . Ce modèle a ensuite essaimé en Europe au sein des universités, et
VII] Annexes...........................................................................................................................................38
+
la France comptait ainsi en 1980 seize boutiques de sciences, regroupées au sein de la « Fédération
Liste des acronymes:
+
Nationale des Boutiques de Sciences et Assimilés », aujourd’hui disparue.
ALLISS:ALLiance Sciences-Société(alliss.org) estune association partenaire de la MSH-SUD qui
+
cherche à promouvoir les coopérations entre recherche, acteurs sociaux et acteurs économiques et à
+
Dans les années 90-2000, ces structures ont rencontré des difficultés. En France, leur disparition a été
produire des recommandations pour les puissances publiques basées sur ces expériences de
+
le fait d’une réorientation des financements de l’Etat vers des dispositifs de « culture scientifique,
coopération.
+
technique et industrielle» (CSTI, cf p.11). Elles n’ont cependant pas disparu aux Pays-Bas, qui comptent
BdS: Boutique des Sciences
+
aujourd’hui 40 BdS, lesquelles mènent chaque année plusieurs milliers de programmes de recherches,
OSC: Organisations de la Société Civile (à but non-lucratif) : syndicats, collectifs, associations, ONG,
+
autour de thématiques liées aux problèmes environnementaux, à la santé, à l’éducation, aux conditions
collectifs d'habitants, ainsi que les mouvements et organisations qui de manière libre et distanciée à
+
de travail, au droit, à la demande de services sociaux, autour du développement des communes, des
l’égard du marché et des institutions, développent une lecture critique de la société et se mobilisent
+
problèmes du tiers monde etc…
pour la transformer.
+
CSTI: Culture Scientifique Technique et Industrielle. Les CCSTI sont ainsi les Centresde Culture
+
====Le réseau « Living Knowledge » ====
Scientifique Technique et Industrielle
+
COMUE: Communautéd'Universités et Établissements, présent dans les différentes régions.
+
Depuis les années 2000 et suite à de nombreux projets sous financements européens, une réapparition
4
+
des boutiques des sciences a pu être observée dans les pays où elles avaient disparu. Ces structures,
----------------------- Page 5-----------------------
+
restées assez marginales et ayant souvent risqué la fermeture faute de reconnaissance et de
MSH-SUD: Maison des Sciences de l’Homme, Sciences Unies pour un autre Développement
+
financements stables, semblent actuellement être dans une nouvelle dynamique. La création en 2005
(mshsud.org)
+
du réseau « Living Knowledge », financé par l'Union Européenne, a permis la mise en relation des
, est une fédération de recherche,membre de laCOMUEdu Languedoc-Roussillon. Elle
+
<ref>1 « Enquête: l’«Alliance Sciences-Société» et ses mystifications », 2013. scienceetcitoyens.word-press.com/2013/05/12/enquete-lalliance-science-et-societe-et-ses-mystifications/ Article critiquant par ailleurs durement l’association ALLISS, et de façon générale toute tentative de « science citoyenne » </ref>
regroupenotammentl'INSHS(Institut national des sciences humaines et sociales),lesUniversitésde
+
<ref>2 livingknowledge.org </ref>
Montpellier(UM
+
différentes Boutiques des Sciences européennes. Preuve de l’intérêt de l’Europe pour ces dispositifs,
et
+
différents programmes ont financé des initiatives de Boutiques de Sciences de façon quasi
UPVM3),
+
ininterrompue, avec une vision de long terme (s’étalant jusqu’en 2021). Il faut cependant souligner que
l’IRD(Institut
+
les aides européennes n’ont pas vocation à financer de façon durable les BdS, mais les aident à
pour
+
démarrer avant qu’elles trouvent des financements locaux. L’implantation durable des BdS dans les
la
+
territoires est ainsi dépendante du contexte politique et institutionnel local, c’est pourquoi l’avenir de
Recherche
+
ces structures reste encore incertain.
et
+
le
+
En Europe le réseau « living knowledge » est fortement soutenu depuis ses débuts par des
Développement),
+
financements européens, d’abord pour produire une réflexion et une formalisation des BdS (sans
MontpellierSupAgro et
+
chercher forcément à les standardiser), ensuite pour préciser les lignes directrices des futures
beaucoupd’autresétablissements de recherche.Cet organisme entend
+
politiques de financements de ce type de dispositif.
favoriser et accompagner des dynamiques porteuses de propositions alternatives et innovantes au sein
+
du monde universitaire. Il est ainsi ouvert aux chercheurs de toutes les disciplines.
+
====L'économie européenne de la connaissance ====
I] Contexted’une recherche en lien avec la société en Europe, en France
+
et en Occitanie.
+
Le réseau « Living Knowledge » est ainsi financé au niveau européen car les BdS sont considérées
Les projets de recherche qui cherchent à se mettre en lien direct avec la société sont de plus en plus
+
comme des dispositifs relevant de « l'économie de la connaissance », autour de laquelle le Conseil
fréquents dans le monde scientifique et suivent des méthodologies multiples, fondées sur des
+
Européen de Lisbonne a décidé d'axer la politique économique de l'Europe en 2000.
conceptions différentes des interactions sciences-société. Pour simplifier les débats sur ces différents
+
La théorisation de l'économie de la connaissance, ou capitalisme cognitif, découle de l'importance
types de recherches, nous détaillerons dans cette introduction la vision de la recherche en partant du
+
grandissante de la connaissance et de la technologie dans les économies modernes. Cette théorie pose
point de vue de l’associationBEDE, qui regroupeles différents types de projets autour de trois formes
+
ainsi le savoir comme un moteur de productivité et de croissance économique, et cherche entre autre
principales:
+
à créer un marché de la connaissance dans lequel toutes les connaissances sont brevetables. Ces
-
+
brevets correspondent ainsi à des « parts du marché de la connaissance », qui permettent le profit des
Les projets de « sciences participatives », qui renvoient plutôt à l’idée d’une aide apportée par
+
entreprises industrielles qui en possèdent la propriété exclusive.
des citoyens à la science (amateurs volontaires, amateurs éclairés, spécialistes à la retraite,
+
etc.). Les citoyens volontaires peuvent ainsi –en respectant un protocole préparé ou validé par
+
Des critiques font cependant remarquer qu'il s'agit d'une aliénation de ce bien commun qu'était
des scientifiques
+
jusqu'alors la connaissance . D'autres critiques portent également sur le fait de transformer l'école, la
-
+
connaissance, la culture et les relations sociales en moyens au service de la croissance de l'économie ;
effectuer des observations, des mesures, des échantillonnages ou
+
ou encore sur le fait que la croissance prétendument infinie de cette « économie de la connaissance»
comptages et transmettre ces données (brutes oupré-traitées) afin qu’elles soient traitées et
+
reste limitée par les ressources matérielles finies .
analysées par les scientifiques (source).Ces projets sont alors définis comme relevant d’une
+
scienceparticipative et non de rechercheparticipative, car les citoyens ne sont impliqués dans
+
Le soutient de l’UE aux BdS est donc « à double tranchant » : sa logique de fond sert avant tout les
le processus qu’au niveaude la collecte de données scientifiqueset non dans la réflexion sur
+
intérêts des industries, de la croissance économique, à travers notamment la « valorisation » par des
l’objectif de la recherche.
+
brevets, des connaissances et innovations co-produites entre chercheurs et acteurs non scientifiques.
-
+
Mais en retour ces soutiens européens ne conditionnent pas les dotations financières à certaines
Les projets de recherche conventionnelle,quisont des projets dans lesquels les chercheurs
+
méthodologies ou à certains résultats (nombre de brevets attendus par exemple) que devraient
déclarent de plus en plus souvent prendre en compte le point de vue des acteurs, en
+
développer les BdS.
développant des formes de participation des acteurs à certaines étapes de la recherche. Ils ne
+
mettent cependant pas en pratique les méthodes pour co-concevoir ou travailler ensemble aux
+
Ils constituent donc des instruments que certaines universités et/ou associations peuvent mobiliser
questions de recherche elles-mêmes, qui restent définies par des chercheurs sans réflexion en
+
librement pour d’une part développer leurs propres conceptions des enjeux et des processus de co-
lien avec les praticiens. Ces recherches aboutissent ainsi à des publications scientifiques qui ne
+
production de savoirs ou d’innovations, d’autre part défendre à travers eux des transformations des
sont que rarement restituées aux acteurs du terrain et qui ne répondent pas forcément à leurs
+
<ref>3 Geneviève Azam, « Les droits de propriété sur le vivant », revue Développement durable et territoires, 2008. developpementdurable.revues.org/5443 </ref>
attentes. Les citoyens et leurs interactions avec leurmilieuysontsouventles objets d’étude,à
+
la différence des projets de sciences participativesqui font davantage intervenir le citoyen
+
<ref>4 Eric Martin, « Qu’est-ce que l’économie du savoir ? », 2012. iris-re-cherche.qc.ca/blogue/qu%25e2%2580%2599est-ce-que-l%25e2%2580%2599economie-du-savoir </ref>
comme un «technicien», par exemple pour des comptages d’insectes par des entomologistes
+
<ref>5 Jean-Marc Jancovici, « La dématérialisation de l’économie : mythe ou réalité ? », présentation devant l’assem-blée nationale, 2007. assemblee-nationale.fr/13/cr-grenelle/jancovici-complts.pdf </ref>
amateurs. Sont emblématiques de ce type de projet les diagnostics de type MARP: Méthode
+
Accélérée de Recherche Participative. Le problème que les chercheurs se proposent d’étudier
+
Sur la société de la connaissance voir oecd.org/fr/sti/sci-tech/leconomiefondeesurlesavoir.htm, sur la vision de la société de la connaissance par l'OCDE, et mots.revues.org/14263, une analyse critique de la vision européenne de la société de connaissance
est abordé à travers un diagnostic déjà orienté, étudiant par exemple les causes des limitations
+
de rendements à partir d’indicateurs produits par des scientifiques et sans être ouverts aux
+
relations Science-société et des alternatives aux modèles industriels et capitalistes (de l’agriculture, de
autres indicateurs ouproblèmes des agriculteurs.
+
la santé, etc). C’est dans cette « brèche ouverte » que s’insèrent les projets de BdS portés par certains
-
+
Les projets de recherche «coopérative» ou «collaborative» plébiscités par BEDE et ses
+
partenaires, prennent en compte tous les points de vues et compétences: la définition du
+
problème (définition des hypothèses de recherche, méthodologie) est précisée entre tous les
+
acteurs au cours d’échanges. Parfois initiées par la société civile, ces recherches exigent que
+
les chercheurs travaillent en lien étroit avec les acteurs, parfois considérés comme co
+
chercheurs, ou désignés par le terme de «tiers-secteur scientifique». Dans ce type de
+
5
+
----------------------- Page 6-----------------------
+
recherche l’évaluation de l’impact de la recherche est également un aspect important (quoique
+
pas systématique), car en lien avec une réflexion sur le rôle de la science. L’utilisation et la
+
construction d’un langage commun entre tous les acteurs (et non la «vulgarisation») est
+
particulièrement important pour mener à bien ce type de recherche. Les produits de ces
+
recherches sont en général objets de publications validées ou co-signées par les différents
+
partenaires.
+
Les trois grands types de recherche ainsi définis sont relativement caricaturaux dans la mesure au
+
moins où les définitions même de la participation ne sont pas communément admises, non stabilisées,
+
renvoient à des écoles de pensée différentes, etc… Ainsi par exemple, la différence entre «science
+
participative» et «recherche participative» telle que retenue ici n’est pas utilisée de la même façon
+
par tous. Il s’agit ici de donner simplement un cadre de référence du contexte d’émergence d’une
+
Boutique des Sciences, à partir du point de vue de l’association BEDE et de ses principaux partenaires
+
scientifiques.
+
Lipinski et Larqué,membres de l’association ALLISS,distinguentd’une façon un peu similairetrois types
+
de liens sciences-société
+
: sciences participatives, collaboratives ou citoyennes, selon que le
+
programme de recherche et la création de connaissance sont pilotés par le chercheur, par les deux
+
bords,ou par l’association citoyenne.
+
1
+
1)
+
Les Boutiques des Sciences en Europe
+
Le modèle des Boutiques des Sciences (BdS) est historiquement une des premières initiatives ayant eu
+
pour objectif de rapprocher la recherche scientifique de la société civile. Aujourd’hui environ une
+
centaine de BdS sont en activité dans environ 27 pays du monde, principalement en Europe.
+
Les Boutiques des Sciences sont apparues en 1973 aux Pays-Bas, portées par des syndicats d'étudiants
+
en chimie et des enseignants, avec pour objectif de faire remonter les questions des citoyens sur les
+
conséquences possiblesdes découvertes scientifiques, dans un contexte de financiarisation de la
+
recherche déjà fortement critiqué . Ce modèle a ensuite essaimé en Europe au sein des universités, et
+
la France comptait ainsi en 1980 seize boutiques de sciences, regroupées au sein de la «Fédération
+
Nationale des Boutiques de Sciences et Assimilés», aujourd’hui disparue.
+
Dans les années 90-2000, ces structures ont rencontré des difficultés. En France, leur disparition a été
+
le fait d’une réorientation des financements de l’Etat vers des dispositifs de « culture scientifique,
+
technique et industrielle» (CSTI, cf p.11). Elles n’ont cependant pas disparu aux Pays-Bas, qui comptent
+
aujourd’hui 40 BdS, lesquelles mènent chaque année plusieurs milliers de programmes de recherches,
+
autour de thématiques liées aux problèmes environnementaux, à la santé, à l’éducation, aux conditions
+
de travail, au droit, à la demande de services sociaux, autour du développement des communes, des
+
problèmes du tiers monde etc…
+
Le réseau «Living Knowledge»2
+
Depuis les années 2000 et suite à de nombreux projets sous financements européens, une réapparition
+
des boutiques des sciences a pu être observée dans les pays où elles avaient disparu. Ces structures,
+
restées assez marginales et ayant souvent risqué la fermeture faute de reconnaissance et de
+
financements stables, semblent actuellement être dans une nouvelle dynamique. La création en 2005
+
duréseau « Living Knowledge», financé par l'Union Européenne, a permis la mise en relation des
+
1
+
«Enquête: l’«Alliance Sciences-Société» et ses mystifications», 2013. scienceetcitoyens.word
+
press.com/2013/05/12/enquete-lalliance-science-et-societe-et-ses-mystifications/
+
Article critiquant par ailleurs
+
durement l’association ALLISS, et de façon générale toute tentative de «science citoyenne»
+
2
+
livingknowledge.org
+
6
+
----------------------- Page 7-----------------------
+
différentes Boutiquesdes Sciences européennes. Preuve de l’intérêt de l’Europe pour ces dispositifs,
+
différents programmes ont financé des initiatives de Boutiques de Sciences de façon quasi
+
ininterrompue, avec une vision de long terme (s’étalant jusqu’en 2021). Il faut cependant souligner que
+
les aides européennes n’ont pas vocation à financer de façon durable les BdS, mais les aident à
+
démarrer avant qu’elles trouvent des financements locaux. L’implantation durable des BdS dans les
+
territoires est ainsi dépendante du contextepolitique et institutionnel local, c’est pourquoi l’avenir de
+
ces structures reste encore incertain.
+
En Europe le réseau «living knowledge» est fortement soutenu depuis ses débuts par des
+
financements européens, d’abord pour produire une réflexion et une formalisation des BdS (sans
+
chercher forcément à les standardiser), ensuite pour préciser les lignes directrices des futures
+
politiques de financements de ce type de dispositif.
+
L'économie européenne de la connaissance
+
Le réseau «Living Knowledge» estainsi financé au niveau européen car les BdS sont considérées
+
comme des dispositifs relevant de «l'économie de la connaissance», autour de laquelle le Conseil
+
Européen de Lisbonne a décidé d'axer la politique économique de l'Europe en 2000.
+
La théorisation de l'économie de la connaissance, ou capitalisme cognitif, découle de l'importance
+
grandissante de la connaissance et de la technologie dans les économies modernes. Cette théorie pose
+
ainsi le savoir comme un moteur de productivité et de croissance économique, et cherche entre autre
+
à créer un marché de la connaissance dans lequel toutes les connaissances sont brevetables. Ces
+
brevets correspondent ainsi àdes «parts du marché de la connaissance», qui permettent le profit des
+
entreprises industriellesqui en possèdent la propriété exclusive.
+
Des critiques font cependant remarquer qu'il s'agit d'une aliénation de ce bien commun qu'était
+
jusqu'alors la connaissance
+
3
+
. D'autres critiques portent également sur le fait de transformer l'école, la
+
connaissance,la culture et les relations sociales en moyens au service de la croissance de l'économie
+
4
+
;
+
ou encore sur le fait que la croissance prétendument infinie de cette «économie de la connaissance»
+
reste limitée par les ressources matérielles finies
+
5
+
.
+
Le soutient de l’UE aux BdS est donc «à double tranchant»: sa logique de fond sert avant tout les
+
intérêts des industries, de la croissance économique, à travers notamment la «valorisation» par des
+
brevets, des connaissances et innovations co-produites entrechercheurs et acteurs non scientifiques.
+
Mais en retour ces soutiens européens ne conditionnent pas les dotations financières à certaines
+
méthodologies ou à certains résultats (nombre de brevets attendus par exemple) que devraient
+
développer les BdS.
+
Ils constituent donc des instruments que certaines universités et/ou associations peuvent mobiliser
+
librement pour d’une part développer leurs propres conceptions des enjeux et des processus de co
+
production de savoirs ou d’innovations, d’autre part défendre àtravers eux des transformations des
+
3
+
Geneviève Azam, « Les droits de propriété sur le vivant », revue Développement durable et territoires, 2008.
+
developpementdurable.revues.org/5443
+
4
+
Eric Martin, «Qu’est-ce que l’économiedu savoir ?», 2012. iris-re
+
cherche.qc.ca/blogue/qu%25e2%2580%2599est-ce-que-l%25e2%2580%2599economie-du-savoir
+
5
+
Jean-Marc Jancovici, «La dématérialisation de l’économie : mythe ou réalité ?», présentation devant l’assem
+
blée nationale, 2007.
+
assemblee-nationale.fr/13/cr-grenelle/jancovici-complts.pdf
+
Sur la société de la connaissance voir
+
oecd.org/fr/sti/sci-tech/leconomiefondeesurlesavoir.htm,
+
sur la vision de
+
la société de la connaissance par l'OCDE, etmots.revues.org/14263, une analyse critique de la vision
+
européenne de la société de connaissance
+
7
+
----------------------- Page 8-----------------------
+
relations Science-société et des alternatives aux modèles industriels et capitalistes (de l’agriculture, de
+
la santé, etc). C’est dans cette «brèche ouverte» que s’insèrent les projets de BdS portés par certains
+
 
collectifs en France et notamment celui de BEDE.
 
collectifs en France et notamment celui de BEDE.
8
 
----------------------- Page 9-----------------------
 
2)
 
Les Boutiques des Sciences en France
 
En France, le renouveau des BdS s’est concrétisé par la courte mais significative expérience de la BdS
 
de Cachan en 2005, qui a précédé l’apparition de celles de Grenoble en 2011, Lyon en 2013 et Lille en
 
2015. Les boutiques existantesse sont rassembléesen 2015dansun réseau francophone à l’intérieur
 
du réseau européen.
 
Je m’attacherai principalement ici à décrire la création, le mode d’hébergement et les sources de
 
financements des différentes BdS françaises, leur fonctionnement sera détaillé plus en avant dans la
 
synthèse des exposés de l’atelier de présentation (cf p.19).
 
Les Boutiques des Sciences précurseurs
 
Le renouveau des Boutiques des Sciences française a eu lieu en 2005, avec la naissance de la boutique
 
de Cachan. Cette boutique, à l’initiative
 
d’étudiants, a ainsi permis de développer 2 études
 
bibliographiques (sur l’évolution de la biodiversité des blés et les outils de détections des plantes OGM).
 
D’autres demandes de la société civile ont été formulées mais faute de renouvellement des étudiants
 
porteurs et d’une absence de reconnaissance par l’administration cette boutique est à l’arrêt depuis
 
2008.
 
«l’Echop’à Sciences» de Grenoble en 2011, basée sur un fonctionnement et des financements
 
associatifs, peut également être considérée comme unedes BdS précurseur. Le projet, porté par des
 
chercheurs impliqués dans la vie associative, ne correspondait cependant pas à la politique de
 
l'université de Grenoble. Il leur a ainsi été impossible de pérenniser l'activité de la boutique, qui s’est
 
arrêtéeen 2013 malgré un engagement important des membres.
 
6
 
La boutique des Sciences de Lyon
 
Fortement soutenue par les financements de différents projets européens, une étude de
 
préfiguration de deux ans (2010-2011) à l’initiative du directeur de la COMUE financée par le projet
 
européen PERARES, a permis de préciser les chercheurs et associations intéressées et de faire
 
connaitre le projet de BdS-Lyon, puis de co-construire un premier projet pilote de recherche de 18
 
mois, sur les problèmes de pollution d'un cours d'eau à côté d'un jardin ouvrier, à la demande de et
 
en partenariat avec des associations de jardiniers et d’environnementalistes. Ce projet a également
 
été appuyé par la région et a permis de poser des bases de fonctionnement, d’identifier de bonnes
 
pratiques et des points de vigilance pour le dispositif ainsi créé.
 
En termes de budget le PALSE (Programme d'Avenir Lyon St Etienne) a financé le lancement de cette
 
BDS. Le dispositif est par ailleurs inscrit dans le projet d’IDEX(Initiatives D’EXcellence, projet faisant
 
partie du programme de financement national dit «investissements d’avenir»),lauréat en mai 2017,
 
ce qui garantit son financement pour encore au moins 4 ans et donc une certaine pérennité.
 
La Boutiques des Sciences de Lyon est ainsi fortement intégrée dans la COMUE, (structure issue du
 
regroupement des universités de Lyon et de St-Etienne), hébergée au sein du Service « culture,
 
sciences et société » de l’université, d’où des financements stables et conséquents, ainsi qu’une
 
visibilité etune garantie pour les appels à projets.
 
6
 
Rapport d’activité 2014 de l’association grenobloise Adreca-Contrevent: adrecacontrevent.files.word
 
press.com/2015/02/adreca-contrevent-rapport-dactivitc3a9-2014.pdf.
 
Ce document détaille la position de l’or
 
ganisation qui est implantée dans l’associatif et accompagne les projets de recherche-action, mais abandonne la
 
structure de BdS tout en gardant un objectif de devenir «une forme de laboratoire ou de centre de recherche
 
action, à base communautaire».
 
9
 
----------------------- Page 10-----------------------
 
La boutique des sciences de Lille:
 
La Boutique des Sciences de Lille fonctionne depuis 2015. Elle s’est constituée à l’initiative de 6
 
chercheurs issus de disciplines différentes, à la suite de la constitution en 2012 d’un groupement
 
temporaire de recherche «CiTé», qui visait à favoriser les interactions sciences-société. Le comité de
 
pilotage, qui a porté l’enquête de préfiguration à la suite de la proposition de ce groupement de
 
recherche, était constitué de chercheurs en sociologie et en physique, d’un ingénieur de recherche en
 
physique, de deux étudiants, et d’un membre d’une association.
 
Cettepréfiguration, commencée en octobre 2013, a été financée par la Région et par la communauté
 
urbaine de Lille, elle a duré un peu plus d’un an.
 
La préfiguration et la création de cette Boutique se sont ainsi faites en trois temps:
 
Une première phase de bibliographie et d’enquête sur d’autres BdS, a permis de mettre en évidence
 
un intérêt fort des chercheurs et des étudiants pour un renouveau des méthodes de recherche.
 
Une seconde phase de diffusion des résultats de l’enquêtea permis d’informer puis d’affiner les
 
attentes des différents groupes d’acteurs à travers des ateliers de réflexions restitués en plénière (50
 
participants). Cette phase a également permis d’identifier 20 personnes particulièrement motivées
 
pour participer à la phase de «l’atelier scénario».
 
La troisième phase a donc été consacrée à la réalisation de cet atelier scénario, en deux sessions
 
réparties sur deux soirées de réflexion approfondie sur le dispositif. Ces deux sessions ont eu lieu de
 
18h-21h afin de s’adapter aux contraintes des participants, et un buffet était également offert. Suite
 
aux discussions, il a été décidé (et possible)de faire héberger cette BdS au sein de la COMUE de Lille.
 
Elle dispose de locaux mis à disposition par un organisme équivalent à la MSH de Montpellier, qui fait
 
ainsi partie de la COMUE. Elle a menée 2 projets pilotes en 2015-2016, et deux autres en cours pour
 
2016-2017. Suite à une alternance politique, une partie des financements a été supprimée. Cette
 
réduction du budget a donc mis en veille le fonctionnement de la BdS, un demi-salaire est toujours
 
assuré, mais la possibilité de financer les projets de recherches sur des fonds propres a disparue. Des
 
projets de recherche sont ainsi en attente de financements.
 
3)
 
Les autres dispositifs de recherches collaborativesacadémiqueen France
 
Les boutiques des Sciences ne sont pas les seuls dispositifs qui veulent rapprocher le monde de la
 
recherche et la société civile. Nous détaillerons ici quelques-uns des dispositifs de financement passés
 
ou présent au sein des territoires français, et nous expliciterons les différences qui existent entre les
 
BdS et ces autres «tiers-lieux scientifiques» tels que les fab-labs ou living-labs.
 
Les bourses de financement à destination du Tiers-secteur scientifique
 
«Le Tiers-Secteur Scientifique est constitué d’initiatives de la société civile dans lesquelles des citoyens
 
lambda, des militants associatifs ou syndicaux, des usagers et des praticiens construisent
 
collectivement des connaissances qui leur sont nécessaires pour atteindre leurs objectifs citoyens. Il
 
comporte cependant une grande diversité de structures, d’objectifs, de moyens et de pratiques.»
 
7
 
Les appels à projets régionaux:
 
En Ile-de-France le Conseil régionala porté les PICRI (Partenariats Institutions-Citoyens pour la
 
Recherche et l’Innovation), entre 2005 et 2015. Ils développaient des projets assez proches de ceux
 
7
 
Définition 2012 du tiers secteur scientifique par Glen Millot de l’association Sciences Citoyennes: sciencesci
 
toyennes.org/le-tiers-secteur-scientifique-exemple-des-boutiques-de-sciences/
 
Sur le même sujet voir:sociologies.revues.org/5207#ftn8, basé sur l’étude des ASOSC en Bretagne
 
10
 
----------------------- Page 11-----------------------
 
portés par les BdS, avec cependant une orientation fortevers les doctorantset post-doctorantset des
 
budgets à compléter avec d’autres sources de financements,
 
souventsans mise à disposition
 
d’animateurs salariés pour faire le lien entre société civile et chercheurs. Dans le Nord-Pas de
 
Calaisc’est un «programme Chercheurs Citoyens» assez proche d’un PICRI qui a été mené par le
 
Conseil régional entre 2010 et 2016, mais qui n’a apparemment pas été renouvelé en 2017 pour des
 
raisons inconnues.
 
EnBretagne le «programme de recherche pour l’Appropriation SOCiale des Sciences»(ASOCS)porté
 
par le Conseil Régional a été créé en 2008, et a été en lien en 2011 et 2012 avec la tentative de création
 
du «PERISCOPE»: Plateforme d'Échanges et de Recherches Interdisciplinaires entre Science et Société
 
Civile Organisée pour le Pilotage et l'élaboration de l'Expertise.
 
8
 
Les dernières nouvellesen lignede ce
 
programme de recherche datent de 2014.
 
9
 
EnAuvergne, le Pôle «Recherche, Enseignement supérieur et Innovation» du Conseil régional a lancé
 
en 2012 un appel à projets grâce auquel deux projets ont été financés pour les années 2013-2014. En
 
2017 il ne semble pas que ce type d’appel à projet à destination des associations existe encore.10
 
Les Conseils régionaux ont en fait initié et expérimenté des formes de financements à destination de
 
partenariats entre société civile et monde de la recherche, mais ces financements sont instables, et il
 
n’en existe actuellement plus. Malgré un investissement initial
 
11
 
,il semblerait que l’effet de mode soit
 
retombé.
 
Les PSDR (Pour etSur le Développement Régional)
 
Ce sont des projets de recherches portés par l’INRA et les Régions, issus d’une dynamique continue
 
depuis 1993. Visant le développement territorial de l’agriculture, de l’agro-alimentaire ainsi que
 
l’aménagement de l’espaceet autres dynamiques rurales, les recherches sous label PSDR (5AO conjoint
 
INRA/Région) sont pluri ou inter disciplinaires, impliquant des chercheurs des Sciences Humaines et
 
Sociales autant que des Sciences biotechniques aux côtés d’acteurs de la sociétécivile liés au monde
 
agricole. L’accent est ainsi mis sur les relations entre partenaires scientifiques et de terrain dans la co
 
construction de recherchesen lien avec le réel.
 
12
 
Il s’agit néanmoins d’un dispositif national essentiellement piloté par les centres INRA, puis décliné par
 
régions, chacune imposant par ailleurs ses normes spécifiques de gestion et de partenariat. Des conflits
 
institutionnels dont je n’ai pas réussi à saisir la nature ont cependant mis fin aux programmes PSDR en
 
Languedoc Roussillon.
 
Les bourses CIFRE:Conventions Industrielles de Formation par la REcherche
 
Ce sont certainement les dispositifs qui aboutissent au plus grand nombre de projets parmi ceux qui
 
ont été présenté ici.Initialement destinés aux entreprises,ce sont des subventions qui financent
 
environla moitié du coût d’embauche d’un doctorant,pour des projets de recherche de trois ans
 
mettant en lien l’entreprise, un laboratoire de recherche et le doctorant autour d’un projet de
 
recherche objet de sa thèse défini par l’entreprise. Ces bourses permettent donc des collaborations de
 
8
 
mediations-sciences-societe.weebly.com/1/post/2011/04/lancement-de-priscope-avec-linstitut-universitaire
 
europen-de-la-mer-iuem.html
 
9
 
alainpenven.blogspot.fr/2014/05/la-recherche-partenariale-et.html
 
10
 
Une recherche sur le site des appels à projets de la région ne renvoyant rien de concluant:
 
auvergnerhonealpes.fr/89-guide-des-aides-appels-a-projet.htm?type=TYPE_APPEL&public=1
 
11
 
Article qui détaille l’engouement qu’il existait en 2014 pour le financement de ce type de recherche par les
 
conseils régionaux:
 
avise.org/actualites/recherche-action-et-innovation-sociale-des-conseils-regionaux-investis
 
12
 
psdr.fr/PSDR.php?categ=41&lg=FR
 
11
 
----------------------- Page 12-----------------------
 
recherche entre entreprises ou associations et laboratoires publics,mais la deuxième moitié de chaque
 
bourse doit être financée par des fonds propres ou à travers un appel à projet.
 
En 2016seuls 4% des bourses CIFREont étéallouées à des associations ou à des collectivités
 
13
 
.Le
 
partenariat entre l’AVEM et l’INRA dans le millavois par exemple, a fait appel à ce genre de dispositif.
 
Les tiers-lieux scientifiques et techniques
 
Nous retiendronsici la définition proposée sur le wiki du Movilab, un dispositif d'incubation de
 
«modes de vie durables» né en 2010 d'un appel à projet du ministère de l'écologie. Les «Tiers
 
Lieux»y sont définis comme des «espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes et
 
compétences variées qui n'ont pas forcément vocation à se croiser.»
 
14
 
En ce sens, Living-labs, Fab-labs et Boutique des Sciences sont des tiers-lieux que nous appelons
 
«scientifiques et techniques», à la différence des tiers-lieux de «co-action», plus souvent désignés
 
comme des espaces de coworking, sur des projets d’habitation collective ou encore de jardinage
 
communautaire.
 
Les Living-labs et la CSTI
 
«Un Living-lab est un écosystème d’innovation porté par les usagers, qui engageet motive toutes les
 
parties prenantes, stimule le co-design et la co-création de technologies, de produits, de services, créé
 
de nouveaux marchés et permet la transformation des comportements.»
 
15
 
.
 
Issu d’un partenariat Public-Privé-Population
 
16
 
, le Living-lab cherche donc à tester ou développer des
 
services, des outils ou des usages nouveaux en faisant interagir ces trois mondes.
 
Dans ce contexte l’usager est considéré comme l’acteur central de l’innovation, en tant que co-créateur
 
et utilisateur. Son implication permet de favoriser l’alignement de l’offre sur la demande en terme
 
qualitatif, de développer l’acceptabilité sociale des avancées technologiques
 
17
 
et de lui permettre de
 
«designer et d’expérimenter son propre futur»
 
18
 
Même si certains déclarent que ce dispositif « permet à une population d'influer sur les évolutions de
 
notre société et d'en appréhender les enjeux sociaux,technologiques et économiques»
 
19
 
les objectifs
 
par ailleurs affichés de « transformation des comportements », « d’acceptabilitésociale », et une
 
orientation vers le développement de produits ou de services au profit essentiellement des entreprises,
 
différentient fortement les Living-labs des BdS du moins en France,, puisque ces dernières sont avant
 
tout maintenant des structures destinées à co-produire des connaissances pour et avec des
 
organisations sociales et sans but lucratif.
 
De plus, les acteurs de la CSTI se rapprochent aujourd’hui des Living-labs dans un objectif de médiation
 
scientifique
 
20
 
et il faut rappeler qu'en France les BdS sont historiquement opposées au concept de CSTI
 
(Culture Scientifique, Technique et Industrielle),les financements initialement alloués aux BdS ayant
 
été réorienté vers les CCSTI (Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle) dans lesannées
 
13
 
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22130/les-cifre.html##repartition
 
14
 
movilab.org/index.php?title=D%C3%A9finition_des_Tiers_Lieux
 
15
 
Définition de l’European Network of Living Labs, cité par l’INRA:
 
inra.fr/rencontresia/content/download/3560/34549/file/5.Guyomard.pdf
 
16
 
Inmédia est un réseau regroupant un grand nombre
 
deCCSTI:inmediats.fr/living-lab-inmediats-des-reseaux
 
methodes-et-outils-au-service-dune-innovation-ouverte-13/
 
17
 
techsapouest.com/LIVING-LAB-presentation.awp
 
18
 
alcotra-innovation.eu/progetto/doc/Short_guide_on_Living_Labs_and_some_good_practices.pdfvoir page4
 
19
 
www.quaidessavoirs.fr/test/-/asset_publisher/e43Udiv6bqai/content/fab-lab
 
20
 
inmediats.fr/wp-content/uploads/2014/12/Living-Lab.pdf
 
12
 
----------------------- Page 13-----------------------
 
80. La stratégie nationale sur la CSTI a ainsi pour objectif d'«éclairer les citoyen(ne)s et leur donner les
 
moyens de renforcer leur curiosité, leur ouverture d'esprit, leur esprit critique, et de lutter contre le
 
prêt-à-penser, grâce aux acquis de la science et au partage de la démarchescientifique»
 
21
 
.Les CCSTI
 
sont donc les lieux de vulgarisation du savoir scientifique auprès des citoyens les plus éloignés de la
 
science et de la culture.
 
Ainsi, tandis que les CCSTI diffusent une culture scientifique et industrielle (en évitant d’aborder les
 
sujets destechnosciences: OGM et brevetabilité du vivant, clonage, nanotechnologies, biologie
 
synthétique; ou les controverses liées aux risques sanitaires, environnementaux, éthiques ou sociétaux
 
d’innovations scientifiques), les BdS ne refusent pas de travailler avec des associations qui posent
 
précisément ces questions (identification des cultures OGM par la BdS de Cachan, propriété collective
 
de semences locales par la BdS de Lyon, par exemple). Les BdS ont d’ailleurs historiquement été créées
 
par des citoyens, chercheurs et étudiants pour soulever ces questions d’impacts des innovations
 
scientifiques sur la société, tandis que les CCSTI ont été créés en sens inverse comme des «outils
 
d'adéquation rapides des sociétés en mutation aux contraintes de l'évolution technologique
 
moderne»
 
22
 
Enfin, si les BdS cherchent à co-définir de façon scientifique des problèmes sociétaux grâce à des
 
échanges entre membres de la BdS (incluant toujours des collectifs citoyens) puis à les résoudre
 
ensemble, les Living-labs visent à co-concevoir des produits ou des services à travers des interactions
 
avec des usagers intéressés, en utilisant des outils majoritairement numériques, pour des projets à
 
l’initiative d’entreprises ou de collectivités territoriales.
 
Les fab-labs et makerspace
 
Les fabs-labs et les Makerspaces sont des lieux physiques. Leur but est de permettre un travail en
 
commun autour de machines, d‘outils de programmation, ou parfois de processus industriels, et visent
 
l’échange de connaissances à travers la formation entre pairs. Les fab-labs se différencient des
 
Makerspaces par le fait qu’ils adhèrent à une charte rédigée par le MIT (Massachusetts Institute of
 
Technology, prestigieuse université et institut de recherche américain), qui met en avant l’obligation
 
d’une part de partager les connaissances entre tous les Fab-labs signataires, et d’autre part d’ouvrir ces
 
espaces au public.
 
Ces «lieux» permettent essentiellement à des citoyens d’échanger entre eux etde monter ensemble
 
des projets d’ingénierie. Ces projets ne demandent pas de «recherche» au sens scientifique du terme
 
mais cherchent à prototyper et à créer des objets manufacturés. Ce sont ainsi des lieux qui visent la
 
réappropriation des connaissances
 
techniques par les citoyens, mais pas nécessairement la
 
réappropriation du processus de recherche scientifique en amont de ces connaissances techniques. De
 
plus, ce ne sont pas des lieux qui cherchent à mettre en contact le monde de la recherche scientifique
 
et la société civile, car les ressources des autres fab-labs et de façon plus générale les ressources en
 
ligne y sont considérées comme la source principale de connaissances extérieures à partager.
 
Les spécificités des boutiques des Sciences
 
En France les relations entre Sciences et Société sont donc souvent articulées autour de la diffusion des
 
savoirs par les savants en direction des profanes à travers les CCSTI. Or, d’une part les savoirs sont
 
multiples et peuvent également provenir de la société, etd’autre part la société peut avoir des
 
demandes précises sans que la communauté scientifique puisse y apporter une réponse immédiate.
 
21
 
enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid113974/la-strategie-nationale-de-culture-scientifique-technique-et
 
industrielle.html
 
22
 
Rapport préparatoire de la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette sur le CCSTI de Guadeloupe, 1990
 
13
 
----------------------- Page 14-----------------------
 
C’est pourquoi les boutiques des Sciences sont avant tout pensées comme des espaces de dialogues et
 
d’échanges entre chercheurs et membres de la société civile, mais elles sont aussi censées offrir des
 
facilités d’accès à des financements qui permettent de conduire des projets de recherche collaborative
 
à l’initiative de la société civile. Cette complémentarité de l’encadrement matériel et financier autour
 
des projets de recherche est également associée à la mobilisation de méthodes facilitant la formulation
 
des problèmes. C’est donc ce triple encadrement matériel, financier et méthodologique, qui permet la
 
réalisation d’unerecherche collaborative répondant aux attentes des OSC comme aux exigences des
 
chercheurs.
 
Cela ne signifie pas qu’il est impossible pour des chercheurs et des OSC de s’entendre hors du cadre
 
d’une BdS sur une méthodologie adaptée prenant en compte les besoins de tous. Cependant, dans un
 
objectif de «réplication» de ces principes et postures encore assez marginaux, il est utile qu’un réseau
 
capitalise et réinvestisse les connaissances accumulées au cours des différents projets de recherche
 
collaborative;d’où l’intérêt d’un réseau européen de BdS. Plus largement, les BdSet l’association
 
Sciences Citoyennescherchent à faire évoluer les mentalités, les politiques et les institutions
 
d’encadrement et de financement de la science
 
23
 
, en montrantque la co-construction de projets entre
 
recherche et société civile n’aboutit pas à de la «mauvaise science»
 
24
 
.
 
Le dialogue sciences-société en ce sens est ainsi plus difficile que ce que laissent croire les objectifs
 
affichés des diverses institutions et programmes de financements qui«reposent sur une collaboration
 
étroite entre laboratoires de recherche publics et organisations issues de la société civile dans toutes
 
leurs diversités»
 
25
 
,mais qui ne précisent pas les détails de cette collaboration.
 
Du côté des autrestiers lieux scientifiques, cet objectif de dialogue entre les différentes parties de la
 
société n’est pas prioritaire, et le risque d’entre soi dans le milieu des fab-labs a déjà été critiqué, car
 
malgré une exigence d’ouverture, ne rentrent dans le fab-lab ou le living-lab que ceux qui sont
 
disponibles et intéressés par la démarche. L’accent mis sur la co-création, souvent autour de projets
 
liés aux technologies informatiques, pose en réalité la question de qui participe à cette co-création et
 
avec quelsobjectifs. Les Boutiques des Sciences rencontrent évidemment le même problème de
 
disponibilité et d’intérêt des publics, mais les chartes des différentes BdS mettent cependant un accent
 
clair sur l’objectif d’amélioration des conditions de vie des participants, et sur l’importance de
 
s’adresser de façon spécifique au monde rural ou défavorisé. Les thématiques d’études au sein des BdS
 
sont ainsi d’un autre ordre que celles des fab ou living-labs, principalement autour de questions
 
environnementales ou sociales, et plus rarement autour de questions technologiques.
 
De plus les BdS, en cherchant à mettre en relation le monde de la recherche et la société civile,
 
affrontent concrètement 3 problèmes récurrents: langages, rythmes d’actions et exigences de
 
validation des connaissances, qui différent entre ces deux mondes. Répondre à ces problèmes exige
 
une volonté forte de partage entre les différents acteurs mais surtout une méthodologie explicite, afin
 
d’obtenir des échanges réellement constructifs. La garantie que chaque acteur trouve un intérêt dans
 
les résultats de la recherche co-construite est indispensable pour l’investissement de chacun.
 
23
 
sciencescitoyennes.org/gouvernance-de-la-recherche-regulation-organisation-et-financement/
 
24
 
sciencescitoyennes.org/pas-de-fumee-sans-feu/
 
25
 
appel à projet PICRI 2015iledefrance.fr/aides-regionales-appels-projets/partenariats-institutions-citoyens
 
recherche-innovation-picri
 
14
 
----------------------- Page 15-----------------------
 
4)
 
Les «laboratoires hors murs» et l’émergence d’un projet de Boutique des
 
Sciences co-porté par BEDE et la MSH-SUD en Occitanie.
 
L’idée d’une BdS en Occitanie est issue à la fois des expériences de partenariats entre la recherche et
 
les paysans suivis par l’association BEDE et d’une volonté de différents acteurs locaux à Montpellier de
 
mettre en place un dispositifinnovant articulant étroitement et concrètement Sciences et Société.
 
Les «Laboratoires Hors Murs pour l’agrobiodiversité»
 
Dans le cadre d’un projet monté en partenariat avec l’UMR INNOVATION et l’UMR CEFE, BEDE ainitié
 
et coordonné, entre
 
2013 et 2015,un programme de recherche financé parAgropolis Fondation
 
26
 
visant àconstruire sur le terrain des collaborations entre le monde agricole et la recherche grâce à un
 
dispositif appelé «laboratoire hors murs». Ces collaborations ont permis de faire émerger en France,
 
mais aussi au Bénin et en Algérie, les questions des praticiens et des représentants d’organisations
 
paysannes locales autour de l’agrobiodiversité. Ces questions ont pu être discutées avec des chercheurs
 
d’universités nationales proches géographiquement ou thématiquement des communautés paysannes
 
(d’où émanaient ces questions), et reformulées entre paysans et chercheurs afin d’aboutir à des projets
 
de recherche co-construits.
 
Ces derniers ont permis entre autres de trouver des pistes de solutions de lutte agroécologique contre
 
des ravageurs du haricot niébé,d’entretenirla biodiversité cultivée au sein des vergers de figuiers et
 
de dattiers en Algérie, par exemple. Dans ce cadre BEDE a également travaillé avec l’association des
 
Semeurs du Lodévois-Larzac et l'Association Vétérinaires et Éleveurs du Millavois sur la question de la
 
démocratisation de la recherche et des formes que peuvent prendre les partenariats entre chercheurs
 
et associations.
 
Des documents de synthèse en matière de démarches
 
collaboratives en agrobiodiversité ont
 
également été rédigés, mais tous les projets de recherche-action co-construits n’ont pu être menés à
 
terme par manque de financements pérennes.
 
Ce programme a pris place en même temps que le projet DARE
 
27
 
(Democratizing Agricultural Research
 
in Europe)également porté par BEDE, qui entre 2013 et 2015 a permis l’organisation de 4 rencontres
 
constituantun premier réseau européen multi-acteurs (paysans, activistes, chercheurs)permettant
 
l’échanged’expériences sur l’innovation paysanne et la recherche collaborative en agriculture en
 
Europe.
 
Il s’agissait là d’une première étape d’un processus visant d’abord à réfléchir à une méthodologie, puis
 
à intégrer les différents acteurs de ces collaborations au sein de projets de recherche-action pérennes,
 
développant une gestion dynamique et une meilleure valorisation de la biodiversité agricole. Ces deux
 
ans d’expérimentation des «Laboratoires Hors Murs» ont ainsi ouvert de nombreuses pistes de
 
recherches mais ont également faitsurgir le manque crucial d’un maillon: un cadre de concertation
 
permanent où les agriculteurs puissent échanger de manière régulière avec un panel de chercheurs
 
autour de leurs questions.BEDE a donc besoin pour continuer son projet «Laboratoire Hors Murs»
 
d’un tel cadre de concertation associations/chercheurs, or un tel cadre correspond assez bien à ce qu’il
 
est possible de faire avec une BdS. BEDE cherche donc maintenant à faire naitre une BdS, qui ne serait
 
cependant pas à son usage exclusif, mais ausein de laquelle elle pourrait effectuer une étape de ses
 
projets «Laboratoire Hors Murs».
 
26
 
agropolis-fondation.fr
 
27
 
http://www.bede-asso.org/collaborations-par-theme/coconstruction-savoirs-biodiversite-cultivee/oser
 
democratiser-la-recherche-en-europe-dare-democratizing-agricultural-research-in-europe/
 
15
 
----------------------- Page 16-----------------------
 
Parallèlement à ce projet, la Maison des Sciences de l’Homme de Montpellier faisait l’objet d’une
 
importante restructuration la conduisant à formuler un projet d’avenir et un positionnement original
 
pour garantir sa pérennité dans un espace régional en pleine reconfiguration. En effet, le Languedoc
 
Roussillon a fusionné avec Midi Pyrénées en 2016, mettant en danger l’existence d’institutions existant
 
dans l’une etl’autre région quand elles étaient distinctes.
 
Pour que la MSH-SUD de Montpellier conserve une place dans l’espace institutionnel régional il lui
 
fallait se positionner face à son «homologue» toulousain. Elle a donc produit un projet scientifique,
 
qui vise à favoriser la recherche interdisciplinaire à travers des appels à projets, l'hébergement de
 
plateformes de recherches et la formation des étudiants aux méthodes interdisciplinaires, mais
 
cherche également à développer les relations des citoyens avec lemonde de la recherche. Cette
 
réflexion sur les liens entre citoyens et recherche est conjointe avec celle de l'association ALLISS
 
(ALLIance Science-Société), qui cherche à promouvoir les coopérations entre recherche, acteurs
 
sociaux et acteurs économiqueset à produire des recommandations pour les puissances publiques
 
basées sur ces expériences de coopération.
 
De ce projet scientifique émerge alors la volonté de la MSH d’aller à la rencontre du tissu associatif de
 
Montpellier pour identifier des moyens etinnover en matière d’articulation sciences/sociétés, en
 
offrant son espace renouvelé dans les locaux de Saint Charles pour accueillir, promouvoir et participer
 
à l’animation de cette articulation. Les Assises Sciences-Société co-organisées par la MSH et ALLISS en
 
partenariat avec tous les organismes de recherche et de formation supérieure de Montpellier, sont une
 
traduction concrète de cette volonté. Elles ont permis aux chercheurs et acteurs de la société civile
 
d'échanger sur ce thème entre le 3 et le 5 juillet2017, afin de faire reconnaître l'importance d’actions
 
collaboratives pour renforcer le soutien des institutions et des politiques publiques. Ces Assises ont
 
ainsi offert l’opportunité pour BEDE et la MSH de présenter le projet de BdS en Occitanieencore en
 
gestation, et de chercher des partenaires.
 
La vision de la BdS Occitanie par BEDE.
 
Le projet de créer une BdS initié par BEDE est ainsi inséré dans un projet plus large porté par la MSH
 
Sud. Comme nous l’avons expliqué plus haut, il reprendrait le concept de «laboratoire hors murs».
 
Pour BEDE, il s’agit de mettre en place les moyens d’un cadre de concertation pérenne entre
 
scientifiques et paysans, avec une structure qui survivrait aux ponctuels projets de recherche action
 
participative (d’une durée toujours limitée à deux ou trois ans), en s’appuyant sur des financements
 
institutionnels localisés et stabilisés en complément de financements plus classiques d’appels à projets.
 
La mise à disposition de locaux et l’engagement d’un salarié à la foispour la MSH-Sud et la BdS,
 
permettraient en effet d’assurer l’animation de rencontres régulières, nécessaires pour la formulation
 
et la reformulation des questions paysannes, mais aussi de respecter les temps des chercheurs et des
 
paysans, avec des financements permettant d’engager et d’encadrer les opérateurs, étudiants en
 
master, doctorants ou chercheurs, qui pourraient ainsi mener à bien des programmes de recherche à
 
la demande du terrain.
 
Cette BDS est aussi pensée comme une des étapes concrètes du processus de renouvellement de la
 
recherche agricole promu par BEDE, en s’appuyant sur l’expérience des associations qui ont déjà eu ces
 
partenariats avec la recherche grâce aux Laboratoires hors murs ou à travers d’autres projets. Cette BdS
 
vise également à sécuriser les interactions pour que les associations et les agriculteurs puissent
 
s’impliquer et s’exprimer aux côtés de scientifiques, c’est pourquoi il est essentiel que son
 
fonctionnement soit co-construit.
 
16
 
----------------------- Page 17-----------------------
 
Les autres acteurs de la BdS
 
Bien que l’association BEDE soit à l’origine de cette idée de boutique des sciences en Occitanie, elle est
 
loin d’être seule à porter le projet et à souhaiter qu’il aboutisse.
 
Localement la MSH-SUD, (Maison des Sciences de l'Homme, « Sciences Unies pour un autre
 
Développement ») est une émanation de la COMUE de Montpellier, structure qui associe des
 
universités, grandes écoles et tous les organismes de recherche présents autour de Montpellier.
 
Installée sur le site récemment rénové de St-Charles à Montpellier, elle disposede nombreux locaux
 
(mais relativement peu de financements).
 
C’est elle qui a réuni lors des Assises Sciences-Société les acteurs du monde de la recherche, citoyens,
 
associations, entreprises et élus pour construire un dialogue constructif entre savoirsd’origines
 
différentes. L'un des enjeux étant de développer des coopérations équilibrées et durables, c'est dans
 
le cadre de cet événement qu’ont eu lieu les premiers ateliers de présentation et de co-construction
 
de la Boutique des Sciences. Même si le travail de création a été délégué à BEDE, cette BdS serait
 
hébergée dans les locaux de la MSH et animée en partie avec cette institution, il s’agit donc bien d’un
 
co-portage (deux réponses conjointes à des appels d’offre ont d’ailleurs été rédigées et sont en attente
 
de décision des bailleurs: COMUE et Fondation de France).
 
Les Petits Débrouillards (
 
lespetitsdebrouillards.org
 
), premier réseau national d‘éducation populaire
 
à la science et par la science et premier réseau national d’éducation au développement durable dispose
 
également d’une antenne montpelliéraine et est intéressé pour assurer une mission de médiation entre
 
les associations avec lesquels elle est en contact et la Boutique des Sciences, de la même façon que
 
BEDE informe les associations paysannes de l’existence de la BdS. Ces deux médiateurs permettent
 
donc de toucher un large réseau associatif.
 
Au niveau national l’association Sciences Citoyennes
 
28
 
, par l’intermédiaire de Glen Millot (salarié),
 
accompagne les différentes BdS françaises, et àce titre participe aux différentes étapes de démarrage
 
de la BdS Occitanie. Cette association est impliquée à différents niveaux dans le mouvement actuel de
 
réappropriation citoyenne et démocratique de la science, afin de la mettre au service de la
 
connaissance comme bien commun. Cette association cherche en effet à refonder le système de
 
recherche autour d'un nouveau contrat non marchand entre sciences et société, permettant aux
 
associations et aux citoyens de participer à l'orientation de la recherche.
 
En tant que stagiaire je me suis intéressé à ces interactions Sciences-Société non pas dans l’idée d’une
 
meilleure performance des entrepriseset/ou d’une amélioration dufonctionnement de la société
 
actuelle grâce à larecherche,mais parce que je suis convaincu de l’effondrementà venirde la
 
civilisation thermo-industrielle, après lequel des modèles complètement différents de société et de
 
recherche scientifique seront indispensables. Notre avenirà plus ou moins long terme seradonctel
 
que je le conçoisun monde beaucoupplus incertain qu’actuellement, dans lequel la mise en place
 
d’adaptations pertinentes à l’évolution de l’environnement climatique et social sera déterminante. La
 
co-réflexion et la réalisation conjointe de ces adaptations entre scientifiques et autres acteurs
 
impliqués de la société civile me semblent être les meilleurs moyens de faire évoluer la société
 
(scientifiques inclus) dans une direction souhaitable. Mais la forme de cette «interaction» est à
 
réfléchir en détail, étant donné ladéfiance d’une partie du milieu alternatif (que j’imagine être celui
 
de demain) à l’égard des scientifiques qui, de leur côté, s’arrogent le droit de prescrire ce qui leur
 
semble bon pour la société et de prétendre qu’ils sont bien en interaction avec lasociété civile
 
29
 
.
 
L’action de la sphère politique se résumant au niveau national à un rôle de facilitateur de l’activité
 
28
 
sciencescitoyennes.org
 
29
 
Voirzad.nadir.org/spip.php?article4180en réponse àzad.nadir.org/spip.php?article4151, une initiative de
 
l’EHESS pour défendre la ZAD en tant qu’intellectuels.
 
17
 
----------------------- Page 18-----------------------
 
économique et, au niveau local à des actions engageant des acteurs de la société civile avec peu de
 
moyens. Dans le prolongement de ce stage, je réaliserai d’ailleurs un service civique sur Montpellier
 
pendant l’année scolaire 2017-2018, et souhaite à titre bénévole m’investir dans le démarrage de la
 
BdS, en participant à l’atelier-scénario ainsi qu’aux éventuelles réunions à venir de démarrage et de
 
fonctionnement de la BdS.
 
Les associations du RSPconstituent un troisième groupe d’acteurs partenaires. Elles sont constituées
 
d’agriculteurs organisés qui défendent une agriculture biologique et paysanne. Celle-ci est définie
 
comme une agriculture sociale et territorialisée, caractérisée par des pratiques non standardisées,
 
valorisant la diversité du vivant et les interactions entre humains et plantes cultivées : les paysans y
 
sont des producteurs d’agro-biodiversité
 
30
 
. Ces associations en Occitanie, ont déjà des expériences de
 
collaboration avec des chercheurs mais les jugent soit trop brèves–dans le temps-, soit trop ciblées
 
en faveur d’enjeux qui leur échappent, soit encore trop limitées par les règles de financement actuelles
 
de la recherche dite «participative».
 
Le Réseau Semences Paysannes insiste depuis sa création en 2003 sur la nécessité de co-construire les
 
connaissances sur les plantes cultivées
 
entre praticiens et chercheurs
 
31
 
pour lutter contre la
 
prolifération des variétés industrielles et contre la dépendance semencière, imposées par les grands
 
groupes. Contre les producteurs d’artefacts, l’artificialisation des milieux et des semences, ces
 
producteurs revendiquent leurs propres compétences en matière de pilotage de la biodiversité
 
32
 
.
 
Plusieurs programmes européens ou nationaux auxquels le RSP a contribué
 
33
 
ont souligné toutefois le
 
poids des obstacles réglementaires (leur logique descendante et asymétrique qui nie toute
 
compétence aux agriculteurs), limitant les innovations et les débouchés économiques pour les variétés
 
de pays, niant toute reconnaissance officielle aux semences paysannes et aux variétés
 
II] Enquête et atelier de présentation du 3 juillet
 
La méthode de montage d’une BdS à Montpellier a suivi celle préconisé par Science Citoyenne. Nous
 
reprenons donc ici ces principales étapes d’une démarche déjà expérimentée ailleurs et que j’ai pris
 
en charge, et réalisé, pour les acteurs initiateurs présentés ci-dessus.
 
Une enquête d’intéressement
 
Avant de lancer la création d’une BdS il est nécessaire de connaître les attentes, les besoins et éventuels
 
points de vue de multiples partenaires potentiels (chercheurs,associations,étudiants, bailleurs...) de
 
ce type de dispositif. Pour cela une enquête par questionnaire a été conçueet réalisée entre le 15 juin
 
et le 1er juillet (deux questionnaires en ligne différents ont été proposés pour les associations et les
 
chercheurs). L’enquête a été adressée à des listes non exhaustives, établies avec BEDE et Pascale Moity
 
Maïzi.
 
Un atelierde présentation
 
En même temps que ce questionnaire, des invitations ont été envoyées par mails aux groupes visés
 
(chercheurs, institutions locales, associations). Il ne s’agissait pas seulement de faire remplir le
 
questionnaire mais aussi d’inviter tous les acteurs potentiels à l’atelier de présentation qui se
 
déroulerait pendant les Assises Sciences-Société à la MSH.
 
30
 
Note d’intentionde BEDEpour des dispositifs pérennes de recherches actions participatives en soutien à la
 
gestion dynamique de la biodiversité cultivée in situ.2017.
 
31
 
RSP, BEDE, FSC, PEUV, 2011
 
32
 
Blandin 2009 ; Larrère, 2002
 
33
 
FSO 2012, REPERE 2009, SOLIBAM 2014
 
18
 
----------------------- Page 19-----------------------
 
1)
 
Rédaction du questionnaire et réalisation de l’enquête
 
Chaque questionnaire (annexe vi) a été accompagné d’un texte expliquant les contoursd’un Boutique
 
de Sciences. Les premières questions à destination des organisations de la société civile (terme qui
 
regroupe les associations, coopératives, groupements d’agriculteurs, collectifs citoyens…) portaient sur
 
l’identification des thématiques quiles intéressaient ou qu’elles traitaient. Une seconde partie du
 
questionnaire devait permettre d’estimer leur capacité à s’investir dans des projets de recherche. Une
 
troisième partie du questionnaire devait nous renseigner sur leur niveau et sources de financement
 
ainsi que sur le nombre de salariés présents dans la structure. Une question portait également sur la
 
familiarité des associations avec le monde de la recherche. Une estimation de l’intérêt pour les
 
différents aspects du dispositif ainsi qu’un espace d’expression libre en fin de questionnaire leur
 
permettait de décrire les projets qu’elles envisageaient de mener en lien avec la BdS.
 
Les questions à destination des chercheurs portaient d’abord sur le type et les thèmes de leurs
 
recherches, puis sur leur implication potentielle dans les différentes missions de la BdS, sur leur
 
familiarité vis-à-vis d’interactions avec la société civile et sur leur intérêt général pour le dispositif.
 
Les associations comme les chercheurs étaient également invités àdonner leur avis de façon ouverte
 
sur l’initiative, puis à indiquer leur mail s’ils souhaitaient être tenus au courant des suites de la
 
démarche.
 
Ces différents questionnaires en ligne étaient inspirés par ceux qui avaient été utilisés auparavant par
 
la BdS de Lille lors de son enquête de préfiguration. Ils ont été adaptés au contexte montpelliérain,
 
caractérisé par le projet de créer une BdS thématique, s’adressant à des associations travaillant dans
 
les champs de l’agroécologie, de la biodiversité et de l’alimentation.
 
L’enquête a donc été logiquement envoyée aux associations et chercheurs déjà sensibilisés par ces
 
thématiques voire ayant déjà manifesté un intérêt pour le projet, mais également à des listes de
 
diffusion plus larges (via recensements de listes d’associations en ligne). Au total, 239 associations et
 
162 chercheurs ont été sollicités par mail direct, donc sans compter les personnes ayant reçu l'enquête
 
par des mailing listes qui ont également été utilisées. D'autres acteurs (chambres d'agriculture,
 
responsables région et Métropole) ont également été invités à participer aux Assises et éventuellement
 
à transférer le mail auprès d'acteurs intéressés, chercheurs ou associations. Les taux de réponse sont
 
assez bons pour un questionnaire par mail, avec 28 associations et 38 chercheurs qui ont effectivement
 
répondu.Ces réponses sont à considérer en nombre de répondant et non en potentiel pourcentage de
 
répondants, car le nombre de personnes ayant effectivement reçu le mail ne nous est pas connu (envoi
 
sur des listes de mails de taille importante, diffusion du mail de contact au sein des réseaux…)
 
2)
 
Déroulement de l’atelier de présentation
 
Suite à cette enquête dite de préfiguration, l’atelier de présentation permet à la fois de présenter le
 
principe des boutiques des sciences et d’exposer les résultats de l’enquête. Les boutiques des sciences
 
sont en effet des dispositifs qu’il est nécessaire de présenter car ils sont peu connus, tant dans le monde
 
de la recherche que dans la société civile. L’enquête de préfiguration permet aux organisateurs de
 
justifier auprès de bailleurs de l’intérêt des chercheurs et des associations pour ce type de structure,
 
de recenser les acteurs souhaitant s’impliquer dans la démarche et à travers eux de se faire une
 
première idée des orientations que pourra prendre la BdS.
 
Contexte Assises Sciences-Société à la MSH-SUD
 
L’atelier de présentation a eu lieu pendant les Assises Sciences Sociétés, événement organisé dans les
 
locaux de la MSH-SUD. Ces assises ont réuni pendant trois jours, du 3 au 5 juillet 2017, des acteurs du
 
monde de la recherche, des citoyens, des associations, des entreprises, ou encore des élus. L’objectif
 
était de construire un dialogue entre savoirs d’origines différentes, et de développer des coopérations
 
19
 
----------------------- Page 20-----------------------
 
équilibrées et durables autour de cette thématique de dialogue renouvelé entre les sciences et la
 
société.
 
Une cinquantaine d’ateliers ont ainsi eulieu pendant ces trois jours, dont un grand nombre sur des
 
thématiques très proches voire recoupant celles de la boutique des sciences. Le nombre très important
 
d’intervenants et d’ateliers a cependant obligé le déroulement en simultané de réflexions semblables,
 
qui auraient gagné à être construites entre tous les intervenants concernés.
 
Une prise de note collaborative au cours de tous les ateliers et quelques référents chargés de suivre un
 
grand nombre d’ateliers ont permis d’élaborer rapidement une synthèse générale de l’événement, qui
 
a montré entre autres choses l’importance et la diversité des structures de médiation dans ce dialogue
 
science-société.
 
C’est donc au cours de cet évènement qu’a eu lieu notre atelier, en deux sessions, le lundi 3 juillet.Les
 
participants à cet atelier étaient les initiateurs du projet de BdS, des invités extérieurs sollicités pour
 
faire part de leurs propres expériences des BdS, et un public large de personnes curieuses ou
 
intéressées, pour un total d’une cinquantaine de personnes.
 
1èresession: contexte de l’évolution des BdS en Europe et en France
 
Différents intervenants invités ont ainsi pu préciser la notion de BdS au cours du premier atelier:
 
-Glen Millot, de l'association Sciences Citoyennes, a fait une présentationgénérale du dispositif des
 
Boutiques des Sciences en France et en Europe, et a détaillé comment Sciences Citoyennes
 
accompagne les BdS françaises.
 
-Bertrand Bocquet, initiateur de la BdS de Lille, a présenté cette expérience née en 2014.
 
-Pauline Bryère, de la BdS de Lyon, a présenté cette dernière-née en 2015.
 
-Sophie Martin : chercheuse à l'université de Montpellier, a présenté la plateforme de recherche action
 
COGITHON, à destination des personnes en situation de handicap mental, hébergée à la MSH etdont
 
le fonctionnement se rapproche de celui d’une BdS. L’enjeu de sa présence était de voir dans quelle
 
mesure les deux dispositifs pourraient à moyen terme fusionner ou cohabiter au sein de la MSH.
 
Il s'agissait de montrer qu'il existe différents modèles de fonctionnement de BdS qui naissent du
 
contexte et des attentes locales. Le contenu de cette session a ainsi été repris dans la description que
 
j’ai faite des boutiques de sciences en Europe et en France, (p.5-6).
 
2èmesession: Contexte de l’émergenced’une BdS en Occitanie
 
Bob Brac de la Perrière, coordinateur général de l’association BEDE, a exposé les raisons qui avaient fait
 
émerger l’idée d’une boutique de science en lien avec la MSH. Ces éléments ont été décrit page 11 et
 
12, puis analysés page 16
 
J’ai ensuite exposé les résultats de l’enquête de préfiguration pour permettre à tous de prendre
 
connaissance des différents points de vue d’acteurs, de leurs convergences et divergences éventuelles,
 
puis de faire un point sur le niveau d’intérêt et d’implication potentiel des acteurs ayant répondu à
 
l’enquête. Les résultats ainsi que leur analyse sont disponibles pages 18-19.
 
Echanges et propositions autour de la BdS en Occitanie
 
A la suite de ces exposés, des discussions ont porté sur les différentes expériences de chacun en termes
 
de recherches collaboratives, sur les pistes de financements et sur le nom que l’on souhaitait utiliser
 
pour remplacer le terme de «boutique», considéré comme inadapté. Une première tentative
 
d’identification des degrés d’implication possibles des personnes présentes, dans une future BdS à
 
20
 
----------------------- Page 21-----------------------
 
Montpellier, a été conduite, mais ses résultats ne sont pas pertinents: il était encore trop tôt, et de
 
plus pour un public disparate, de se positionner clairement sur des rôles ou formes d’engagements
 
dans une BdS.
 
III] Synthèse des contenus de l’atelier de présentation et analyse des
 
résultats de l’enquête.
 
Environ 75 personnes ont assisté à la première session et environ50 à la deuxième. Les participants
 
étaient majoritairement issusdu monde de la recherche et de la formation, mais des acteurs du
 
monde associatif étaient également présents.
 
1)
 
Synthèse du fonctionnement des BdS exposés pendant la 1
 
ère
 
session
 
Il s’agit ici de synthétiser le fonctionnement, les spécificités et pointscommuns des différentes BdS
 
présentées en première session, afin d’en extraire des éléments de réflexions pour le montage de la
 
BdS en Occitanie.
 
Fonctionnement de la BdS Nord de France:
 
A Lilleles demandes ou questions des associations sont recueilliespar un dépôt en ligne, par mail ou
 
par rencontre. Un Conseil d’orientation stratégique hiérarchise les demandes recueillies. Puis lessujets
 
sélectionnés, souvent assez vagues, sont précisés au cours de 2 ou 3 réunions dans les bureaux de la
 
BdS, entre leConseil d’Orientation Stratégique et la structure demandeuse.
 
Ce Conseil d’Orientation Stratégique (COS) estconstitué d’une quinzaine de personnes, dont une
 
moitié de chercheurs, «experts» bénévoles dans différents domaines, d’un représentant de la CSTIde
 
Lille, d’un représentant de la Comue (qui est le salarié de la BdS à mi-temps), d’un représentant de la
 
MESHS (institution qui met à disposition les locaux), et de 2 ou 3 représentants du monde associatif.
 
Sacomposition est en fait assez variable selon les disponibilités et l’intérêt de chacun à participer à la
 
reformulation des questions ou sujets, mais les chercheurs y constituent néanmoins un noyau assez
 
stable.
 
Il s’agit aussi pendant les réunions qui suivent le travail de sélection du COS, d’expliquer à l’association
 
demandeuse quel type et quel volume de travail il est possible de réaliser en prenant pour référence
 
la durée d’un stage de master 2. Un enseignant-chercheur pertinent est ensuite identifié comme tuteur,
 
et un étudiant est ensuiterecruté par cet enseignant ou par une annonce sur la plateforme des stages
 
de l’université. Les enseignants-chercheurs, bien que souvent occupés, sont intéressés par la
 
démarche.
 
La convention de stage se fait alors entre la BdS, l'association demandeuse et le tuteur enseignant. Les
 
projets de recherche coutent environ 5-6000€, et sont financés par la BdS, qui assure donc à la fois le
 
financement et le lien avec le monde de la recherche.
 
Le stage commence en février et est encadré par la BdS tout au long du processus, puis l’étudiant
 
présente ses résultats par oral et écrit à l’association demandeuse qui les valide. Un rapport de forme
 
académique est ensuite présenté en septembre, et mis en ligne sur lapage de la boutique de Lille
 
34
 
.
 
En termes de point faibles la BdS de Lille fait face à des financements limités malgré un intérêt
 
important des chercheurs et des étudiants, ou même de certains praticiens, collectivités ou bailleurs
 
sociaux dont les demandes sont refusées faute de moyens. Ainsi, seuls 4 projetsont été menés depuis
 
le lancement de cette BdS.
 
34
 
cue-lillenorddefrance.fr/?q=culture-patrimoine-societe/boutique-des-sciences
 
21
 
----------------------- Page 22-----------------------
 
Sa force principale réside dans l’attention qu’elle porte à la phase préliminaire de reformulation de la
 
demande entre le bureau de la BdS et l’association demandeuse, ce qui fait que de nombreuses
 
associations sont intéressées, plus d’ailleurs que ce que la structure peut traiter, alors que la boutique
 
ne fait pas de publicité. Cette BdS envisage cependant de former d’autres acteurs pour constituer un
 
réseau de relais physique au sein du territoire (médiathèque, autres associations) afin qu’ils puissent
 
informer de l’existence du dispositif et relayer des demandes vers la BdS. Une volonté existe également
 
de mettre à profit lesactivités en enseignement supérieur ou en expertise qui occupent maintenant
 
les 20%du temps desdoctorants. Elargir la base de chercheurs impliqués et stabiliser les membres du
 
Conseil Scientifique d’Orientation est fortement souhaité par les membres de la BdS. Cette stabilité des
 
engagements est au moins aussi importante que celle desfinancements, pour garantir la pérennité du
 
dispositif.
 
Fonctionnement de la BdS de Lyon:
 
A Lyon, la collecte des demandes se fait par le même biais, avec cependant une plus grande difficulté
 
à trouver des associations intéressées. Cette difficulté est peut-être due à la forte intrication de la BdS
 
dans l’environnement universitaire, mais peut-être également liée au nombre très limité de projets
 
financièrement réalisables, qui entraîne peut-être un épuisement des demandes associatives. Une
 
stratégie de communication paraît nécessaire mais n’est cependant que peu efficace pour faire
 
émerger les demandes de partenariats de la part des associations. Les associations rurales sont
 
néanmoins bien représentées dans les structures demandeuses, ce qui est la preuved’une certaine
 
visibilité de la BdS malgré son ancrage institutionnel très marqué.
 
Les demandes sont généralement recueillies jusqu’en juillet pour un traitement l’année suivante. Ici
 
c’est un Conseil Scientifique de la BdS qui reformule et hiérarchise les demandes recueillies. Il implique
 
des personnes du milieu universitaire, et réunit environ 10 personnes en septembre pour étudier et
 
préciser les demandes déjà un peu mises en forme et sélectionnées pendant l’année scolaire
 
précédente.
 
Ce conseil scientifique identifie les formations de Master et les stagiaires qui pourraient y répondre, à
 
travers une ou des offres de stage rédigées par la BdS.Le recrutement des étudiants se fait donc entre
 
septembre et décembre, puis une rencontre par projet a lieu entre associations, étudiants et tuteurs
 
de stage au début du stage en février, pour confirmer la forme de la question reformulée par le conseil
 
scientifique.
 
Les étudiants effectuent ensuite leurs stages dans les locaux des associations, encadrés par leurs
 
tuteurs associatifs respectifs, leur tuteur académique et un encadrant de la Boutique des Sciences.
 
Trois formations réparties au cours des stages permettent de rassembler les étudiants qui effectuent
 
des stages au sein de la BdS pour leur permettre d’échanger sur leurs stages, d’approfondir leurs
 
connaissances sur la recherche participative, et de se former à l’échange avec les associations
 
(communication et forme des rendus oraux et écrits).
 
Les stagiaires sont ainsi encadrés par un tuteur associatif, un tuteur académique et un tuteur de la BdS,
 
et sont payés par la BdS, ce qui facilite la réalisation des projets. Les synthèses vulgarisées sont ensuite
 
présentées lors de restitutions publiques, et le rapport vulgarisé est également postée sur le site de la
 
Boutique des Sciences de Lyon
 
35
 
.
 
Les restitutions publiques ont du succès, preuve que le rendu intéresse à la fois les acteurs demandeurs
 
mais aussi le reste de la société civile, et les étudiants sont très satisfaits de ces stages, qui les forment
 
au dialogue recherche-société civile, et à l’interdisciplinarité; qui leur donne aussi le sentiment d’être
 
35
 
boutiquedessciences.universite-lyon.fr
 
22
 
----------------------- Page 23-----------------------
 
utiles. Un point fort de cette boutique des Sciences c’est son financement pérenne et conséquent
 
(financement Idex), qui lui permet de disposer de deux salariés à mi-temps et de financer les salaires
 
des stagiaires. La BdS de Lyon cherche maintenant à consolider ses liens avec les autres activités du
 
service qui l’héberge au sein de l’université, avec par exemple des consultations citoyennes, et souhaite
 
commeLille inclure davantage les étudiants en doctorat.
 
Depuis son démarrage officiel en 2013 et grâce à une importante reconnaissance institutionnelle, la
 
BdS de Lyon a encadré 37 projets, et a élargi le modèle « classique » basé sur un stage de 6 mois d’un
 
étudiant en master 2 à des projets tutorés insérés dans le cursus, ou des « challenges » faisant
 
intervenir un grand nombre d’étudiants pendant 48h autour d’un problème soulevé par une
 
association.Une logique pédagogique forte est donc à l’œuvre dans cetteboutique très intégrée au
 
fonctionnement de l’université. Cette force est aussi une faiblesse liée aux décalages entre calendriers
 
(scolaire / exigences des acteurs du terrain). Cette BdS essaie d’y remédier par une diversification des
 
méthodes d’intervention, en réalisant par exemple un « hackaton » ponctuel rassemblant un grand
 
nombre d’étudiants pendant quelques jours sur une question de la société civile et pour des projets
 
plus courts, ou en proposant des projet tutorés insérés dans le cursus des étudiants.
 
Points communs, divergences et éléments de réflexions:
 
Ces deux BdS ont en commun de s’être dotées d’une charte rapidement après leur création qui, bien
 
que non contractuelle, permet de préciser les termes de la coopération entre structure qui faitune
 
demande, enseignant-chercheurs et étudiants.
 
Ces deux BdS cherchent également aujourd’hui à diversifier et accroître le nombre d’enseignants
 
chercheurs impliqués dans le dispositif car elles sont toutes deux plus ou moins restées sur la base des
 
chercheurs initialement intéressés par le projet.
 
Le stage M2 de 6 mois de février à juillet est également une contrainte commune, qui fait que les
 
étudiants et les associations, bien que satisfaits, ont parfois un sentiment d’inachevé, auquel pourrait
 
par exemple répondre un suivi post-recherche sur les impacts de la coopération.
 
Dans la même optique, elles se posent la question du dépassement de la logique opérationnelle autour
 
de «micro-projets». Ce dépassement est souhaité à Lyon, afin de pouvoir élargir l’utilisation des
 
résultats de la recherche sur d’autres territoires et auprès d’autres organisations, ce qui est envisagé
 
d’ici quelques années. Bertrand Bocquet de la BdS de Lille souhaite aussi accumuler un certain nombre
 
d'expériences pour monter en généralité, et travailler sur la notion de recherche participative, mais
 
précise cependant que la BDS n'est pas le seul dispositif intéressant, et qu’il existe d'autres possibilités
 
pour poursuivre le travail engagé sans que la BdS ait vocation à tout centraliser.
 
Ces deux exemples montrent également l’importance d’une reconnaissance institutionnelle locale de
 
la BdS, qui reste la porte d’entrée pour accéder à des financements pérennes, autorisant le
 
financement autonome des projets de recherche.
 
Il est cependant impossible de se mettre
 
complètement à l’abri des aléas politiques, et la stratégie visée par BEDE et ses partenaires et de
 
diversifier au plus possible les sources de financements de la BdS en Occitanie.
 
Ces deux BdS sont en réalité relativement similaires dans leur fonctionnement par rapport à la diversité
 
au niveau européen, et le quatuor demandeur/stagiaire M2/tuteur académique/tuteur BdS donne
 
l’impression que l’on a finalement affaire à des plateformes d’offres de stages, donc à des dispositifs
 
assez orientés vers la formation des étudiants. Contrairement à la vision des initiateurs de la BdS en
 
Occitanie, l’accent est au final peu mis sur les interactions entre chercheurs et associations,
 
(notamment une faible attention semble donnée à la découverte et à la compréhension du terrain de
 
travail des associations par le monde de la recherche). Comme nous le développerons plus loin, les
 
23
 
----------------------- Page 24-----------------------
 
étudiants peuvent dans ce contexte à la fois être le lien entre monde associatif et monde de la
 
recherche, mais risquent également d’être une barrière entre ces deux mondes qui n’échangent pas si
 
facilement.
 
Tableau1: Comparaison des différentes BoutiquesdesSciences françaises
 
ENS Cachan
 
Echop’a science
 
(Grenoble)
 
Boutique des
 
Sciences Nord de
 
France
 
Boutiques des
 
Sciences de Lyon
 
Boutique des Sciences en
 
Occitanie?
 
Types de stage et
 
d’étudiants
 
? stage M2
 
probablement
 
De L1 à M2
 
M2 préféré
 
De L1 à M2
 
Doctorants?
 
Types de
 
production et de
 
retour
 
Etudes biblio
 
De 1 à 8 mois, biblio et
 
terrain
 
6 mois, biblio et
 
terrain (enquête)
 
Biblio ou terrain: 6
 
mois + autres formes
 
moins «BdS»
 
3 ans? Objectif de
 
publication?
 
Nombre d’études
 
réalisées et durée
 
de
 
fonctionnement
 
2 études en 3
 
ans
 
6 études en 2 ans
 
4 en 2 ans
 
37 en 5 ans
 
Deux projets pilotes en
 
2018-2019?
 
Acteurs
 
«internes»
 
faisant
 
fonctionner et
 
interagir la BdS
 
Etudiants,peu
 
d’informations
 
Bureau, Référent
 
boutique, Référent
 
scientifique, Encadrant.
 
Conseil Scientifique
 
et d'Orientation
 
constitué de
 
Chercheurs et de la
 
Société civile
 
Conseil Scientifique
 
constitué
 
d’universitaire,
 
tuteur associatif,
 
tuteur académique,
 
tuteur BdS.
 
A définir, importance des
 
acteurs associatifs
 
Origine des
 
financements
 
?
 
Complémentarité
 
Europe (Perrares) et
 
région (appel
 
Université citoyenne et
 
solidaire)
 
COMUE: ½ salarié
 
MESHS (≈MSH):
 
locaux
 
Région:
 
Financements
 
Très intégré dans la
 
COMUE(service
 
médiation), Idexpour
 
4 ans.Au début
 
financements
 
Européens et
 
Université de Lyon
 
(PALSE)
 
Envisagé: Région, MSH
 
pour locaux, Métropole,
 
Agropolis Fondation,
 
Fondation de France,
 
iSite Muse?
 
Thématiques
 
abordées
 
Toutes, mais
 
les études
 
réalisées ont
 
porté sur la
 
biodiversité,
 
et les OGM
 
Toutes (fourneau à
 
bois, techniques de
 
construction, compost,
 
potager urbain,
 
précaritéetsecteur de
 
la connaissance,
 
demande sociale en
 
histoire)
 
Toutes (recherche
 
sur la BdS,
 
immigration et
 
engagement
 
associatif, trame
 
verte et bleue,
 
coopération
 
associative
 
internationale)
 
Toutes (beaucoup)
 
Agriculture voire juste
 
agrobiodiversité dans un
 
premier temps, puis
 
élargissement à la santé
 
et l’alimentation à
 
l’avenir.
 
Date et initiateurs
 
de la BdS
 
2005 par des
 
étudiants, à
 
l’arrêt depuis
 
2008
 
2011 par l’association
 
Adreca: Association
 
pour le développement
 
d’une recherche
 
citoyenne et active, à
 
l’arrêt depuis 2013
 
Fonctionne depuis
 
2015, suite à
 
l’initiative d’un
 
groupe de
 
chercheurs au sein
 
d’un labo en 2012
 
2013, suite à une
 
initiative du directeur
 
de la COMUE en
 
2010
 
BEDE et MSH-SUD en
 
2017, en cours de
 
montage
 
Lien vers charte
 
36
 
Site non fonctionnel
 
mais charte
 
accessible
 
37
 
38
 
Cf annexe ii
 
«Charte de bonne
 
conduite»du Réseau
 
Semences Paysannes?
 
39
 
36
 
http://boutiquedessciences.free.fr/pmwiki/uploads/Main/charte_bds_cachan_2004_04_15.pdf
 
37
 
https://adrecacontrevent.files.wordpress.com/2014/07/echopascience_rapportqualitatif_2012.pdf
 
page 24 pour le fonctionnement, page 29 pour la charte.
 
38
 
http://www.cue-lillenorddefrance.fr/sites/default/files/charte_bds_ndf.pdf
 
39
 
http://www.semencespaysannes.org/bdf/docs/spsynth6mai.pdf
 
24
 
----------------------- Page 25-----------------------
 
2)
 
Enjeux et stratégie de l’association BEDE
 
Il serait abusif de parler de «la vision de la BdS que porte BEDE», car ses membres se posent encore
 
entre eux la question de savoir comment se positionner par rapport à ce projet. Leur vision est donc
 
plurielle et évolutive. Il s’agit donc ici de synthétiser et d’analyser la vision actuellement à l’œuvre dans
 
cette association, sous réserve d’évolutions ultérieures, pour orienter les discussions de l’atelier et pour
 
défendre l’idée d’une gouvernance associative qui ferait la particularité de la BdS en Occitanie.
 
Bob Brac de la Perrière, coordinateur salarié de BEDE n’a donc pasprésenté une expérience de BdS,
 
mais a présenté la position de l’association dans ce projet, par rapport aux différents risques perçus.
 
Risques perçus par l’association
 
Un des risques est de fonder une BdS dont les membres associatifs n’ont pas une vision claire, ou
 
n’arrivent pas à organiser leurs besoins autour d’un fonctionnement détaillé. Un second risque c’est
 
que les chercheurs et/ou les bailleurs orientent le pilotage du dispositif vers des méthodologies de co
 
construction qui ne soient pas suffisamment à l’écoute des besoins des acteurs de lasociété civile. Les
 
programmes de recherche risquant alors de s’orienter vers une recherche conventionnelle pseudo
 
participative, incompatible avec la vision de la recherche que porte BEDE. Ce risque d’une implication
 
décroissante des membres associatifsest donc étroitement lié avec celui d’une certaine méfiance vis
 
-
 
à-vis de l’implication d’organisations qui pourraient ne pas être en phase avec le projet de la BdS selon
 
BEDE.
 
Positionnement de BEDE
 
Afin d’avoir certaines garanties sur l’implication et lesvaleurs des différents partenaires, BEDE souhaite
 
dans une certaine proportion choisirles participants qui seront conviés aux ateliers scénarios, donc
 
identifier des associations et chercheurs qui ont déjà eu des partenariats avec BEDE ou autres membres
 
du RSP. Cela offrira de plus une certaine unité sur les valeurs fondamentales du dispositif, unité
 
nécessaire pour s’entendre autour du projet commun qui sera posé pendant l’atelier scénario.
 
Pour se prémunir d’une dérive potentielle de la BdS vers un fonctionnement déconnecté des besoins
 
du terrain, BEDE proposeégalementà ses partenaires potentiels unpilotede la BdS. Ce pilote(annexe
 
viii)reste évidemment à discuter.Ilpermettranéanmoinsd’expliqueraux partenaires potentiels,et
 
notamment aux bailleurs,que cette BdS cherche à mettre en place un modèle de recherches
 
collaboratives,différent des modèles habituels de recherches participatives.Il s’agitcependant de
 
financer de manière durable ce dispositif et les projets de recherches qui seront conduits à travers lui,
 
et BEDE adoncrépondu à divers appels d’offres, auprès de fondations telles que la Fondation de France
 
ou encore la Fondation Agropolis, quiannoncent vouloirfavoriser le développement d’une recherche
 
en lien avec la société civile. Des discussions sont également en cours avec la Région Occitanie pour
 
capter des financements complémentaires de moindre ampleur. Un appel à projet de type CSTI a été
 
envoyé, la réponse a cependant été négative.
 
L’atelier scénario, et la réflexion collective qu’il permet sur le fonctionnement de la BdS,aaussi pour
 
rôle d’après BEDE de compléter les attentes identifiées pendant les Labo Hors Murs sur
 
l’agrobiodiversité. BEDE ayant déjà une certaine connaissance de la recherche collaborative, ilne s’agit
 
pas de suivre à la lettre le modèle de BdS développé ailleurs en France ou en Europe, mais de s’en
 
inspirer voire de le faire évoluer car les valeurs fondamentales portées par les BdS correspondent à
 
celles portées par BEDE. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la méthodologie adaptable utilisée pour le
 
montage des BdS, qui permet de construire des structures en phase avec les besoins des porteurs et
 
des territoires.
 
25
 
----------------------- Page 26-----------------------
 
Pour résumer, il est donc considéré comme capital-sans que BEDE soit l’entité aux commandes du
 
dispositif -qu’un portage des projets par la société civile soit garanti, afin que la boutique des sciences
 
sécurise l’interaction, et que les associations soient sûres de pouvoir s’exprimer et que leurs avis soient
 
effectivement pris en compte.Ainsi, il s’agit de trouver des partenaires convaincus par le projet et ses
 
valeurs, avec lesquels la forme de la BdS puisse être débattue. C’est avec eux qu’il faudra composer au
 
sein du ou des bureaux/conseils/commissions, qui seront décidés et dont les membres seront désignés
 
pendant les ateliers scénarios.
 
3)
 
Analyse des résultats de l’enquête
 
Du côté des organisations de la société civile, avec 28 réponses représentant 21 associations, 1 SARL,
 
et 2 SCOP, (plusieurs répondants par organisation) les profils des intéressés sont liés à l’agriculture, à
 
la préservation de l’environnement ainsi qu’à la formation/éducation. 17 répondants signalent un
 
intérêt certain à court ou moyen terme pour ce projet,cependant même pour les mieux dotésle
 
manque definancement est un facteur limitant de leur investissement dans la conduite de recherches
 
portées grâce à ce dispositif.
 
10
 
8
 
6
 
4
 
2
 
0
 
16
 
14
 
12
 
Plus de ressources (financières, personnel,
 
temps)
 
Plus d’expertise scientifique de la part de
 
membres de la structure
 
Plus de connaissances techniques
 
extérieures
 
Eléments limitants pour le développement des activités
 
des 17 associations intéressées (plusieures réponses possibles)
 
Pour les thèmes d’activités, l’agriculture, la formation et la défense de l’environnement dominent:
 
Quel sont les domaines qui correspondent
 
le plus à l'activité de votre structure?
 
26%
 
18%
 
Agriculture
 
37%
 
Défense de l'environnement
 
Action Santé
 
5%
 
Défense des droits et des
 
causes
 
5%
 
Action sociale
 
7%
 
Culture
 
2%
 
Formation et éducation
 
26
 
----------------------- Page 27-----------------------
 
En termes dethèmes des projetsde recherche, très peu de ces acteurs font allusion aux thématiques
 
de la santé et de l'alimentation. Soulignons également que pour certains la BdS est également perçue
 
comme un partenaire de formation.
 
Ils évoquent en effet à peu près tous l’agriculture,avec des questions ciblant des problèmes précis :
 
-Comment nommer les semences paysannes pour qu’elles restent un bien commun?
 
-Comment utiliser/valoriser l’urine humaine sur spiruline, vigne ou bioponie
 
-Vérifier les effets du BRF de pin sur la croissance des plantes et la vie du sol
 
-Comment développer un verger sec méditerranéen pour l’agroécologie
 
-Projet pilote agroécologique
 
-Comment évaluer l’impact des pratiques agricoles sur les nappes phréatiques
 
-Faire une typologie des consommateurs en boutiques paysannes et marchés
 
-Faire une typologie des participants au mois de l’agroécologie (septembre 2017)
 
Mais quelques-uns proposent aussi des thèmes plus généraux:
 
-Transition agroécologique en zone inondable
 
-Programme pluridisciplinaire en agroécologieet agroforesterie
 
-Etude des Complémentarités Biodiversité et Potager
 
Du côté des chercheurs, 38 ont répondu (sur plus d’une centaine de personnes contactées): ils sont
 
issus de champs disciplinaires très variés, avec cependant une majorité de chercheurs issus des
 
sciences humaines et sociales (SHS):
 
Disciplines des chercheurs interrogés
 
Science de l’éducation
 
5%
 
Sciences biologiques
 
16%
 
Economie
 
14%
 
SHS
 
43%
 
Sciences physiques et
 
mathématiques
 
14%
 
Agronomie
 
5%
 
Sciences de la santé
 
3%
 
Il s’agitpeut-être icid’un biais lié àl’accès limité aux adresses de tous les chercheurs universitaires
 
montpelliérains (l’université de Montpellier qui comporte le plus d’enseignants-chercheurs en sciences
 
du vivant en particulier, nous était presque inaccessible). De plus, le temps très court etla période
 
estivalen’ont pas joué en notre faveur dans l’exhaustivité des réponses
 
A l’exception d’un seul chercheur, tous se sont dits intéressés ou très intéressés par ce projet de BdS,
 
Ils s'interrogent cependant sur le terme de "boutique" et préfèrent plutôt celui d'"atelier". Ils
 
27
 
----------------------- Page 28-----------------------
 
soulignent également une évolution en cours des financements de projets de recherches participatives,
 
vers plus d’injonctions aux interactions du monde de la recherche avec la société civile.
 
On constate aussi que ces répondants ont déjà une certaine familiarité du monde des associations à
 
Montpellier car de nombreuses organisations ont déjà travaillé avec eux sur des projets de recherche,
 
ce qui a permis à plusieurs d’entre elles d’avoir déjà réfléchi aux difficultés, notamment financières,
 
exigées par la coordination d’un projet avec des chercheurs.
 
4)
 
Synthèse et leçons à tirer des discussions
 
Les discussions ont ainsi principalement pris place pendant la deuxième session de l’atelier. Très
 
dynamiques, elles ont montré unniveau d’intérêt élevé des participants.
 
Orientation des thématiques
 
La question de l’orientation des projets de recherche vers lesthématiques de la santé, envisagée dans
 
un premier temps, a été abandonnée suite au trop faible nombre de réponses et de personnes
 
présentes dans ce domaine de compétences lors de cet atelier, malgréun pôle santé important sur
 
Montpellier. Les chercheurs et les associations de ce domaine ont été difficiles à cibler, par manque de
 
connaissance du milieu médical par l’association BEDE et par les personnes-ressources du stage. Il s’agit
 
cependant d’une communauté qui pourrait être intéressée à terme, et qui a déjà développé ses propres
 
outils participatifs autour desquels il serait intéressant d’échanger. La BdS en Occitanie n’est donc pas
 
définitivement ferméeà cette thématique, un élargissement des sujets de recherche est toujours
 
possible à l’avenir.
 
Cependant la phase de construction de la BdS et de définition/sélection de projets pilotes sera conduite
 
avec une majorité d’acteurs déjà connus des porteurs de la BdS, lesquels n’ont d’ailleurs pas tous pu
 
participer à l’atelier. Il s’est ainsi avéré difficile de toucher toutes les associations et tous les chercheurs
 
pour l’enquête initiale malgré des listes de destinataires déjàtrès larges (la trop courte période
 
disponible pour la réalisation de l’enquête/invitation, et la période estivale pendant laquelle elle a été
 
menée ont sans doute joué en défaveur de l’enquête et de la participation à l’atelier). Pendant les
 
discussions de cette seconde session, une question a dominé: «Comment on communique(pour et
 
dans le cadre de la future BdS) ?», c’est à dire à travers quels outils et dans quels lieux physiques (ou
 
en ligne). Elle est apparue importante car elle oriente dès le départ les publics ciblés.
 
Importance de l’étudiant
 
Le rôle de l’étudiant (master ou doctorant) a été souligné à plusieurs reprises, car en tant
 
qu’intermédiaire entre le monde de la recherche et les associations, c’est lui qui est chargé d’échanger
 
avec les associations pour qu’elles s’approprient et appliquent le protocole co-constuit, et pour qu’elles
 
puissent se former et développer leur propre vision de la méthode scientifique. Ainsi, pour faire de la
 
recherche auprès de paysans, il est important que l'étudiant ait un minimum de formation et que
 
l'agriculteur n'ait pas à l'«encadrer». Le choix de l’étudiant est donc crucial pour les associations, qui
 
devront avoir leur mot à dire lors de la phase de recrutement d’un «chargé d’étude».
 
On peut alors souligner l’absence quasi-totale d’étudiants autres que le stagiaire dans ces sessions et
 
dans la réflexion sur la création de cette BdS. Une attention particulière devra y être portée si l’on
 
souhaite les impliquer, qu’ils soient ingénieurs, master 2 ou doctorants.Cette association des étudiants
 
dans la création de la BdS pose également la question du type d’étudiant qui participera au projet de
 
la BdS, les stages courts termes de M2 étant jugé par BEDE comme trop limités.
 
28
 
----------------------- Page 29-----------------------
 
Rappel des initiatives déjà existantes en recherche collaborative
 
Certains collectifs du RSP ayant plusieurs expériences de projets de recherche, ils ont déjà rédigé des
 
chartes autour de la recherche participative. La prise en compte de ces documents sera ainsi essentielle
 
au cours de la construction de la BdS Occitanie.
 
La «Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault»représentée lors de cet atelier a rappelé
 
qu’elle a toujours fonctionné (depuis environ 150 ans) comme une BDS, en synergie avec la fac de
 
pharmacie, cependant à destination exclusive de ses adhérents. Cette société dispose d’un site où sont
 
publiés en accès libre des travaux
 
40
 
. D’une manière plus générale, elle nous permet de comprendre que
 
les sociétés savantessont des acteurs stratégiques, dont l’importancen’avait pas été identifiée lors des
 
premières réflexions. Du fait de leur expérience en matière de recherches collaboratives ces acteurs
 
méritent d’être mobilisés dans la co-construction de la BdS Occitanie.
 
La question de la différence entre les BdS et différents programmes de recherches collaboratives tels
 
que les PSDRet les PICRI (cf p.9) aégalement été posée. Bien qu’ils semblent assez proches de l’objectif
 
de co-construction des méthodes de recherches portés par les BdS, ils ne sont pas considérés par tous
 
comme des dispositifs mettant en place de véritables méthodologies de co-construction de la
 
recherche en lien avec la complexité de la demande associative. Il ne s’agit cependant pas de les
 
évacuer mais de s’inspirer avec prudence de ces modèles dont les dimensions innovantes ont été
 
soulignées par ailleurs.
 
Prise en compte de l’expression de la société civile au sein de la BdS.
 
Un paysan ne pourra pas porter seul une demande de recherche. Il a donc été souligné que rejoindre
 
une association ou un collectif était non seulement facile mais également important par exemple
 
autour des réflexions et pratiques sur les semences.
 
Le souhait de parité entre membres de la société civile et autres membres de la BdS a été exprimé par
 
Bob Brac de la Perrière (BEDE), qui a souligné le risque d’une dérive du fonctionnement vers des
 
logiques trop institutionnelles, dont la société civile risque d'être exclue. Il insiste donc sur l’importance
 
que ce dispositif soit animé ou porté par une association, en précisant quel’objectif de BEDE n’est pas
 
de centraliser toutes les recherches participatives de Montpellier mais bien d’accompagner celles qui
 
entrent dans son champ de compétences!
 
Co-légitimité du partenariat chercheurs/associations
 
La visibilité et la légitimité sont également recherchées par les associations qui souhaitent collaborer
 
avec les chercheurs qui ont les mêmes préoccupations qu’elles. La BdS cherche donc à développer une
 
reconnaissance de la société civile notamment vis-à-vis des financeurs de la recherche. Il s’agit pour les
 
membres des associations qui s’engageront de faire reconnaitre leur propre travail de recherche,
 
d’accéder à des financements au même titre que les organismes de recherche, permettant de garantir
 
une rémunération compensatoire du temps passé pour la recherche (temps de réunions,
 
d’encadrement, de valorisation-séminaires, forums etc-). Il s’agit donc de reprendre un mécanisme
 
déjà formalisé par le RSP (Réseau Semences Paysannes): c’est là un principe éthique partagé par tous
 
ceux qui se sont investis dans l'émergence d'une BDS Occitanie. Cette question du financement et donc
 
de la valeur du temps de recherche et des connaissances coproduites est un élément essentiel à penser
 
ensemble.
 
De façon complémentaire les chercheurs ont également fait remarquer que pour eux aussi la
 
collaboration avec la société civile au sein d’une BdS reconnue, pouvait être source d’une meilleure
 
légitimité, notamment pour accéder à des financements qui exigentdes partenariats recherche-société
 
40
 
s2hnh.org
 
, avec par exemple des travaux sur la mouche de l’olivier
 
29
 
----------------------- Page 30-----------------------
 
civile et pour mieux valoriser leurs engagements auprès d’associations pour co-produire des
 
connaissances avec elles. Cette légitimité est cependant à nuancer avec le fait qu’une partie
 
relativement importante du monde de la recherche déconsidère encore ce type de partenariat,
 
estimant qu’ils aboutissent à des résultats de moins grande qualité scientifique, difficilement
 
valorisables en publications. On a même affaire parfois à une critique de ce type de partenariat comme
 
preuve d’un manque d’imagination des scientifiques qui vont chercher leurs questionnements auprès
 
de la société civile.
 
Financement
 
Financements et impacts de la recherche ont été très liés dans les discussions, nous les rapportons ici
 
de façon séparés pour la clarté du propos.
 
En terme de financement, il est tout d’abord nécessaire de différentier les moyens attribués aux projets
 
de recherches (salaires du ou des opérateurs, frais de transport, équipements…) et les moyens
 
attribués à la BDS elle-même (salaire de l’animateur qui s’occupe de la logistique et des échanges,
 
bureau, salle de réunion…). Une réponse à appel à projet de la Fondation de France a été proposée
 
pour le financement de projets et d’une partie du coût de fonctionnement de la future BdS.Pour
 
compléter la prise en charge de ces coûts structurels, la stratégie visée par BEDE et la MSH est de capter
 
des financements pérennes de la part de la Région et de la Métropole. Le réseau européen des
 
boutiques des sciences Living Knowledge est également en train de chercher des pistes pour favoriser
 
à l'échelle européenne un appui financier direct des COMUE aux BdS, sur le modèle de Lyon. Il faut
 
rappeler que la MHS-SUD fait partie de la COMUE de Montpellier, mais disposant de peu de moyens
 
financier elle est prête à mettre gratuitement des bureaux à disposition de la future BdS Occitanie.
 
Concernant d’autres pistes de financements davantage axées sur la prise en charge des projets
 
thématiques que porterait la BdS, il a été souligné que de plus en plusd’appels à projets (ceux de la
 
Fondation de France, ou de la Fondation Agropolis notamment)cherchent à intégrer des collectifs
 
régionaux auprès des chercheurs. Dans ce sens, laCoordinationeuropéennedes Semences
 
Paysannes("Libérons la diversité Europe")qui effectue une veille sur ce type d’appel à projets est une
 
base arrière pertinente. De plus, au niveau européen les financements FEADER (Fond européen
 
agricole pour le développement rural, faisant partie de la PAC)permettent de financer des stages de
 
type PEI à Supagro, il serait intéressant d’explorer de quelle façon ils pourraient être utilisés par la BdS.
 
L’idée d’une intégration dans l'iSite MUSE ou dans les EUR (Ecoles Universitaires de Recherche)a
 
également émergé pendant les discussions, BEDEet la MSH n’y sont pas opposés et sont en train
 
d’étudier cette possibilité qui n’avait pas encore été envisagée.
 
Le modèle promu par la BdS est donc celui de projets de recherches partant des praticiens, pour
 
lesquels un collectif chercheurs-société civile cherche des financements à travers le dispositif reconnu
 
au sein de la MSH. La possibilité de fonctionner dans l’autre sens, c’est-à-dire dans une logique de
 
réponses à des appels à projet portées par des scientifiques, sur des thèmes spécifiques et certes
 
négociés en partie entre les uns et les autres, a également été évoquée. Cependant ce modèle existe
 
déjà, BEDE comme le RSP en ont une bonne expérience (BEDE est actuellement partenaire avec le RSP
 
du projet COEX porté par le CIRAD principalement et financé par la Agropolis Fondation); il s’agit avec
 
la BdS de partir des initiatives du terrain plutôt que de se «rajouter» comme partenaires sur de gros
 
projets dont la gestion et les enjeux finaux comme les résultats échappent encore à la société civile.
 
L’objectif de non-marchandisation des résultats de la recherche, un des critères d’acceptabilité de la
 
demande historique pour les Boutique des Science, a également été discuté. Aujourd’hui ce critère
 
est variable selon les boutiques des sciences en France. Il a été précisé que sur des problématiques
 
agricoles, les associations et les paysans évoluent dans un cadre de rentabilité de leurs activités,mais
 
la BdS se place cependant dans une logique différentede celle d’un bureau d'études, car le
 
30
 
----------------------- Page 31-----------------------
 
«produit» n’est pas l’expertise du chercheur, maisà la foisles résultatset la démarched’échange et
 
deco-construction entre les chercheurs et les associations.C’est un des points qu’il sera nécessaire
 
d’éclaircir lors de la formalisation de la BdS en Occitanie.
 
Pour finir, le financement des recherches portées par des associations ou dispositifs type BDS repose
 
toujours sur de longues négociations, et la diversité des sources de financements (région, recherche,
 
fondations privée…) est importante afin de garantir une certaine pérennité et une impartialité
 
nécessaire du dispositif comme des résultats des recherches.
 
Impact ou utilité de la recherche?
 
En lien donc avec la question des financements, la question de «l’impact» et de l’utilité de la recherche
 
a constitué un point central des discussions en seconde session de l’atelier. Des situations négatives
 
ont été décrites, de projets de recherche «participatifs» où les chercheurs et étudiants ne reviennent
 
pas auprès des paysans qu'ils ont mobilisés, ou qui produisent des connaissances dans un langage qui
 
n'est pas partagé. La BdS s’engagerait à modifier ces pratiques, ce qui suppose un engagement initial
 
des chercheurs et des étudiants à changer leurs habitudes académiques, en systématisant les
 
restitutions locales et la co-construction d’un langage commun, qui permettrait une innovation sur les
 
concepts utilisés par chacun.
 
La question de l’impact est stratégique. Mais la notion elle-même pourrait porter à confusion dans la
 
mesure où certains organismes derecherche, tels que l’INRA, l’utilisent déjà pour décrire ou évaluer
 
«l’impact» non d’une recherche mais d’une publication: cet impact est mesuré avec un certain
 
nombre de critères notamment le nombre de fois où elle est citée, renvoyant a priorià la fréquence
 
d’utilisation et à l’étenduede la diffusion des résultats.Pour une BdS, il ne s’agit pas de mener une
 
simple «vulgarisation» des résultats, terme potentiellement dévalorisant et également sujet à débat.
 
L’objectif porté par les différents participants est bien de conduire tout un processusdeproduction
 
d'un langage commun avec co-validation des résultats de la recherche selon des critères co-construits,
 
qui implicitement renvoient à des impacts. Ainsi, au terme du projet de recherche, les résultats doivent
 
être compréhensibles et de qualité pour tous sans être moins bons que les résultats issus d’une
 
recherche «conventionnelle». Cet objectif ambitieux nécessite donc un apprentissage réciproque, car
 
chacun doit prendre l'habitude de travailleravec l'autre et comprendre ses exigences et critères ou
 
normes d’action.
 
En ce sens l’articulation entre les intérêts du chercheur, de l'association, de l’étudiant voire même du
 
salarié de l'association, doit être mûrement réfléchie. Car si tous les acteurs ne sont pas intéressés et
 
engagés par tout le processus et par les résultats de la recherche, il est à craindre que l'utilité du temps
 
investi soit considérée comme faible voire nulle. Or la compréhension d’un autre point de vue visant
 
à développer un langage commun exige une motivation et une disponibilité importantes, incompatibles
 
avec un désintérêt vis-à-vis du projet de recherche.Il est donc important que les associations
 
s’approprient aussi la démarche, laquelle peut amener des réflexions innovantes tant pour le projet de
 
recherche lui-même que pour le fonctionnement et les objectifs de l’association. L’exemple a été donné
 
d’une association qui vient en appui technique aux collectivités sur la «Trame verte et bleue», sur un
 
projet de recherche qui cherchait à évaluer l’appropriation de ce concept de «Trame verte et bleu» et
 
l’acceptation ou le rejet des aménagements par les acteurs locaux, habitants et jardiniers. L’étude ayant
 
montré que ces acteurs locaux ne connaissaient quasiment pas le concept, il a été conseillé à
 
l’association de développer ou de réorienter ses objectifs afin de faire d’abord connaitre le dispositif et
 
les aménagements au public cible comme première étape vers l’objectif d’appropriation.
 
Dans l’autre sens, le monde de larecherche doit également comprendre la vision des praticiens, et
 
accepter de se familiariser avec des visions du monde et du vivant parfois plus sensibles que
 
«scientifiquement rationnelles».
 
31
 
----------------------- Page 32-----------------------
 
L’idée a aussi été évoquée de se mettre en lien avec des équipes professionnelles de la valorisation de
 
la recherche, et de passer par ces services pour rendre plus vite accessibles les résultats de la recherche
 
co-construite au plus grand nombre. La responsabilité de la BdS vis-à-vis de la diffusion de ces résultats
 
est ici évidente, c’est pourquoi il est envisagé d'évaluer systématiquement les impacts et enjeux
 
multiples des recherches menées au sein de la BdS : changements des visions de la recherche, utilité
 
sociale, environnementale, politique, etc...
 
Quelle dimension réellement régionale pour une structure basée à Montpellier?
 
Le fait que la BdS soit portée par BEDE et dispose d’un espace à la MSH, qu’elle soit de ce fait fortement
 
implantée à Montpellier pose la question de l’ambition régionale du dispositif. Atravers les différents
 
réseaux et contacts des porteurs du projet de BdS ainsi qu’à travers des étapes événementielles telles
 
que les Assises Sciences Société, l’objectif est d’atteindre cette échelle régionale dès les premiers
 
projets, dans l’optique d’accéder à un plus grand nombre de financements. Un pôle à Toulouse est jugé
 
nécessaire, et c’est dans cette optique qu’un représentant du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse
 
s’est déclaré d’emblée intéressé par un partenariat. Il s’agit maintenant d’évaluer si ce genre de
 
structure est bien un relai interdisciplinaire et neutre qui pourrait participer activement à la BdS
 
Occitanie. A Toulouse également Laurent Hazard, chercheur INRA, partageant les valeurs portées par
 
BEDE et par le projet BdS, constituerait un relai pertinent pour construire cette dimension régionale.
 
Enfin, le
 
collectif Agroécologie (
 
collectif-agroecologie.fr
 
) semble également être un partenaire
 
potentiel dans cette ville.
 
Autres rôles de la BdS
 
Quelques interventions ont également mis sur la table la question des autres rôles potentiels de la BdS,
 
avec par exemple une proposition de construire, tester et formaliser d'autres modes d'interactions
 
entre société civile et monde de la recherche, ou encore une proposition de créer un «label» BdS, qui
 
certifierait différents projets comme réellement collaboratifs et qui ferait prendre conscience et
 
connaitre les sciences citoyennes.
 
La taxonomie
 
Le changement de nom du dispositif a été considéré comme impératif afin d’enlever la notion
 
marchande, et pour mieux définir ses contours et ses fonctions possibles, au-delà de transmettre des
 
demandes des OSC aux chercheurs.«Atelier» et «Passerelle» ont été proposés comme alternatives.
 
Une façon de réfléchir à cette question est de discutercollectivement autour d’une grille
 
«lieu/action/sujet»:
 
Lieu/dispositif: Boutique, Fabrique, Atelier, Passerelle, laboratoire hors murs, interface…
 
Action: Production, co-construction, collaboration, coopération…
 
Sujet: Science, recherche-action, connaissances…
 
Des noms plus libres ont également été proposés:
 
BOSS: Boutique Occitane de Sciences Société
 
COCORICOS: CO-COnstruction de Recherche Innovante de COnnaissances pour la Société
 
FOSC: Fabrique Occitane des Sciences Citoyennes
 
32
 
----------------------- Page 33-----------------------
 
Tentative de méthode participative
 
Un nuage de post-it a ensuite permis à chacun d’exprimer ses attentes ou sa vision du projet d’une
 
Boutique des Sciences. Dans le même temps il était proposé à chacune des personnes présentes dans
 
la salle d’indiquer son niveau d’implication possible dans cette prochaine BdS, avec quatre niveaux
 
possibles :
 
Gouvernance / conseil d'experts / porteur de projet / être tenu informé
 
Pour l’instant seuls des chercheurs sont intéressés par les missions pourtant centrales de gouvernance
 
et de conseil «d’expert» (le mot «expert» a également été discuté, conseil d’orientation ou de
 
reformulation conviendrait peut-être davantage). Il manquait cependant encore une vision claire des
 
charges, rôles, relatifs à ces niveaux d’implication, c’est doncun point qui sera re-discutépendant les
 
ateliers scénarios qui constituent l’étape suivante dans la construction d’une BdS.
 
Cet exercice collectifa également permis de montrer la difficulté qu’il pouvait y avoir à utiliser des
 
méthodes d’animation participatives.
 
5)
 
Difficultés de l’atelier de présentation
 
Ces deux sessions, bien que réussies au vu de la richesse des échanges, ont cependant souffert de
 
quelques lacunes, que nous détaillerons ici dans une optique d’amélioration continue.
 
La forme peut-êtretrop universitaire et peu interactive des exposés a peut-être été à l’origine de la
 
désaffection d’un certain nombre de personnes entre les deux sessions, qui s’est traduite par un
 
nombre inférieur de participants dans la seconde session(passé de 80 à 50). De même la séance des
 
post-it, qui se présentait comme un exercice interactif n’était au final pas assez claire (ni pour le public
 
ni pour les organisateurs…), elle aurait mérité plus de préparation et une formalisation de la trame
 
d’animation.
 
Pendantcet atelier un choix a été fait de ne pas distinguer chercheurs institutionnels et membres
 
d’associations, afin de rappeler que les savoirs sont d’égales valeurs, que la société civile peut être
 
porteuse d’une démarche de recherche et que les acteurs de larecherche peuvent être porteurs d'une
 
démarche civile. Une répartition des différents acteurs selon une distinction qui se base sur les
 
méthodes d’actions et l’identification de leur environnement d’action aurait cependant permis de
 
collecter des données sur l’origine des participants, afin de quantifier la part de chacun dans le collectif
 
et de réduire l’impression finale qu’il y avait une majorité de chercheurs institutionnels dans le public.
 
Faire circuler une feuille de renseignements à remplir de façon non obligatoire aurait été souhaitable
 
pour permettre aux participants d’indiquer leur milieu voire leur implication souhaitée, et de collecter
 
les adresses des personnes intéressées. Cela nous aurait permis d’obtenir une estimation du «rapport
 
de disponibilité» entre associations et chercheurs institutionnels à cette période de l’année,
 
particulièrement chargée pour les paysans membres d’associations.
 
Le peu de temps disponible pour la réalisation et l’analyse des résultats a déjà été souligné, et nous
 
pouvons rappeler à titre de comparaison que les enquêtes de préfiguration des BdS de Lille ou de Lyon
 
ont chacune duré plus d’un an. A une autre échelle, une discussion et un point clair sur ce qu’on
 
attendait du stagiaire pendant l’atelier de présentation (qui n’a certes pas non plus pris l’initiative d’une
 
telle rencontre) auraient peut-être facilité mon implication : je me suis en effet senti un peu désengagé
 
de mon rôle pourtant prévu d’assistant animateur.
 
33
 
----------------------- Page 34-----------------------
 
IV] Perspectives
 
A la suite de cet atelierde présentation, la méthode de «fabrication» d’une Boutique des Sciences
 
proposée par Science Citoyenne et que suit BEDE préconise l’organisation d’un atelier dit «Atelier
 
scénario», qui permet de formaliser un peu plus la structure.
 
BEDE souhaitait initialement organiser l’atelier scénario en septembre, cependant devant l’importance,
 
pour la suite du processus, d’une bonne organisation de l’atelier scénario et du choix des participants,
 
cet atelier a été reporté à fin 2017. Des participants dont des praticiens concernés ayant déjà été
 
repérés pendant les Laboratoires Hors Murs, cet atelier ne s’appuierapas forcément sur tous les
 
participants du premier atelier de présentation comme cela est classiquement le cas pour le montage
 
d’une BdS, mais privilégiera des praticiens familiers des Laboratoires Hors Murs et du projet de BdS en
 
Occitanie. Ce report de date permettra également de connaitre l’ampleur des financements
 
disponibles, qui ne seront validés qu’en octobre, afin de réfléchir sur des bases concrètes.
 
1)
 
L’atelier scénario
 
Il avait initialement été imaginé que l’atelier-scénario prendrait place pendant le mois de l’agroécologie
 
en septembre, afin de disposer des acteurs associatifs du monde paysan qui avaient prévu de se libérer
 
à cette période, mais aussi car des financements de la région étaient prévus.
 
Suite au report de financement de la Région et parce qu’aucun acteur initiateur, en particulier
 
l’association BEDE ne peut s’autoriser à auto-financer l’organisation de cet atelier sans garantie de
 
financement externe, ce rendez-vous a été reporté de quelques mois, les membres des associations
 
paysannes étant de plus davantage disponibles en hiver.
 
Cet atelier-scénario qui sera aussi organisé en deux temps, permettra ainsi aux différents acteurs qui
 
souhaitent contribuer à la naissance et au développement de la Boutique des Sciences en Occitanie
 
d'échanger leurs points de vue, souhaits, attentes, doutes, critiques et suggestions autour de ce projet
 
afin de le concrétiser.
 
Concrètement, il s’agira de:
 
-
 
définir collectivement l’objectif de la BdS de Montpellier/Occitanie
 
-
 
de s’accorder sur une vision partagée du dispositif (statut, organisation, gouvernance, nom,..),
 
-
 
de répartir les premières étapes (réalisables à court terme) entre les participants,
 
-
 
enfin de développer un plan d'action pour mettre en œuvre à plus long terme le schéma de
 
fonctionnement collectivement accepté.
 
Ces différentes étapes mises en discussions sur deux demi-journées permettront ainsi d’échanger pour
 
répondre à 4 objectifscomplémentaires :
 
-
 
identifier lesdivergenceset les similarités de perceptionentre les acteurs
 
-
 
définir ensembledesperspectives et visions souhaitables
 
-
 
se répartir les actionsqui aboutiront au schéma de fonctionnement souhaité par tous
 
-
 
prendre conscience desproblèmes à venir
 
La méthodologie privilégiée pour ces deux demi-journées est détaillée dans un
 
«Livret du
 
participant» (annexe vii), inspiré largement de ce qu’avaient proposé les acteurs de l’association
 
Sciences Citoyennes pour le montage dela BdS de Lille.
 
Les participants à ce futur atelier ont été pré-identifiés. L’enjeu est qu’ils soient équitablement
 
représentés par catégorie d’action, en étant peu nombreux pour que les discussions puissent avoir lieu
 
34
 
----------------------- Page 35-----------------------
 
plus facilement. Ainsi ce prochain atelier comprendra 20 personnes issues de 4 groupes acteurs:
 
Associations, Chercheurs, Bailleurs, Etudiants.
 
Il s’agira alors de préciser collectivement un schéma de fonctionnement précis, peut-être en partant
 
du fonctionnement proposé par BEDE suite aux expériences des Laboratoires Hors Murs. Cependant, il
 
est clair pour tous que le fonctionnement de la future BdS ne doit être défini ni par BEDE ni par la MSH,
 
ni par un bailleur: il ne s’agit pas d’imposer un modèle juridique et/ou de fonctionnement qui
 
conviendrait à l’un ou à l’autre, cela devra être décidé avec l’accord -ou du moins l’expression -de tous,
 
à la fin de l’atelier scénario.
 
Afin cependant de donner une idée de la diversité et de la complexité des activités possibles de la
 
future BdS, BEDE propose sa vision, (annexe viii), qui sera confrontée aux attentes, besoins et visions
 
potentiellement différents des autres acteurs. A noter qu’il ne s’agit que d’une structure de
 
fonctionnement, et non d’une structure juridique qu’il serait présomptueux de poser dès à présent.
 
2)
 
La phase transitoire
 
Suite aux décisions prises pendant l’atelier scénario, des actions seront à réaliser par les différents
 
groupes responsables dans les mois suivant, afin d’arriver à une structure fonctionnelle d’icila fin de
 
l’année civile.
 
3)
 
Les projets-tests
 
Les projets-tests, dont les modalités de choix seront à préciser pendant l’atelier scénario pourront ainsi
 
prendre place, dèsle début de l’année 2018, après l’atelier-scénario.
 
La bonne réussite de ces différentes phasespasse par une implication forte des participants pendant
 
l’atelier scénario, mais également à sa suite car c’est eux qui réaliseront les actions décidées
 
collectivement. C’est pourquoi il est important que l’association BEDE s’assure de la motivation et de
 
la compatibilité de ses membres et des participants de l’atelier scénario, et c’est pourquoi BEDE
 
sélectionne pour partie des personnes avec lesquelles elle sait pouvoir collaborer rapidement.
 
35
 
----------------------- Page 36-----------------------
 
V] Conclusion
 
Ce stage, malgré sa courte durée, m’a permisd’échanger avec de nombreuses personnes. Les réflexions et
 
les interactions entre le monde de la recherche et la société qui s’y sont développées m’en ont fait saisir la
 
complexité, et la nécessaire adaptation de toute co-construction à chaque contexte. Eneffet, les points de
 
vue et les attentes des acteurs intéressés sont différents entre les différents groupes (chercheurs,
 
associations, étudiants) mais aussi au sein même de ces groupes. De plus, chaque projet de co-construction
 
prend place dans un milieuassociatif et institutionnel qui varie, et avec lequel il faut rentrer en interaction
 
pour le connaitre et pour se faire connaitre.
 
J’ai également approfondi ma vision du monde associatif, notamment au niveau du rôle des associations
 
militantes et/ou professionnelles qui n’ont pas les mêmes exigences que les associations étudiantes. Je
 
n’avais ainsi que peu conscience de l’importance des stratégies, basées sur la compréhension fine du
 
fonctionnement des institutions et des jeux politiques, qu’elles doiventmettre en place pour faire évoluer
 
la société vers les valeurs qu’elles défendent. Ainsi, même si ce stage m’a permis de prendre connaissance
 
de la méthode à utiliser pour mettre en place des dispositifs de type BdS, il m’est maintenant évident que
 
la mise en place dans un autre contexte de ce genre de dispositif est facilitée par la légitimité du porteur
 
auprès d’un grand nombre d’acteurs différents.
 
Je pensais de plus avant d’effectuer ce stage qu’une certaine autonomie financière était envisageable pour
 
ces recherches collaboratives dont lesquestions émanant des paysans. J’imaginaisainsides recherches
 
autours de problèmes techniques,qui auraient étééconomescar le paysan y aurait été le technicien et ses
 
terres les parcelles d’expérimentations. Cette recherche aurait certespu êtreco-construite, mais elle
 
n’aurait pas eu la dimension sociale et politique que revendique une recherche co-construite dans une BdS.
 
Le modèle de la Boutique des Sciences n’est donc pas celui d’un CETA41, ni d’un champ-école, et j’ai au cours
 
de ces quelques mois compris que ce modèle visait une co-construction de connaissances d’un autre type
 
que la simple connaissance technique. Bien que ces autres dispositifs de recherches se placent dans un
 
objectif de changement social,ils se restreignent au changement social grâce au progrès technique, ce qui
 
me semblemaintenant devoir être questionné.
 
Il s’agit donc pour le chercheur participant à un projet type BdS de dépasserunevision «technico
 
-
 
économique» du praticien, et d’échanger avec lui sur des problèmes qui onttoujoursdes facettes sociales
 
et politiques à considérer en elles-mêmes. La questionde l’appellation juridique des semences paysannes
 
est un exemple fort de l’intérêt des paysans pour ces aspects politiques. Cependant même les demandes
 
plus techniques, par exemple sur les semis direct de vergers sec,n’ont pas pour fondementuniquela
 
maximisation des profits. Or la compréhension de ces problèmes multi-facettesdemande de la part du
 
chercheur une prise en compte fine du système de réflexion et d’action du praticien, et même le partage de
 
certaines valeurs.Dans l’autre sens, si le paysan veut se faire paysan-chercheur, le modèle des BdS lui permet
 
d’approfondirdes thèmes quivont au-delàles aspects techniquesagronomiques.
 
Ce stage m’aainsifait comprendre que certaines associations ont envie de se rapprocher du milieu de la
 
recherche sur des thématiques qui ne sont pas uniquement techniques, et que certainschercheurs au sein
 
d’un grand nombre de disciplines sont également intéressés pour travailler avec ces associations autour de
 
questions transversales. L’enjeu des BdS est donc de disposer des appuis financiers et institutionnels qui
 
permettent la mise en place des outils méthodologiques pour mener à bien ces projets de recherches,
 
lesquelscherchent à faire évoluer la société de façon concertée grâce àundialogue entre deux mondes.
 
41
 
Centre d’Etude Technique Agricole, structure généralement associative, dans laquelle un ingénieur ou un
 
technicien, souvent salarié, effectue le suivi scientifique des expérimentations menées à l’initiative et chez les
 
agriculteurs membres du CETA
 
36
 
----------------------- Page 37-----------------------
 
VI] Références bibliographiques et web
 
Sur les tiers lieux:Olivier Cléach, Valérie Deruelle et Jean-Luc Metzger, « Les “tiers lieux”, des
 
microcultures innovantes ? », Recherches sociologiques et anthropologiques [En ligne], 46-2 | 2015,
 
mis en ligne le 21 avril 2016, consulté le 04 septembre 2017.
 
http://rsa.revues.org/1526
 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tiers-lieu#Diff.C3.A9rents_types_de_tiers-lieux
 
Sur larechercheaction associative :«L’accompagnateur chercheur engagé»DominiqueCottereau,
 
«Recherches-actions associatives: Le praticien réflexif ou la recherche sans
 
«chercheur»»,Éducation relative à l'environnement[En ligne], Volume 13-1|2016, mis en ligne
 
le 13 mars 2017, consulté le 04 septembre 2017.
 
http://ere.revues.org/302
 
Sur la
 
“Community-based participatory research”
 
:
 
https://www.rri-tools.eu/how-to-stk-csos-co
 
create-community-based-participatory-research. «apartnership approach to
 
research
 
that equitably
 
involves,for example,
 
community
 
members, organizational representatives, and researchers in all
 
aspects of the research process and in which all partners contribute expertise and share decision
 
making and ownership»(projet européen RRI Tools, 7
 
e
 
PCRD)
 
https://en.wikipedia.org/wiki/Community-based_participatory_research
 
Surdes «paysans-chercheurs» qui peuvent être très orientés vers les aspects agronomiques et
 
techniques:
 
https://www.dailymotion.com/video/xphexh
 
Sur les boutiques des sciences dans les pays du sud:
 
Florence Piron, Les boutiques des
 
sciences et des savoirs, au croisement entre université et
 
développement local durable:
 
https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/chapter/les-boutiques-des-sciences
 
et-des-savoirs-au-croisement-entre-universite-et-developpement-local-durable/
 
«La recherche participative exemples de programmes
 
publics», Sciences Citoyennes, 2011.
 
http://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2012/12/Recherche-participative.pdf
 
«Les boutiques de sciences comme outils pour les sciences en société», Bertrand BOCQUET,
 
http://culture.univ-lille1.fr/fileadmin/lna/lna62/lna62p24.pdf
 
«Promouvoir
 
la
 
recherche
 
participative»,
 
François
 
Veillerette
 
et
 
Christian
 
Vélot,
 
2017.
 
https://sciences-critiques.fr/promouvoir-la-recherche-participative/
 
Rapport
 
Houiller
 
(INRA)
 
sur
 
les
 
sciences
 
participatives:
 
http://www.sciences
 
participatives.com/Rapport
 
«Pour
 
une
 
intelligence
 
publique
 
des
 
sciences»
 
revue
 
Alliage,
 
Isabelle
 
Stengers,
 
2011.
 
http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3239
 
37
 
  
 +
===2) Les Boutiques des Sciences en France ===
 +
 +
En France, le renouveau des BdS s’est concrétisé par la courte mais significative expérience de la BdS
 +
de Cachan en 2005, qui a précédé l’apparition de celles de Grenoble en 2011, Lyon en 2013 et Lille en
 +
2015. Les boutiques existantes se sont rassemblées en 2015 dans un réseau francophone à l’intérieur
 +
du réseau européen.
 +
 +
Je m’attacherai principalement ici à décrire la création, le mode d’hébergement et les sources de
 +
financements des différentes BdS françaises, leur fonctionnement sera détaillé plus en avant dans la
 +
synthèse des exposés de l’atelier de présentation (cf p.19).
 +
 +
====Les Boutiques des Sciences précurseurs ====
 +
 +
Le renouveau des Boutiques des Sciences française a eu lieu en 2005, avec la naissance de la boutique
 +
de Cachan. Cette boutique, à l’initiative d’étudiants, a ainsi permis de développer 2 études
 +
bibliographiques (sur l’évolution de la biodiversité des blés et les outils de détections des plantes OGM).
 +
D’autres demandes de la société civile ont été formulées mais faute de renouvellement des étudiants
 +
porteurs et d’une absence de reconnaissance par l’administration cette boutique est à l’arrêt depuis
 +
2008.
 +
 +
« l’Echop’à Sciences » de Grenoble en 2011, basée sur un fonctionnement et des financements
 +
associatifs, peut également être considérée comme une des BdS précurseur. Le projet, porté par des
 +
chercheurs impliqués dans la vie associative, ne correspondait cependant pas à la politique de
 +
l'université de Grenoble. Il leur a ainsi été impossible de pérenniser l'activité de la boutique, qui s’est
 +
arrêtée en 2013 malgré un engagement important des membres.
 +
 +
====La boutique des Sciences de Lyon ====
 +
 +
Fortement soutenue par les financements de différents projets européens, une étude de
 +
préfiguration de deux ans (2010-2011) à l’initiative du directeur de la COMUE financée par le projet
 +
européen PERARES, a permis de préciser les chercheurs et associations intéressées et de faire
 +
connaitre le projet de BdS-Lyon, puis de co-construire un premier projet pilote de recherche de 18
 +
mois, sur les problèmes de pollution d'un cours d'eau à côté d'un jardin ouvrier, à la demande de et
 +
en partenariat avec des associations de jardiniers et d’environnementalistes. Ce projet a également
 +
été appuyé par la région et a permis de poser des bases de fonctionnement, d’identifier de bonnes
 +
pratiques et des points de vigilance pour le dispositif ainsi créé.
 +
 +
En termes de budget le PALSE (Programme d'Avenir Lyon St Etienne) a financé le lancement de cette
 +
BDS. Le dispositif est par ailleurs inscrit dans le projet d’IDEX (Initiatives D’EXcellence, projet faisant
 +
partie du programme de financement national dit « investissements d’avenir »), lauréat en mai 2017,
 +
ce qui garantit son financement pour encore au moins 4 ans et donc une certaine pérennité.
 +
 +
La Boutiques des Sciences de Lyon est ainsi fortement intégrée dans la COMUE, (structure issue du
 +
regroupement des universités de Lyon et de St-Etienne), hébergée au sein du Service « culture,
 +
sciences et société » de l’université, d’où des financements stables et conséquents, ainsi qu’une
 +
visibilité et une garantie pour les appels à projets.
 +
 +
<ref>6 Rapport d’activité 2014 de l’association grenobloise Adreca-Contrevent : adrecacontrevent.files.word-press.com/2015/02/adreca-contrevent-rapport-dactivitc3a9-2014.pdf. Ce document détaille la position de l’or-ganisation qui est implantée dans l’associatif et accompagne les projets de recherche-action, mais abandonne la structure de BdS tout en gardant un objectif de devenir «une forme de laboratoire ou de centre de recherche-action, à base communautaire ». </ref>
 +
 +
====La boutique des sciences de Lille : ====
 +
 +
La Boutique des Sciences de Lille fonctionne depuis 2015. Elle s’est constituée à l’initiative de 6
 +
chercheurs issus de disciplines différentes, à la suite de la constitution en 2012 d’un groupement
 +
temporaire de recherche « CiTé », qui visait à favoriser les interactions sciences-société. Le comité de
 +
pilotage, qui a porté l’enquête de préfiguration à la suite de la proposition de ce groupement de
 +
recherche, était constitué de chercheurs en sociologie et en physique, d’un ingénieur de recherche en
 +
physique, de deux étudiants, et d’un membre d’une association.
 +
Cette préfiguration, commencée en octobre 2013, a été financée par la Région et par la communauté
 +
urbaine de Lille, elle a duré un peu plus d’un an.
 +
 +
La préfiguration et la création de cette Boutique se sont ainsi faites en trois temps :
 +
 +
*Une première phase de bibliographie et d’enquête sur d’autres BdS, a permis de mettre en évidence un intérêt fort des chercheurs et des étudiants pour un renouveau des méthodes de recherche. Une seconde phase de diffusion des résultats de l’enquête a permis d’informer puis d’affiner les attentes des différents groupes d’acteurs à travers des ateliers de réflexions restitués en plénière (50 participants). Cette phase a également permis d’identifier 20 personnes particulièrement motivées pour participer à la phase de « l’atelier scénario ».
 +
 +
*La troisième phase a donc été consacrée à la réalisation de cet atelier scénario, en deux sessions réparties sur deux soirées de réflexion approfondie sur le dispositif. Ces deux sessions ont eu lieu de 18h-21h afin de s’adapter aux contraintes des participants, et un buffet était également offert. Suite aux discussions, il a été décidé (et possible) de faire héberger cette BdS au sein de la COMUE de Lille. Elle dispose de locaux mis à disposition par un organisme équivalent à la MSH de Montpellier, qui fait ainsi partie de la COMUE. Elle a menée 2 projets pilotes en 2015-2016, et deux autres en cours pour 2016-2017. Suite à une alternance politique, une partie des financements a été supprimée. Cette réduction du budget a donc mis en veille le fonctionnement de la BdS, un demi-salaire est toujours assuré, mais la possibilité de financer les projets de recherches sur des fonds propres a disparue. Des projets de recherche sont ainsi en attente de financements.
 +
 +
===3) Les autres dispositifs de recherches collaboratives académique en France ===
 +
 +
Les boutiques des Sciences ne sont pas les seuls dispositifs qui veulent rapprocher le monde de la
 +
recherche et la société civile. Nous détaillerons ici quelques-uns des dispositifs de financement passés
 +
ou présent au sein des territoires français, et nous expliciterons les différences qui existent entre les
 +
BdS et ces autres « tiers-lieux scientifiques » tels que les fab-labs ou living-labs.
 +
 +
Les bourses de financement à destination du Tiers-secteur scientifique
 +
« Le Tiers-Secteur Scientifique est constitué d’initiatives de la société civile dans lesquelles des citoyens
 +
lambda, des militants associatifs ou syndicaux, des usagers et des praticiens construisent
 +
collectivement des connaissances qui leur sont nécessaires pour atteindre leurs objectifs citoyens. Il
 +
comporte cependant une grande diversité de structures, d’objectifs, de moyens et de pratiques. »
 +
 +
====Les appels à projets régionaux : ====
 +
 +
En Ile-de-France le Conseil régional a porté les PICRI (Partenariats Institutions-Citoyens pour la
 +
Recherche et l’Innovation), entre 2005 et 2015. Ils développaient des projets assez proches de ceux
 +
<ref>7 Définition 2012 du tiers secteur scientifique par Glen Millot de l’association Sciences Citoyennes : sciencesci-toyennes.org/le-tiers-secteur-scientifique-exemple-des-boutiques-de-sciences/ Sur le même sujet voir : sociologies.revues.org/5207#ftn8, basé sur l’étude des ASOSC en Bretagne </ref>
 +
 +
portés par les BdS, avec cependant une orientation forte vers les doctorants et post-doctorants et des
 +
budgets à compléter avec d’autres sources de financements, souvent sans mise à disposition
 +
d’animateurs salariés pour faire le lien entre société civile et chercheurs. Dans le Nord-Pas de
 +
Calais c’est un « programme Chercheurs Citoyens » assez proche d’un PICRI qui a été mené par le
 +
Conseil régional entre 2010 et 2016, mais qui n’a apparemment pas été renouvelé en 2017 pour des
 +
raisons inconnues.
 +
 +
En Bretagne le « programme de recherche pour l’Appropriation SOCiale des Sciences » (ASOCS) porté
 +
par le Conseil Régional a été créé en 2008, et a été en lien en 2011 et 2012 avec la tentative de création
 +
du « PERISCOPE » : Plateforme d'Échanges et de Recherches Interdisciplinaires entre Science et Société
 +
Civile Organisée pour le Pilotage et l'élaboration de l'Expertise. Les dernières nouvelles en ligne de ce
 +
programme de recherche datent de 2014.
 +
 +
En Auvergne, le Pôle « Recherche, Enseignement supérieur et Innovation » du Conseil régional a lancé
 +
en 2012 un appel à projets grâce auquel deux projets ont été financés pour les années 2013 -2014. En
 +
2017 il ne semble pas que ce type d’appel à projet à destination des associations existe encore.10
 +
Les Conseils régionaux ont en fait initié et expérimenté des formes de financements à destination de
 +
partenariats entre société civile et monde de la recherche, mais ces financements sont instables, et il
 +
n’en existe actuellement plus. Malgré un investissement initial11, il semblerait que l’effet de mode soit
 +
retombé.
 +
 +
====Les PSDR (Pour et Sur le Développement Régional) ====
 +
 +
Ce sont des projets de recherches portés par l’INRA et les Régions, issus d’une dynamique continue
 +
depuis 1993. Visant le développement territorial de l’agriculture, de l’agro-alimentaire ainsi que
 +
l’aménagement de l’espace et autres dynamiques rurales, les recherches sous label PSDR (5AO conjoint
 +
INRA/Région) sont pluri ou inter disciplinaires, impliquant des chercheurs des Sciences Humaines et
 +
Sociales autant que des Sciences biotechniques aux côtés d’acteurs de la société civile liés au monde
 +
agricole. L’accent est ainsi mis sur les relations entre partenaires scientifiques et de terrain dans la co-
 +
construction de recherches en lien avec le réel.12
 +
 +
Il s’agit néanmoins d’un dispositif national essentiellement piloté par les centres INRA, puis décliné par
 +
régions, chacune imposant par ailleurs ses normes spécifiques de gestion et de partenariat. Des conflits
 +
institutionnels dont je n’ai pas réussi à saisir la nature ont cependant mis fin aux programmes PSDR en
 +
Languedoc Roussillon.
 +
 +
====Les bourses CIFRE : Conventions Industrielles de Formation par la REcherche ====
 +
 +
Ce sont certainement les dispositifs qui aboutissent au plus grand nombre de projets parmi ceux qui
 +
ont été présenté ici. Initialement destinés aux entreprises, ce sont des subventions qui financent
 +
environ la moitié du coût d’embauche d’un doctorant, pour des projets de recherche de trois ans
 +
mettant en lien l’entreprise, un laboratoire de recherche et le doctorant autour d’un projet de
 +
recherche objet de sa thèse défini par l’entreprise. Ces bourses permettent donc des collaborations de
 +
<ref>8 mediations-sciences-societe.weebly.com/1/post/2011/04/lancement-de-priscope-avec-linstitut-universitaire-europen-de-la-mer-iuem.html </ref>
 +
 +
<ref>9 alainpenven.blogspot.fr/2014/05/la-recherche-partenariale-et.html </ref>
 +
<ref>10 Une recherche sur le site des appels à projets de la région ne renvoyant rien de concluant : auvergnerhonealpes.fr/89-guide-des-aides-appels-a-projet.htm?type=TYPE_APPEL&public=1 </ref>
 +
<ref>11 Article qui détaille l’engouement qu’il existait en 2014 pour le financement de ce type de recherche par les conseils régionaux : avise.org/actualites/recherche-action-et-innovation-sociale-des-conseils-regionaux-investis </ref>
 +
<ref>12 psdr.fr/PSDR.php?categ=41&lg=FR </ref>
 +
 +
recherche entre entreprises ou associations et laboratoires publics, mais la deuxième moitié de chaque
 +
bourse doit être financée par des fonds propres ou à travers un appel à projet.
 +
 +
En 2016 seuls 4% des bourses CIFRE ont été allouées à des associations ou à des collectivités13. Le
 +
partenariat entre l’AVEM et l’INRA dans le millavois par exemple, a fait appel à ce genre de dispositif.
 +
 +
====Les tiers-lieux scientifiques et techniques ====
 +
 +
Nous retiendrons ici la définition proposée sur le wiki du Movilab, un dispositif d'incubation de
 +
« modes de vie durables » né en 2010 d'un appel à projet du ministère de l'écologie. Les « Tiers
 +
Lieux » y sont définis comme des « espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes et
 +
compétences variées qui n'ont pas forcément vocation à se croiser. »14
 +
 +
En ce sens, Living-labs, Fab-labs et Boutique des Sciences sont des tiers-lieux que nous appelons
 +
« scientifiques et techniques », à la différence des tiers-lieux de « co-action », plus souvent désignés
 +
comme des espaces de coworking, sur des projets d’habitation collective ou encore de jardinage
 +
communautaire.
 +
 +
===Les Living-labs et la CSTI ===
 +
 +
« Un Living-lab est un écosystème d’innovation porté par les usagers, qui engage et motive toutes les
 +
parties prenantes, stimule le co-design et la co-création de technologies, de produits, de services, créé
 +
de nouveaux marchés et permet la transformation des comportements. »15.
 +
 +
Issu d’un partenariat Public-Privé-Population16, le Living-lab cherche donc à tester ou développer des
 +
services, des outils ou des usages nouveaux en faisant interagir ces trois mondes.
 +
Dans ce contexte l’usager est considéré comme l’acteur central de l’innovation, en tant que co-créateur
 +
et utilisateur. Son implication permet de favoriser l’alignement de l’offre sur la demande en terme
 +
qualitatif, de développer l’acceptabilité sociale des avancées technologiques17 et de lui permettre de
 +
« designer et d’expérimenter son propre futur »18
 +
 +
Même si certains déclarent que ce dispositif « permet à une population d'influer sur les évolutions de
 +
notre société et d'en appréhender les enjeux sociaux, technologiques et économiques»19 les objectifs
 +
par ailleurs affichés de « transformation des comportements », « d’acceptabilité sociale », et une
 +
orientation vers le développement de produits ou de services au profit essentiellement des entreprises,
 +
différentient fortement les Living-labs des BdS du moins en France,, puisque ces dernières sont avant
 +
tout maintenant des structures destinées à co-produire des connaissances pour et avec des
 +
organisations sociales et sans but lucratif.
 +
 +
De plus, les acteurs de la CSTI se rapprochent aujourd’hui des Living-labs dans un objectif de médiation
 +
scientifique20 et il faut rappeler qu'en France les BdS sont historiquement opposées au concept de CSTI
 +
(Culture Scientifique, Technique et Industrielle), les financements initialement alloués aux BdS ayant
 +
été réorienté vers les CCSTI (Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle) dans les années
 +
<ref>13 http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22130/les-cifre.html##repartition </ref>
 +
<ref>14 movilab.org/index.php?title=D%C3%A9finition_des_Tiers_Lieux </ref>
 +
<ref>15 Définition de l’European Network of Living Labs, cité par l’INRA : inra.fr/rencontresia/content/download/3560/34549/file/5.Guyomard.pdf </ref>
 +
<ref>16 Inmédia est un réseau regroupant un grand nombre de CCSTI : inmediats.fr/living-lab-inmediats-des-reseaux-methodes-et-outils-au-service-dune-innovation-ouverte-13/ </ref>
 +
<ref>17 techsapouest.com/LIVING-LAB-presentation.awp </ref>
 +
<ref>18 alcotra-innovation.eu/progetto/doc/Short_guide_on_Living_Labs_and_some_good_practices.pdf voir page 4 </ref>
 +
<ref>19 www.quaidessavoirs.fr/test/-/asset_publisher/e43Udiv6bqai/content/fab-lab </ref>
 +
<ref>20 inmediats.fr/wp-content/uploads/2014/12/Living-Lab.pdf </ref>
 +
 +
80. La stratégie nationale sur la CSTI a ainsi pour objectif d'« éclairer les citoyen(ne)s et leur donner les
 +
moyens de renforcer leur curiosité, leur ouverture d'esprit, leur esprit critique, et de lutter contre le
 +
prêt-à-penser, grâce aux acquis de la science et au partage de la démarche scientifique »21. Les CCSTI
 +
sont donc les lieux de vulgarisation du savoir scientifique auprès des citoyens les plus éloignés de la
 +
science et de la culture.
 +
 +
Ainsi, tandis que les CCSTI diffusent une culture scientifique et industrielle (en évitant d’aborder les
 +
sujets des technosciences : OGM et brevetabilité du vivant, clonage, nanotechnologies, biologie
 +
synthétique ; ou les controverses liées aux risques sanitaires, environnementaux, éthiques ou sociétaux
 +
d’innovations scientifiques), les BdS ne refusent pas de travailler avec des associations qui posent
 +
précisément ces questions (identification des cultures OGM par la BdS de Cachan, propriété collective
 +
de semences locales par la BdS de Lyon, par exemple). Les BdS ont d’ailleurs historiquement été créées
 +
par des citoyens, chercheurs et étudiants pour soulever ces questions d’impacts des innovations
 +
scientifiques sur la société, tandis que les CCSTI ont été créés en sens inverse comme des « outils
 +
d'adéquation rapides des sociétés en mutation aux contraintes de l'évolution technologique
 +
moderne »22
 +
 +
Enfin, si les BdS cherchent à co-définir de façon scientifique des problèmes sociétaux grâce à des
 +
échanges entre membres de la BdS (incluant toujours des collectifs citoyens) puis à les résoudre
 +
ensemble, les Living-labs visent à co-concevoir des produits ou des services à travers des interactions
 +
avec des usagers intéressés, en utilisant des outils majoritairement numériques, pour des projets à
 +
l’initiative d’entreprises ou de collectivités territoriales.
 +
 +
====Les fab-labs et makerspace ====
 +
 +
Les fabs-labs et les Makerspaces sont des lieux physiques. Leur but est de permettre un travail en
 +
commun autour de machines, d‘outils de programmation, ou parfois de processus industriels, et visent
 +
l’échange de connaissances à travers la formation entre pairs. Les fab-labs se différencient des
 +
Makerspaces par le fait qu’ils adhèrent à une charte rédigée par le MIT (Massachusetts Institute of
 +
Technology, prestigieuse université et institut de recherche américain), qui met en avant l’obligation
 +
d’une part de partager les connaissances entre tous les Fab-labs signataires, et d’autre part d’ouvrir ces
 +
espaces au public.
 +
 +
Ces « lieux » permettent essentiellement à des citoyens d’échanger entre eux et de monter ensemble
 +
des projets d’ingénierie. Ces projets ne demandent pas de « recherche » au sens scientifique du terme
 +
mais cherchent à prototyper et à créer des objets manufacturés. Ce sont ainsi des lieux qui visent la
 +
réappropriation des connaissances techniques par les citoyens, mais pas nécessairement la
 +
réappropriation du processus de recherche scientifique en amont de ces connaissances techniques. De
 +
plus, ce ne sont pas des lieux qui cherchent à mettre en contact le monde de la recherche scientifique
 +
et la société civile, car les ressources des autres fab-labs et de façon plus générale les ressources en
 +
ligne y sont considérées comme la source principale de connaissances extérieures à partager.
 +
 +
====Les spécificités des boutiques des Sciences ====
 +
 +
En France les relations entre Sciences et Société sont donc souvent articulées autour de la diffusion des
 +
savoirs par les savants en direction des profanes à travers les CCSTI. Or, d’une part les savoirs sont
 +
multiples et peuvent également provenir de la société, et d’autre part la société peut avoir des
 +
demandes précises sans que la communauté scientifique puisse y apporter une réponse immédiate.
 +
<ref>21 enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid113974/la-strategie-nationale-de-culture-scientifique-technique-et-industrielle.html </ref>
 +
<ref>22 Rapport préparatoire de la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette sur le CCSTI de Guadeloupe, 1990 </ref>
 +
 +
C’est pourquoi les boutiques des Sciences sont avant tout pensées comme des espaces de dialogues et
 +
d’échanges entre chercheurs et membres de la société civile, mais elles sont aussi censées offrir des
 +
facilités d’accès à des financements qui permettent de conduire des projets de recherche collaborative
 +
à l’initiative de la société civile. Cette complémentarité de l’encadrement matériel et financier autour
 +
des projets de recherche est également associée à la mobilisation de méthodes facilitant la formulation
 +
des problèmes. C’est donc ce triple encadrement matériel, financier et méthodologique, qui permet la
 +
réalisation d’une recherche collaborative répondant aux attentes des OSC comme aux exigences des
 +
chercheurs.
 +
 +
Cela ne signifie pas qu’il est impossible pour des chercheurs et des OSC de s’entendre hors du cadre
 +
d’une BdS sur une méthodologie adaptée prenant en compte les besoins de tous. Cependant, dans un
 +
objectif de « réplication » de ces principes et postures encore assez marginaux, il est utile qu’un réseau
 +
capitalise et réinvestisse les connaissances accumulées au cours des différents projets de recherche
 +
collaborative ; d’où l’intérêt d’un réseau européen de BdS. Plus largement, les BdS et l’association
 +
Sciences Citoyennes cherchent à faire évoluer les mentalités, les politiques et les institutions
 +
d’encadrement et de financement de la science23, en montrant que la co-construction de projets entre
 +
recherche et société civile n’aboutit pas à de la « mauvaise science »24.
 +
 +
Le dialogue sciences-société en ce sens est ainsi plus difficile que ce que laissent croire les objectifs
 +
affichés des diverses institutions et programmes de financements qui «reposent sur une collaboration
 +
étroite entre laboratoires de recherche publics et organisations issues de la société civile dans toutes
 +
leurs diversités»25, mais qui ne précisent pas les détails de cette collaboration.
 +
Du côté des autres tiers lieux scientifiques, cet objectif de dialogue entre les différentes parties de la
 +
société n’est pas prioritaire, et le risque d’entre soi dans le milieu des fab-labs a déjà été critiqué, car
 +
malgré une exigence d’ouverture, ne rentrent dans le fab-lab ou le living-lab que ceux qui sont
 +
disponibles et intéressés par la démarche. L’accent mis sur la co-création, souvent autour de projets
 +
liés aux technologies informatiques, pose en réalité la question de qui participe à cette co-création et
 +
avec quels objectifs. Les Boutiques des Sciences rencontrent évidemment le même problème de
 +
disponibilité et d’intérêt des publics, mais les chartes des différentes BdS mettent cependant un accent
 +
clair sur l’objectif d’amélioration des conditions de vie des participants, et sur l’importance de
 +
s’adresser de façon spécifique au monde rural ou défavorisé. Les thématiques d’études au sein des BdS
 +
sont ainsi d’un autre ordre que celles des fab ou living-labs, principalement autour de questions
 +
environnementales ou sociales, et plus rarement autour de questions technologiques.
 +
 +
De plus les BdS, en cherchant à mettre en relation le monde de la recherche et la société civile,
 +
affrontent concrètement 3 problèmes récurrents : langages, rythmes d’actions et exigences de
 +
validation des connaissances, qui différent entre ces deux mondes. Répondre à ces problèmes exige
 +
une volonté forte de partage entre les différents acteurs mais surtout une méthodologie explicite, afin
 +
d’obtenir des échanges réellement constructifs. La garantie que chaque acteur trouve un intérêt dans
 +
les résultats de la recherche co-construite est indispensable pour l’investissement de chacun.
 +
<ref>23 sciencescitoyennes.org/gouvernance-de-la-recherche-regulation-organisation-et-financement/ </ref>
 +
<ref>24 sciencescitoyennes.org/pas-de-fumee-sans-feu/ </ref>
 +
<ref>25 appel à projet PICRI 2015 iledefrance.fr/aides-regionales-appels-projets/partenariats-institutions-citoyens-recherche-innovation-picri </ref>
 +
 +
===4) Les « laboratoires hors murs » et l’émergence d’un projet de Boutique des Sciences co-porté par BEDE et la MSH-SUD en Occitanie. ===
 +
 +
L’idée d’une BdS en Occitanie est issue à la fois des expériences de partenariats entre la recherche et
 +
les paysans suivis par l’association BEDE et d’une volonté de différents acteurs locaux à Montpellier de
 +
mettre en place un dispositif innovant articulant étroitement et concrètement Sciences et Société.
 +
 +
====Les « Laboratoires Hors Murs pour l’agrobiodiversité » ====
 +
 +
Dans le cadre d’un projet monté en partenariat avec l’UMR INNOVATION et l’UMR CEFE, BEDE a initié
 +
et coordonné, entre 2013 et 2015, un programme de recherche financé par Agropolis Fondation26
 +
visant à construire sur le terrain des collaborations entre le monde agricole et la recherche grâce à un
 +
dispositif appelé « laboratoire hors murs ». Ces collaborations ont permis de faire émerger en France,
 +
mais aussi au Bénin et en Algérie, les questions des praticiens et des représentants d’organisations
 +
paysannes locales autour de l’agrobiodiversité. Ces questions ont pu être discutées avec des chercheurs
 +
d’universités nationales proches géographiquement ou thématiquement des communautés paysannes
 +
(d’où émanaient ces questions), et reformulées entre paysans et chercheurs afin d’aboutir à des projets
 +
de recherche co-construits.
 +
 +
Ces derniers ont permis entre autres de trouver des pistes de solutions de lutte agroécologique contre
 +
des ravageurs du haricot niébé, d’entretenir la biodiversité cultivée au sein des vergers de figuiers et
 +
de dattiers en Algérie, par exemple. Dans ce cadre BEDE a également travaillé avec l’association des
 +
Semeurs du Lodévois-Larzac et l'Association Vétérinaires et Éleveurs du Millavois sur la question de la
 +
démocratisation de la recherche et des formes que peuvent prendre les partenariats entre chercheurs
 +
et associations.
 +
 +
Des documents de synthèse en matière de démarches collaboratives en agrobiodiversité ont
 +
également été rédigés, mais tous les projets de recherche-action co-construits n’ont pu être menés à
 +
terme par manque de financements pérennes.
 +
 +
Ce programme a pris place en même temps que le projet DARE27 (Democratizing Agricultural Research
 +
in Europe) également porté par BEDE, qui entre 2013 et 2015 a permis l’organisation de 4 rencontres
 +
constituant un premier réseau européen multi-acteurs (paysans, activistes, chercheurs) permettant
 +
l’échange d’expériences sur l’innovation paysanne et la recherche collaborative en agriculture en
 +
Europe.
 +
 +
Il s’agissait là d’une première étape d’un processus visant d’abord à réfléchir à une méthodologie, puis
 +
à intégrer les différents acteurs de ces collaborations au sein de projets de recherche-action pérennes,
 +
développant une gestion dynamique et une meilleure valorisation de la biodiversité agricole. Ces deux
 +
ans d’expérimentation des « Laboratoires Hors Murs » ont ainsi ouvert de nombreuses pistes de
 +
recherches mais ont également fait surgir le manque crucial d’un maillon : un cadre de concertation
 +
permanent où les agriculteurs puissent échanger de manière régulière avec un panel de chercheurs
 +
autour de leurs questions. BEDE a donc besoin pour continuer son projet « Laboratoire Hors Murs »
 +
d’un tel cadre de concertation associations/chercheurs, or un tel cadre correspond assez bien à ce qu’il
 +
est possible de faire avec une BdS. BEDE cherche donc maintenant à faire naitre une BdS, qui ne serait
 +
cependant pas à son usage exclusif, mais au sein de laquelle elle pourrait effectuer une étape de ses
 +
projets « Laboratoire Hors Murs ».
 +
 +
<ref>26 agropolis-fondation.fr </ref>
 +
<ref>27 http://www.bede-asso.org/collaborations-par-theme/coconstruction-savoirs-biodiversite-cultivee/oser-democratiser-la-recherche-en-europe-dare-democratizing-agricultural-research-in-europe/ </ref>
 +
 +
Parallèlement à ce projet, la Maison des Sciences de l’Homme de Montpellier faisait l’objet d’une
 +
importante restructuration la conduisant à formuler un projet d’avenir et un positionnement original
 +
pour garantir sa pérennité dans un espace régional en pleine reconfiguration. En effet, le Languedoc
 +
Roussillon a fusionné avec Midi Pyrénées en 2016, mettant en danger l’existence d’institutions existant
 +
dans l’une et l’autre région quand elles étaient distinctes.
 +
Pour que la MSH-SUD de Montpellier conserve une place dans l’espace institutionnel régional il lui
 +
fallait se positionner face à son « homologue » toulousain. Elle a donc produit un projet scientifique,
 +
qui vise à favoriser la recherche interdisciplinaire à travers des appels à projets, l'hébergement de
 +
plateformes de recherches et la formation des étudiants aux méthodes interdisciplinaires, mais
 +
cherche également à développer les relations des citoyens avec le monde de la recherche. Cette
 +
réflexion sur les liens entre citoyens et recherche est conjointe avec celle de l'association ALLISS
 +
(ALLIance Science-Société), qui cherche à promouvoir les coopérations entre recherche, acteurs
 +
sociaux et acteurs économiques et à produire des recommandations pour les puissances publiques
 +
basées sur ces expériences de coopération.
 +
 +
De ce projet scientifique émerge alors la volonté de la MSH d’aller à la rencontre du tissu associatif de
 +
Montpellier pour identifier des moyens et innover en matière d’articulation sciences/sociétés, en
 +
offrant son espace renouvelé dans les locaux de Saint Charles pour accueillir, promouvoir et participer
 +
à l’animation de cette articulation. Les Assises Sciences-Société co-organisées par la MSH et ALLISS en
 +
partenariat avec tous les organismes de recherche et de formation supérieure de Montpellier, sont une
 +
traduction concrète de cette volonté. Elles ont permis aux chercheurs et acteurs de la société civile
 +
d'échanger sur ce thème entre le 3 et le 5 juillet 2017, afin de faire reconnaître l'importance d’actions
 +
collaboratives pour renforcer le soutien des institutions et des politiques publiques. Ces Assises ont
 +
ainsi offert l’opportunité pour BEDE et la MSH de présenter le projet de BdS en Occitanie encore en
 +
gestation, et de chercher des partenaires.
 +
 +
====La vision de la BdS Occitanie par BEDE. ====
 +
 +
Le projet de créer une BdS initié par BEDE est ainsi inséré dans un projet plus large porté par la MSH-
 +
Sud. Comme nous l’avons expliqué plus haut, il reprendrait le concept de « laboratoire hors murs ».
 +
 +
Pour BEDE, il s’agit de mettre en place les moyens d’un cadre de concertation pérenne entre
 +
scientifiques et paysans, avec une structure qui survivrait aux ponctuels projets de recherche action
 +
participative (d’une durée toujours limitée à deux ou trois ans), en s’appuyant sur des financements
 +
institutionnels localisés et stabilisés en complément de financements plus classiques d’appels à projets.
 +
 +
La mise à disposition de locaux et l’engagement d’un salarié à la fois pour la MSH-Sud et la BdS,
 +
permettraient en effet d’assurer l’animation de rencontres régulières, nécessaires pour la formulation
 +
et la reformulation des questions paysannes, mais aussi de respecter les temps des chercheurs et des
 +
paysans, avec des financements permettant d’engager et d’encadrer les opérateurs, étudiants en
 +
master, doctorants ou chercheurs, qui pourraient ainsi mener à bien des programmes de recherche à
 +
la demande du terrain.
 +
 +
Cette BDS est aussi pensée comme une des étapes concrètes du processus de renouvellement de la
 +
recherche agricole promu par BEDE, en s’appuyant sur l’expérience des associations qui ont déjà eu ces
 +
partenariats avec la recherche grâce aux Laboratoires hors murs ou à travers d’autres projets. Cette BdS
 +
vise également à sécuriser les interactions pour que les associations et les agriculteurs puissent
 +
s’impliquer et s’exprimer aux côtés de scientifiques, c’est pourquoi il est essentiel que son
 +
fonctionnement soit co-construit.
 +
 +
====Les autres acteurs de la BdS ====
 +
 +
Bien que l’association BEDE soit à l’origine de cette idée de boutique des sciences en Occitanie, elle est
 +
loin d’être seule à porter le projet et à souhaiter qu’il aboutisse.
 +
Localement la MSH-SUD, (Maison des Sciences de l'Homme, « Sciences Unies pour un autre
 +
Développement ») est une émanation de la COMUE de Montpellier, structure qui associe des
 +
universités, grandes écoles et tous les organismes de recherche présents autour de Montpellier.
 +
Installée sur le site récemment rénové de St-Charles à Montpellier, elle dispose de nombreux locaux
 +
(mais relativement peu de financements).
 +
 +
C’est elle qui a réuni lors des Assises Sciences-Société les acteurs du monde de la recherche, citoyens,
 +
associations, entreprises et élus pour construire un dialogue constructif entre savoirs d’origines
 +
différentes. L'un des enjeux étant de développer des coopérations équilibrées et durables, c'est dans
 +
le cadre de cet événement qu’ont eu lieu les premiers ateliers de présentation et de co-construction
 +
de la Boutique des Sciences. Même si le travail de création a été délégué à BEDE, cette BdS serait
 +
hébergée dans les locaux de la MSH et animée en partie avec cette institution, il s’agit donc bien d’un
 +
co-portage (deux réponses conjointes à des appels d’offre ont d’ailleurs été rédigées et sont en attente
 +
de décision des bailleurs : COMUE et Fondation de France).
 +
 +
Les Petits Débrouillards (lespetitsdebrouillards.org), premier réseau national d‘éducation populaire
 +
à la science et par la science et premier réseau national d’éducation au développement durable dispose
 +
également d’une antenne montpelliéraine et est intéressé pour assurer une mission de médiation entre
 +
les associations avec lesquels elle est en contact et la Boutique des Sciences, de la même façon que
 +
BEDE informe les associations paysannes de l’existence de la BdS. Ces deux médiateurs permettent
 +
donc de toucher un large réseau associatif.
 +
 +
Au niveau national l’association Sciences Citoyennes28, par l’intermédiaire de Glen Millot (salarié),
 +
accompagne les différentes BdS françaises, et à ce titre participe aux différentes étapes de démarrage
 +
de la BdS Occitanie. Cette association est impliquée à différents niveaux dans le mouvement actuel de
 +
réappropriation citoyenne et démocratique de la science, afin de la mettre au service de la
 +
connaissance comme bien commun. Cette association cherche en effet à refonder le système de
 +
recherche autour d'un nouveau contrat non marchand entre sciences et société, permettant aux
 +
associations et aux citoyens de participer à l'orientation de la recherche.
 +
 +
En tant que stagiaire je me suis intéressé à ces interactions Sciences-Société non pas dans l’idée d’une
 +
meilleure performance des entreprises et/ou d’une amélioration du fonctionnement de la société
 +
actuelle grâce à la recherche, mais parce que je suis convaincu de l’effondrement à venir de la
 +
civilisation thermo-industrielle, après lequel des modèles complètement différents de société et de
 +
recherche scientifique seront indispensables. Notre avenir à plus ou moins long terme sera donc tel
 +
que je le conçois un monde beaucoup plus incertain qu’actuellement, dans lequel la mise en place
 +
d’adaptations pertinentes à l’évolution de l’environnement climatique et social sera déterminante. La
 +
co-réflexion et la réalisation conjointe de ces adaptations entre scientifiques et autres acteurs
 +
impliqués de la société civile me semblent être les meilleurs moyens de faire évoluer la société
 +
(scientifiques inclus) dans une direction souhaitable. Mais la forme de cette « interaction » est à
 +
réfléchir en détail, étant donné la défiance d’une partie du milieu alternatif (que j’imagine être celui
 +
de demain) à l’égard des scientifiques qui, de leur côté, s’arrogent le droit de prescrire ce qui leur
 +
semble bon pour la société et de prétendre qu’ils sont bien en interaction avec la société civile29.
 +
 +
L’action de la sphère politique se résumant au niveau national à un rôle de facilitateur de l’activité
 +
 +
<ref>28 sciencescitoyennes.org </ref>
 +
 +
<ref>29 Voir zad.nadir.org/spip.php?article4180 en réponse à zad.nadir.org/spip.php?article4151, une initiative de l’EHESS pour défendre la ZAD en tant qu’intellectuels. </ref>
 +
 +
économique et, au niveau local à des actions engageant des acteurs de la société civile avec peu de
 +
moyens. Dans le prolongement de ce stage, je réaliserai d’ailleurs un service civique sur Montpellier
 +
pendant l’année scolaire 2017-2018, et souhaite à titre bénévole m’investir dans le démarrage de la
 +
BdS, en participant à l’atelier-scénario ainsi qu’aux éventuelles réunions à venir de démarrage et de
 +
fonctionnement de la BdS.
 +
 +
Les associations du RSP constituent un troisième groupe d’acteurs partenaires. Elles sont constituées
 +
d’agriculteurs organisés qui défendent une agriculture biologique et paysanne. Celle-ci est définie
 +
comme une agriculture sociale et territorialisée, caractérisée par des pratiques non standardisées,
 +
valorisant la diversité du vivant et les interactions entre humains et plantes cultivées : les paysans y
 +
sont des producteurs d’agro-biodiversité30. Ces associations en Occitanie, ont déjà des expériences de
 +
collaboration avec des chercheurs mais les jugent soit trop brèves – dans le temps -, soit trop ciblées
 +
en faveur d’enjeux qui leur échappent, soit encore trop limitées par les règles de financement actuelles
 +
de la recherche dite « participative ».
 +
 +
Le Réseau Semences Paysannes insiste depuis sa création en 2003 sur la nécessité de co-construire les
 +
connaissances sur les plantes cultivées entre praticiens et chercheurs31 pour lutter contre la
 +
prolifération des variétés industrielles et contre la dépendance semencière, imposées par les grands
 +
groupes. Contre les producteurs d’artefacts, l’artificialisation des milieux et des semences, ces
 +
producteurs revendiquent leurs propres compétences en matière de pilotage de la biodiversité32.
 +
Plusieurs programmes européens ou nationaux auxquels le RSP a contribué33 ont souligné toutefois le
 +
poids des obstacles réglementaires (leur logique descendante et asymétrique qui nie toute
 +
compétence aux agriculteurs), limitant les innovations et les débouchés économiques pour les variétés
 +
de pays, niant toute reconnaissance officielle aux semences paysannes et aux variétés
 +
 +
==II] Enquête et atelier de présentation du 3 juillet ==
 +
 +
La méthode de montage d’une BdS à Montpellier a suivi celle préconisé par Science Citoyenne. Nous
 +
reprenons donc ici ces principales étapes d’une démarche déjà expérimentée ailleurs et que j’ai pris
 +
en charge, et réalisé, pour les acteurs initiateurs présentés ci-dessus.
 +
 +
====Une enquête d’intéressement ====
 +
 +
Avant de lancer la création d’une BdS il est nécessaire de connaître les attentes, les besoins et éventuels
 +
points de vue de multiples partenaires potentiels (chercheurs, associations, étudiants, bailleurs...) de
 +
ce type de dispositif. Pour cela une enquête par questionnaire a été conçue et réalisée entre le 15 juin
 +
et le 1er juillet (deux questionnaires en ligne différents ont été proposés pour les associations et les
 +
chercheurs). L’enquête a été adressée à des listes non exhaustives, établies avec BEDE et Pascale Moity-
 +
Maïzi.
 +
 +
====Un atelier de présentation ====
 +
 +
En même temps que ce questionnaire, des invitations ont été envoyées par mails aux groupes visés
 +
(chercheurs, institutions locales, associations). Il ne s’agissait pas seulement de faire remplir le
 +
questionnaire mais aussi d’inviter tous les acteurs potentiels à l’atelier de présentation qui se
 +
déroulerait pendant les Assises Sciences-Société à la MSH.
 +
<ref>30 Note d’intention de BEDE pour des dispositifs pérennes de recherches actions participatives en soutien à la gestion dynamique de la biodiversité cultivée in situ. 2017. </ref>
 +
<ref>31 RSP, BEDE, FSC, PEUV, 2011 </ref>
 +
<ref>32 Blandin 2009 ; Larrère, 2002 </ref>
 +
<ref>33 FSO 2012, REPERE 2009, SOLIBAM 2014 </ref>
 +
 +
===1) Rédaction du questionnaire et réalisation de l’enquête ===
 +
 +
Chaque questionnaire (annexe vi) a été accompagné d’un texte expliquant les contours d’un Boutique
 +
de Sciences. Les premières questions à destination des organisations de la société civile (terme qui
 +
regroupe les associations, coopératives, groupements d’agriculteurs, collectifs citoyens…) portaient sur
 +
l’identification des thématiques qui les intéressaient ou qu’elles traitaient. Une seconde partie du
 +
questionnaire devait permettre d’estimer leur capacité à s’investir dans des projets de recherche. Une
 +
troisième partie du questionnaire devait nous renseigner sur leur niveau et sources de financement
 +
ainsi que sur le nombre de salariés présents dans la structure. Une question portait également sur la
 +
familiarité des associations avec le monde de la recherche. Une estimation de l’intérêt pour les
 +
différents aspects du dispositif ainsi qu’un espace d’expression libre en fin de questionnaire leur
 +
permettait de décrire les projets qu’elles envisageaient de mener en lien avec la BdS.
 +
Les questions à destination des chercheurs portaient d’abord sur le type et les thèmes de leurs
 +
recherches, puis sur leur implication potentielle dans les différentes missions de la BdS, sur leur
 +
familiarité vis-à-vis d’interactions avec la société civile et sur leur intérêt général pour le dispositif.
 +
Les associations comme les chercheurs étaient également invités à donner leur avis de façon ouverte
 +
sur l’initiative, puis à indiquer leur mail s’ils souhaitaient être tenus au courant des suites de la
 +
démarche.
 +
 +
Ces différents questionnaires en ligne étaient inspirés par ceux qui avaient été utilisés auparavant par
 +
la BdS de Lille lors de son enquête de préfiguration. Ils ont été adaptés au contexte montpelliérain,
 +
caractérisé par le projet de créer une BdS thématique, s’adressant à des associations travaillant dans
 +
les champs de l’agroécologie, de la biodiversité et de l’alimentation.
 +
 +
L’enquête a donc été logiquement envoyée aux associations et chercheurs déjà sensibilisés par ces
 +
thématiques voire ayant déjà manifesté un intérêt pour le projet, mais également à des listes de
 +
diffusion plus larges (via recensements de listes d’associations en ligne). Au total, 239 associations et
 +
162 chercheurs ont été sollicités par mail direct, donc sans compter les personnes ayant reçu l'enquête
 +
par des mailing listes qui ont également été utilisées. D'autres acteurs (chambres d'agriculture,
 +
responsables région et Métropole) ont également été invités à participer aux Assises et éventuellement
 +
à transférer le mail auprès d'acteurs intéressés, chercheurs ou associations. Les taux de réponse sont
 +
assez bons pour un questionnaire par mail, avec 28 associations et 38 chercheurs qui ont effectivement
 +
répondu. Ces réponses sont à considérer en nombre de répondant et non en potentiel pourcentage de
 +
répondants, car le nombre de personnes ayant effectivement reçu le mail ne nous est pas connu (envoi
 +
sur des listes de mails de taille importante, diffusion du mail de contact au sein des réseaux…)
 +
 +
===2) Déroulement de l’atelier de présentation ===
 +
 +
Suite à cette enquête dite de préfiguration, l’atelier de présentation permet à la fois de présenter le
 +
principe des boutiques des sciences et d’exposer les résultats de l’enquête. Les boutiques des sciences
 +
sont en effet des dispositifs qu’il est nécessaire de présenter car ils sont peu connus, tant dans le monde
 +
de la recherche que dans la société civile. L’enquête de préfiguration permet aux organisateurs de
 +
justifier auprès de bailleurs de l’intérêt des chercheurs et des associations pour ce type de struct ure,
 +
de recenser les acteurs souhaitant s’impliquer dans la démarche et à travers eux de se faire une
 +
première idée des orientations que pourra prendre la BdS.
 +
 +
====Contexte Assises Sciences-Société à la MSH-SUD ====
 +
 +
L’atelier de présentation a eu lieu pendant les Assises Sciences Sociétés, événement organisé dans les
 +
locaux de la MSH-SUD. Ces assises ont réuni pendant trois jours, du 3 au 5 juillet 2017, des acteurs du
 +
monde de la recherche, des citoyens, des associations, des entreprises, ou encore des élus. L’objectif
 +
était de construire un dialogue entre savoirs d’origines différentes, et de développer des coopérations
 +
équilibrées et durables autour de cette thématique de dialogue renouvelé entre les sciences et la
 +
société.
 +
 +
Une cinquantaine d’ateliers ont ainsi eu lieu pendant ces trois jours, dont un grand nombre sur des
 +
thématiques très proches voire recoupant celles de la boutique des sciences. Le nombre très important
 +
d’intervenants et d’ateliers a cependant obligé le déroulement en simultané de réflexions semblables,
 +
qui auraient gagné à être construites entre tous les intervenants concernés.
 +
 +
Une prise de note collaborative au cours de tous les ateliers et quelques référents chargés de suivre un
 +
grand nombre d’ateliers ont permis d’élaborer rapidement une synthèse générale de l’événement, qui
 +
a montré entre autres choses l’importance et la diversité des structures de médiation dans ce dialogue
 +
science-société.
 +
 +
C’est donc au cours de cet évènement qu’a eu lieu notre atelier, en deux sessions, le lundi 3 juillet. Les
 +
participants à cet atelier étaient les initiateurs du projet de BdS, des invités extérieurs sollicités pour
 +
faire part de leurs propres expériences des BdS, et un public large de personnes curieuses ou
 +
intéressées, pour un total d’une cinquantaine de personnes.
 +
 +
====1ère session : contexte de l’évolution des BdS en Europe et en France ====
 +
 +
Différents intervenants invités ont ainsi pu préciser la notion de BdS au cours du premier atelier :
 +
-Glen Millot, de l'association Sciences Citoyennes, a fait une présentation générale du dispositif des Boutiques des Sciences en France et en Europe, et a détaillé comment Sciences Citoyennes accompagne les BdS françaises.
 +
* Bertrand Bocquet, initiateur de la BdS de Lille, a présenté cette expérience née en 2014.
 +
* Pauline Bryère, de la BdS de Lyon, a présenté cette dernière-née en 2015.
 +
* Sophie Martin : chercheuse à l'université de Montpellier, a présenté la plateforme de recherche action COGITHON, à destination des personnes en situation de handicap mental, hébergée à la MSH et dont le fonctionnement se rapproche de celui d’une BdS
 +
 +
Il s'agissait de montrer qu'il existe différents modèles de fonctionnement de BdS qui naissent du
 +
contexte et des attentes locales. Le contenu de cette session a ainsi été repris dans la description que
 +
j’ai faite des boutiques de sciences en Europe et en France, (p.5-6).
 +
 +
====2ème session : Contexte de l’émergence d’une BdS en Occitanie ====
 +
 +
Bob Brac de la Perrière, coordinateur général de l’association BEDE, a exposé les raisons qui avaient fait
 +
émerger l’idée d’une boutique de science en lien avec la MSH. Ces éléments ont été décrit page 11 et
 +
12, puis analysés page 16
 +
 +
J’ai ensuite exposé les résultats de l’enquête de préfiguration pour permettre à tous de prendre
 +
connaissance des différents points de vue d’acteurs, de leurs convergences et divergences éventuelles,
 +
puis de faire un point sur le niveau d’intérêt et d’implication potentiel des acteurs ayant répondu à
 +
l’enquête. Les résultats ainsi que leur analyse sont disponibles pages 18-19.
 +
 +
====Echanges et propositions autour de la BdS en Occitanie ====
 +
 +
A la suite de ces exposés, des discussions ont porté sur les différentes expériences de chacun en termes
 +
de recherches collaboratives, sur les pistes de financements et sur le nom que l’on souhaitait utiliser
 +
pour remplacer le terme de « boutique », considéré comme inadapté. Une première tentative
 +
d’identification des degrés d’implication possibles des personnes présentes, dans une future BdS à
 +
Montpellier, a été conduite, mais ses résultats ne sont pas pertinents : il était encore trop tôt, et de
 +
plus pour un public disparate, de se positionner clairement sur des rôles ou formes d’engagements
 +
dans une BdS.
 +
 +
==III] Synthèse des contenus de l’atelier de présentation et analyse des résultats de l’enquête. ==
 +
 +
Environ 75 personnes ont assisté à la première session et environ 50 à la deuxième. Les participants
 +
étaient majoritairement issus du monde de la recherche et de la formation, mais des acteurs du
 +
monde associatif étaient également présents.
 +
 +
===1) Synthèse du fonctionnement des BdS exposés pendant la 1ère session ===
 +
 +
Il s’agit ici de synthétiser le fonctionnement, les spécificités et points communs des différentes BdS
 +
présentées en première session, afin d’en extraire des éléments de réflexions pour le montage de la
 +
BdS en Occitanie.
 +
 +
====Fonctionnement de la BdS Nord de France : ====
 +
 +
A Lille les demandes ou questions des associations sont recueillies par un dépôt en ligne, par mail ou
 +
par rencontre. Un Conseil d’orientation stratégique hiérarchise les demandes recueillies. Puis les sujets
 +
sélectionnés, souvent assez vagues, sont précisés au cours de 2 ou 3 réunions dans les bureaux de la
 +
BdS, entre le Conseil d’Orientation Stratégique et la structure demandeuse.
 +
 +
Ce Conseil d’Orientation Stratégique (COS) est constitué d’une quinzaine de personnes, dont une
 +
moitié de chercheurs, « experts » bénévoles dans différents domaines, d’un représentant de la CSTI de
 +
Lille, d’un représentant de la Comue (qui est le salarié de la BdS à mi-temps), d’un représentant de la
 +
MESHS (institution qui met à disposition les locaux), et de 2 ou 3 représentants du monde associatif.
 +
 +
Sa composition est en fait assez variable selon les disponibilités et l’intérêt de chacun à participer à la
 +
reformulation des questions ou sujets, mais les chercheurs y constituent néanmoins un noyau assez
 +
stable.
 +
 +
Il s’agit aussi pendant les réunions qui suivent le travail de sélection du COS, d’expliquer à l’association
 +
demandeuse quel type et quel volume de travail il est possible de réaliser en prenant pour référence
 +
la durée d’un stage de master 2. Un enseignant-chercheur pertinent est ensuite identifié comme tuteur,
 +
et un étudiant est ensuite recruté par cet enseignant ou par une annonce sur la plateforme des stages
 +
de l’université. Les enseignants-chercheurs, bien que souvent occupés, sont intéressés par la
 +
démarche.
 +
 +
La convention de stage se fait alors entre la BdS, l'association demandeuse et le tuteur enseignant. Les
 +
projets de recherche coutent environ 5-6000€, et sont financés par la BdS, qui assure donc à la fois le
 +
financement et le lien avec le monde de la recherche.
 +
 +
Le stage commence en février et est encadré par la BdS tout au long du processus, puis l’étudiant
 +
présente ses résultats par oral et écrit à l’association demandeuse qui les valide. Un rapport de forme
 +
académique est ensuite présenté en septembre, et mis en ligne sur la page de la boutique de Lille34.
 +
 +
En termes de point faibles la BdS de Lille fait face à des financements limités malgré un intérêt
 +
important des chercheurs et des étudiants, ou même de certains praticiens, collectivités ou bailleurs
 +
sociaux dont les demandes sont refusées faute de moyens. Ainsi, seuls 4 projets ont été menés depuis
 +
le lancement de cette BdS.
 +
 +
<ref>34 cue-lillenorddefrance.fr/?q=culture-patrimoine-societe/boutique-des-sciences </ref>
 +
 +
Sa force principale réside dans l’attention qu’elle porte à la phase préliminaire de reformulation de la
 +
demande entre le bureau de la BdS et l’association demandeuse, ce qui fait que de nombreuses
 +
associations sont intéressées, plus d’ailleurs que ce que la structure peut traiter, alors que la boutique
 +
ne fait pas de publicité. Cette BdS envisage cependant de former d’autres acteurs pour constituer un
 +
réseau de relais physique au sein du territoire (médiathèque, autres associations) afin qu’ils puissent
 +
informer de l’existence du dispositif et relayer des demandes vers la BdS. Une volonté existe également
 +
de mettre à profit les activités en enseignement supérieur ou en expertise qui occupent maintenant
 +
les 20% du temps des doctorants. Elargir la base de chercheurs impliqués et stabiliser les membres du
 +
Conseil Scientifique d’Orientation est fortement souhaité par les membres de la BdS. Cette stabilité des
 +
engagements est au moins aussi importante que celle des financements, pour garantir la pérennité du
 +
dispositif.
 +
 +
====Fonctionnement de la BdS de Lyon : ====
 +
 +
A Lyon, la collecte des demandes se fait par le même biais, avec cependant une plus grande difficulté
 +
à trouver des associations intéressées. Cette difficulté est peut-être due à la forte intrication de la BdS
 +
dans l’environnement universitaire, mais peut-être également liée au nombre très limité de projets
 +
financièrement réalisables, qui entraîne peut-être un épuisement des demandes associatives. Une
 +
stratégie de communication paraît nécessaire mais n’est cependant que peu efficace pour faire
 +
émerger les demandes de partenariats de la part des associations. Les associations rurales sont
 +
néanmoins bien représentées dans les structures demandeuses, ce qui est la preuve d’une certaine
 +
visibilité de la BdS malgré son ancrage institutionnel très marqué.
 +
 +
Les demandes sont généralement recueillies jusqu’en juillet pour un traitement l’année suivante. Ici
 +
c’est un Conseil Scientifique de la BdS qui reformule et hiérarchise les demandes recueillies. Il implique
 +
des personnes du milieu universitaire, et réunit environ 10 personnes en septembre pour étudier et
 +
préciser les demandes déjà un peu mises en forme et sélectionnées pendant l’année scolaire
 +
précédente.
 +
 +
Ce conseil scientifique identifie les formations de Master et les stagiaires qui pourraient y répondre, à
 +
travers une ou des offres de stage rédigées par la BdS. Le recrutement des étudiants se fait donc entre
 +
septembre et décembre, puis une rencontre par projet a lieu entre associations, étudiants et tuteurs
 +
de stage au début du stage en février, pour confirmer la forme de la question reformulée par le conseil
 +
scientifique.
 +
 +
Les étudiants effectuent ensuite leurs stages dans les locaux des associations, encadrés par leurs
 +
tuteurs associatifs respectifs, leur tuteur académique et un encadrant de la Boutique des Sciences.
 +
Trois formations réparties au cours des stages permettent de rassembler les étudiants qui effectuent
 +
des stages au sein de la BdS pour leur permettre d’échanger sur leurs stages, d’approfondir leurs
 +
connaissances sur la recherche participative, et de se former à l’échange avec les associations
 +
(communication et forme des rendus oraux et écrits).
 +
 +
Les stagiaires sont ainsi encadrés par un tuteur associatif, un tuteur académique et un tuteur de la BdS,
 +
et sont payés par la BdS, ce qui facilite la réalisation des projets. Les synthèses vulgarisées sont ensuite
 +
présentées lors de restitutions publiques, et le rapport vulgarisé est également postée sur le site de la
 +
 +
====Boutique des Sciences de Lyon35. ====
 +
 +
Les restitutions publiques ont du succès, preuve que le rendu intéresse à la fois les acteurs demandeurs
 +
mais aussi le reste de la société civile, et les étudiants sont très satisfaits de ces stages, qui les forment
 +
au dialogue recherche-société civile, et à l’interdisciplinarité ; qui leur donne aussi le sentiment d’être
 +
<ref>35 boutiquedessciences.universite-lyon.fr </ref>
 +
utiles. Un point fort de cette boutique des Sciences c’est son financement pérenne et conséquent
 +
(financement Idex), qui lui permet de disposer de deux salariés à mi-temps et de financer les salaires
 +
des stagiaires. La BdS de Lyon cherche maintenant à consolider ses liens avec les autres activités du
 +
service qui l’héberge au sein de l’université, avec par exemple des consultations citoyennes, et souhaite
 +
comme Lille inclure davantage les étudiants en doctorat.
 +
 +
Depuis son démarrage officiel en 2013 et grâce à une importante reconnaissance institutionnelle, la
 +
BdS de Lyon a encadré 37 projets, et a élargi le modèle « classique » basé sur un stage de 6 mois d’un
 +
étudiant en master 2 à des projets tutorés insérés dans le cursus, ou des « challenges » faisant
 +
intervenir un grand nombre d’étudiants pendant 48h autour d’un problème soulevé par une
 +
association. Une logique pédagogique forte est donc à l’œuvre dans cette boutique très intégrée au
 +
fonctionnement de l’université. Cette force est aussi une faiblesse liée aux décalages entre calendriers
 +
(scolaire / exigences des acteurs du terrain). Cette BdS essaie d’y remédier par une diversification des
 +
méthodes d’intervention, en réalisant par exemple un « hackaton » ponctuel rassemblant un grand
 +
nombre d’étudiants pendant quelques jours sur une question de la société civile et pour des projets
 +
plus courts, ou en proposant des projet tutorés insérés dans le cursus des étudiants.
 +
 +
====Points communs, divergences et éléments de réflexions : ====
 +
 +
Ces deux BdS ont en commun de s’être dotées d’une charte rapidement après leur création qui, bien
 +
que non contractuelle, permet de préciser les termes de la coopération entre structure qui fait une
 +
demande, enseignant-chercheurs et étudiants.
 +
 +
Ces deux BdS cherchent également aujourd’hui à diversifier et accroître le nombre d’enseignants
 +
chercheurs impliqués dans le dispositif car elles sont toutes deux plus ou moins restées sur la base des
 +
chercheurs initialement intéressés par le projet.
 +
 +
Le stage M2 de 6 mois de février à juillet est également une contrainte commune, qui fait que les
 +
étudiants et les associations, bien que satisfaits, ont parfois un sentiment d’inachevé, auquel pourrait
 +
par exemple répondre un suivi post-recherche sur les impacts de la coopération.
 +
 +
Dans la même optique, elles se posent la question du dépassement de la logique opérationnelle autour
 +
de « micro-projets ». Ce dépassement est souhaité à Lyon, afin de pouvoir élargir l’utilisation des
 +
résultats de la recherche sur d’autres territoires et auprès d’autres organisations, ce qui est envisagé
 +
d’ici quelques années. Bertrand Bocquet de la BdS de Lille souhaite aussi accumuler un certain nombre
 +
d'expériences pour monter en généralité, et travailler sur la notion de recherche participative, mais
 +
précise cependant que la BDS n'est pas le seul dispositif intéressant, et qu’il existe d'autres possibilités
 +
pour poursuivre le travail engagé sans que la BdS ait vocation à tout centraliser.
 +
Ces deux exemples montrent également l’importance d’une reconnaissance institutionnelle locale de
 +
la BdS, qui reste la porte d’entrée pour accéder à des financements pérennes, autorisant le
 +
financement autonome des projets de recherche. Il est cependant impossible de se mettre
 +
complètement à l’abri des aléas politiques, et la stratégie visée par BEDE et ses partenaires et de
 +
diversifier au plus possible les sources de financements de la BdS en Occitanie.
 +
 +
Ces deux BdS sont en réalité relativement similaires dans leur fonctionnement par rapport à la diversité
 +
au niveau européen, et le quatuor demandeur/stagiaire M2/tuteur académique/tuteur BdS donne
 +
l’impression que l’on a finalement affaire à des plateformes d’offres de stages, donc à des dispositifs
 +
assez orientés vers la formation des étudiants. Contrairement à la vision des initiateurs de la BdS en
 +
Occitanie, l’accent est au final peu mis sur les interactions entre chercheurs et associations,
 +
(notamment une faible attention semble donnée à la découverte et à la compréhension du terrain de
 +
travail des associations par le monde de la recherche). Comme nous le développerons plus loin, les
 +
étudiants peuvent dans ce contexte à la fois être le lien entre monde associatif et monde de la
 +
recherche, mais risquent également d’être une barrière entre ces deux mondes qui n’échangent pas si
 +
facilement.
 +
 +
Tableau 1 : Comparaison des différentes Boutiques des Sciences françaises
 +
 +
ENS Cachan Echop’a science Boutique des Boutiques des Boutique des Sciences en
 +
(Grenoble) Sciences Nord de Sciences de Lyon Occitanie ? France
 +
 +
Types de stage et ? stage M2 De L1 à M2 M2 préféré De L1 à M2 Doctorants ?
 +
d’étudiants probablement
 +
Types de Etudes biblio De 1 à 8 mois, biblio et 6 mois, biblio et Biblio ou terrain : 6 3 ans ? Objectif de
 +
production et de terrain terrain (enquête) mois + autres formes publication ?
 +
retour moins « BdS »
 +
Nombre d’études 2 études en 3 6 études en 2 ans 4 en 2 ans 37 en 5 ans Deux projets pilotes en
 +
réalisées et durée ans 2018-2019 ?
 +
de
 +
fonctionnement
 +
Acteurs Etudiants, peu Bureau, Référent Conseil Scientifique Conseil Scientifique A définir, importance des
 +
« internes » d’informations boutique, Référent et d'Orientation constitué acteurs associatifs
 +
faisant scientifique, Encadrant. constitué de d’universitaire,
 +
fonctionner et Chercheurs et de la tuteur associatif,
 +
interagir la BdS Société civile tuteur académique,
 +
tuteur BdS.
 +
Origine des ? Complémentarité COMUE : ½ salarié Très intégré dans la Envisagé : Région, MSH
 +
financements Europe (Perrares) et MESHS (≈MSH) : COMUE (service pour locaux, Métropole,
 +
région (appel locaux médiation), Idex pour Agropolis Fondation,
 +
Université citoyenne et Région : 4 ans. Au début Fondation de France,
 +
solidaire) Financements financements iSite Muse ?
 +
Européens et
 +
Université de Lyon
 +
(PALSE)
 +
 +
Thématiques Toutes, mais Toutes (fourneau à Toutes (recherche Toutes (beaucoup) Agriculture voire juste
 +
abordées les études bois, techniques de sur la BdS, agrobiodiversité dans un
 +
réalisées ont construction, compost, immigration et premier temps, puis
 +
porté sur la potager urbain, engagement élargissement à la santé
 +
biodiversité, précarité et secteur de associatif, trame et l’alimentation à
 +
et les OGM la connaissance, verte et bleue, l’avenir.
 +
demande sociale en coopération
 +
histoire) associative
 +
internationale)
 +
 +
Date et initiateurs 2005 par des 2011 par l’association Fonctionne depuis 2013, suite à une BEDE et MSH-SUD en
 +
de la BdS étudiants, à Adreca : Association 2015, suite à initiative du directeur 2017, en cours de
 +
l’arrêt depuis pour le développement l’initiative d’un de la COMUE en montage
 +
2008 d’une recherche groupe de 2010
 +
citoyenne et active, à chercheurs au sein
 +
l’arrêt depuis 2013 d’un labo en 2012
 +
 +
Lien vers charte 36 Site non fonctionnel 38 Cf annexe ii « Charte de bonne
 +
mais charte conduite » du Réseau
 +
accessible37 Semences Paysannes ?39
 +
 +
<ref>36 http://boutiquedessciences.free.fr/pmwiki/uploads/Main/charte_bds_cachan_2004_04_15.pdf </ref>
 +
<ref>37 https://adrecacontrevent.files.wordpress.com/2014/07/echopascience_rapportqualitatif_2012.pdf page 24 pour le fonctionnement, page 29 pour la charte. </ref>
 +
<ref>38 http://www.cue-lillenorddefrance.fr/sites/default/files/charte_bds_ndf.pdf </ref>
 +
<ref>39 http://www.semencespaysannes.org/bdf/docs/spsynth6mai.pdf </ref>
 +
 +
===2) Enjeux et stratégie de l’association BEDE ===
 +
 +
Il serait abusif de parler de « la vision de la BdS que porte BEDE », car ses membres se posent encore
 +
entre eux la question de savoir comment se positionner par rapport à ce projet. Leur vision est donc
 +
plurielle et évolutive. Il s’agit donc ici de synthétiser et d’analyser la vision actuellement à l’œuvre dans
 +
cette association, sous réserve d’évolutions ultérieures, pour orienter les discussions de l’atelier et pour
 +
défendre l’idée d’une gouvernance associative qui ferait la particularité de la BdS en Occitanie.
 +
Bob Brac de la Perrière, coordinateur salarié de BEDE n’a donc pas présenté une expérience de BdS,
 +
mais a présenté la position de l’association dans ce projet, par rapport aux différents risques perçus.
 +
 +
====Risques perçus par l’association ====
 +
 +
Un des risques est de fonder une BdS dont les membres associatifs n’ont pas une vision claire, ou
 +
n’arrivent pas à organiser leurs besoins autour d’un fonctionnement détaillé. Un second risque c’est
 +
que les chercheurs et/ou les bailleurs orientent le pilotage du dispositif vers des méthodologies de co-
 +
construction qui ne soient pas suffisamment à l’écoute des besoins des acteurs de la société civile. Les
 +
programmes de recherche risquant alors de s’orienter vers une recherche conventionnelle pseudo-
 +
participative, incompatible avec la vision de la recherche que porte BEDE. Ce risque d’une implication
 +
décroissante des membres associatifs est donc étroitement lié avec celui d’une certaine méfiance vis-
 +
à-vis de l’implication d’organisations qui pourraient ne pas être en phase avec le projet de la BdS selon
 +
BEDE.
 +
 +
====Positionnement de BEDE ====
 +
 +
Afin d’avoir certaines garanties sur l’implication et les valeurs des différents partenaires, BEDE souhaite
 +
dans une certaine proportion choisir les participants qui seront conviés aux ateliers scénarios, donc
 +
identifier des associations et chercheurs qui ont déjà eu des partenariats avec BEDE ou autres membres
 +
du RSP. Cela offrira de plus une certaine unité sur les valeurs fondamentales du dispositif, unité
 +
nécessaire pour s’entendre autour du projet commun qui sera posé pendant l’atelier scénario.
 +
 +
Pour se prémunir d’une dérive potentielle de la BdS vers un fonctionnement déconnecté des besoins
 +
du terrain, BEDE propose également à ses partenaires potentiels un pilote de la BdS. Ce pilote (annexe
 +
viii) reste évidemment à discuter. Il permettra néanmoins d’expliquer aux partenaires potentiels, et
 +
notamment aux bailleurs, que cette BdS cherche à mettre en place un modèle de recherches
 +
collaboratives, différent des modèles habituels de recherches participatives. Il s’agit cependant de
 +
financer de manière durable ce dispositif et les projets de recherches qui seront conduits à travers lui,
 +
et BEDE a donc répondu à divers appels d’offres, auprès de fondations telles que la Fondation de France
 +
ou encore la Fondation Agropolis, qui annoncent vouloir favoriser le développement d’une recherche
 +
en lien avec la société civile. Des discussions sont également en cours avec la Région Occitanie pour
 +
capter des financements complémentaires de moindre ampleur. Un appel à projet de type CSTI a été
 +
envoyé, la réponse a cependant été négative.
 +
 +
L’atelier scénario, et la réflexion collective qu’il permet sur le fonctionnement de la BdS, a aussi pour
 +
rôle d’après BEDE de compléter les attentes identifiées pendant les Labo Hors Murs sur
 +
l’agrobiodiversité. BEDE ayant déjà une certaine connaissance de la recherche collaborative, il ne s’agit
 +
pas de suivre à la lettre le modèle de BdS développé ailleurs en France ou en Europe, mais de s’en
 +
inspirer voire de le faire évoluer car les valeurs fondamentales portées par les BdS correspondent à
 +
celles portées par BEDE. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la méthodologie adaptable utilisée pour le
 +
montage des BdS, qui permet de construire des structures en phase avec les besoins des porteurs et
 +
des territoires.
 +
 +
Pour résumer, il est donc considéré comme capital - sans que BEDE soit l’entité aux commandes du
 +
dispositif - qu’un portage des projets par la société civile soit garanti, afin que la boutique des sciences
 +
sécurise l’interaction, et que les associations soient sûres de pouvoir s’exprimer et que leurs avis soient
 +
effectivement pris en compte. Ainsi, il s’agit de trouver des partenaires convaincus par le projet et ses
 +
valeurs, avec lesquels la forme de la BdS puisse être débattue. C’est avec eux qu’il faudra composer au
 +
sein du ou des bureaux/conseils/commissions, qui seront décidés et dont les membres seront désignés
 +
pendant les ateliers scénarios.
 +
 +
===3) Analyse des résultats de l’enquête ===
 +
 +
Du côté des organisations de la société civile, avec 28 réponses représentant 21 associations, 1 SARL,
 +
et 2 SCOP, (plusieurs répondants par organisation) les profils des intéressés sont liés à l’agriculture, à
 +
la préservation de l’environnement ainsi qu’à la formation/éducation. 17 répondants signalent un
 +
intérêt certain à court ou moyen terme pour ce projet, cependant même pour les mieux dotés le
 +
manque de financement est un facteur limitant de leur investissement dans la conduite de recherches
 +
portées grâce à ce dispositif.
 +
 +
Eléments limitants pour le développement des activités des 17 associations intéressées (plusieures réponses possibles)
 +
 +
Plus de ressources (financières, personnel, Plus d’expertise scientifique de la part de Plus de connaissances techniques
 +
temps) membres de la structure extérieures
 +
Pour les thèmes d’activités, l’agriculture, la formation et la défense de l’environnement dominent :
 +
Quel sont les domaines qui correspondent
 +
le plus à l'activité de votre structure?
 +
 +
Défense de l'environnement 26%
 +
 +
Agriculture 37%
 +
 +
Action Santé 5%
 +
 +
Défense des droits et des causes 5%
 +
 +
Formation et éducation Action sociale 18%
 +
 +
Culture 7% 2%
 +
 +
En termes de thèmes des projets de recherche, très peu de ces acteurs font allusion aux thématiques
 +
de la santé et de l'alimentation. Soulignons également que pour certains la BdS est également perçue
 +
comme un partenaire de formation.
 +
 +
Ils évoquent en effet à peu près tous l’agriculture, avec des questions ciblant des problèmes précis :
 +
 +
:*Comment nommer Les semences paysannes pour qu’elles restent un bien commun?
 +
 +
-Comment utiliser/valoriser l’urine humaine sur spiruline, vigne ou bioponie
 +
 +
:*Vérifier Les effets du BRF de pin sur la croissance des plantes et la vie du sol
 +
 +
-Comment développer un verger sec méditerranéen pour l’agroécologie
 +
 +
:*Projet pilote agroécologique
 +
 +
-Comment évaluer l’impact des pratiques agricoles sur les nappes phréatiques
 +
 +
:*Faire une typologie des consommateurs en boutiques paysannes et marchés
 +
 +
-Faire une typologie des participants au mois de l’agroécologie (septembre 2017)
 +
 +
Mais quelques-uns proposent aussi des thèmes plus généraux:
 +
 +
:*Transition agroécologique en zone inondable
 +
 +
:*Programme pluridisciplinaire en agroécologie et agroforesterie
 +
 +
:*Etude des Complémentarités Biodiversité et Potager
 +
 +
Du côté des chercheurs, 38 ont répondu (sur plus d’une centaine de personnes contactées) : ils sont
 +
issus de champs disciplinaires très variés, avec cependant une majorité de chercheurs issus des
 +
sciences humaines et sociales (SHS) :
 +
 +
Disciplines des chercheurs interrogés
 +
 +
Science de l’éducation 5% Sciences biologiques 16%
 +
 +
Economie 14% Sciences physiques et mathématiques 14%
 +
 +
Agronomie 5%
 +
 +
Sciences de la santé 3%
 +
 +
SHS 43%
 +
 +
Il s’agit peut-être ici d’un biais lié à l’accès limité aux adresses de tous les chercheurs universitaires
 +
montpelliérains (l’université de Montpellier qui comporte le plus d’enseignants-chercheurs en sciences
 +
du vivant en particulier, nous était presque inaccessible). De plus, le temps très court et la période
 +
estivale n’ont pas joué en notre faveur dans l’exhaustivité des réponses
 +
 +
A l’exception d’un seul chercheur, tous se sont dits intéressés ou très intéressés par ce projet de BdS,
 +
Ils s'interrogent cependant sur le terme de "boutique" et préfèrent plutôt celui d'"atelier". Ils
 +
soulignent également une évolution en cours des financements de projets de recherches participatives,
 +
vers plus d’injonctions aux interactions du monde de la recherche avec la société civile.
 +
On constate aussi que ces répondants ont déjà une certaine familiarité du monde des associations à
 +
Montpellier car de nombreuses organisations ont déjà travaillé avec eux sur des projets de recherche,
 +
ce qui a permis à plusieurs d’entre elles d’avoir déjà réfléchi aux difficultés, notamment financières,
 +
exigées par la coordination d’un projet avec des chercheurs.
 +
 +
===4) Synthèse et leçons à tirer des discussions ===
 +
 +
Les discussions ont ainsi principalement pris place pendant la deuxième session de l’atelier. Très
 +
dynamiques, elles ont montré un niveau d’intérêt élevé des participants.
 +
 +
====Orientation des thématiques ====
 +
 +
La question de l’orientation des projets de recherche vers les thématiques de la santé, envisagée dans
 +
un premier temps, a été abandonnée suite au trop faible nombre de réponses et de personnes
 +
présentes dans ce domaine de compétences lors de cet atelier, malgré un pôle santé important sur
 +
Montpellier. Les chercheurs et les associations de ce domaine ont été difficiles à cibler, par manque de
 +
connaissance du milieu médical par l’association BEDE et par les personnes-ressources du stage. Il s’agit
 +
cependant d’une communauté qui pourrait être intéressée à terme, et qui a déjà développé ses propres
 +
outils participatifs autour desquels il serait intéressant d’échanger. La BdS en Occitanie n’est donc pas
 +
définitivement fermée à cette thématique, un élargissement des sujets de recherche est toujours
 +
possible à l’avenir.
 +
 +
Cependant la phase de construction de la BdS et de définition/sélection de projets pilotes sera conduite
 +
avec une majorité d’acteurs déjà connus des porteurs de la BdS, lesquels n’ont d’ailleurs pas tous pu
 +
participer à l’atelier. Il s’est ainsi avéré difficile de toucher toutes les associations et tous les chercheurs
 +
pour l’enquête initiale malgré des listes de destinataires déjà très larges (la trop courte période
 +
disponible pour la réalisation de l’enquête/invitation, et la période estivale pendant laquelle elle a été
 +
menée ont sans doute joué en défaveur de l’enquête et de la participation à l’atelier). Pendant les
 +
discussions de cette seconde session, une question a dominé : « Comment on communique (pour et
 +
dans le cadre de la future BdS) ? », c’est à dire à travers quels outils et dans quels lieux physiques (ou
 +
en ligne). Elle est apparue importante car elle oriente dès le départ les publics ciblés.
 +
 +
====Importance de l’étudiant ====
 +
 +
Le rôle de l’étudiant (master ou doctorant) a été souligné à plusieurs reprises, car en tant
 +
qu’intermédiaire entre le monde de la recherche et les associations, c’est lui qui est chargé d’échanger
 +
avec les associations pour qu’elles s’approprient et appliquent le protocole co-constuit, et pour qu’elles
 +
puissent se former et développer leur propre vision de la méthode scientifique. Ainsi, pour faire de la
 +
recherche auprès de paysans, il est important que l'étudiant ait un minimum de formation et que
 +
l'agriculteur n'ait pas à l' « encadrer ». Le choix de l’étudiant est donc crucial pour les associations, qui
 +
devront avoir leur mot à dire lors de la phase de recrutement d’un « chargé d’étude ».
 +
 +
On peut alors souligner l’absence quasi-totale d’étudiants autres que le stagiaire dans ces sessions et
 +
dans la réflexion sur la création de cette BdS. Une attention particulière devra y être portée si l’on
 +
souhaite les impliquer, qu’ils soient ingénieurs, master 2 ou doctorants. Cette association des étudiants
 +
dans la création de la BdS pose également la question du type d’étudiant qui participera au projet de
 +
la BdS, les stages courts termes de M2 étant jugé par BEDE comme trop limités.
 +
 +
====Rappel des initiatives déjà existantes en recherche collaborative ====
 +
 +
Certains collectifs du RSP ayant plusieurs expériences de projets de recherche, ils ont déjà rédigé des
 +
chartes autour de la recherche participative. La prise en compte de ces documents sera ainsi essentielle
 +
au cours de la construction de la BdS Occitanie.
 +
 +
La « Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault » représentée lors de cet atelier a rappelé
 +
qu’elle a toujours fonctionné (depuis environ 150 ans) comme une BDS, en synergie avec la fac de
 +
pharmacie, cependant à destination exclusive de ses adhérents. Cette société dispose d’un site où sont
 +
publiés en accès libre des travaux40 . D’une manière plus générale, elle nous permet de comprendre que
 +
les sociétés savantes sont des acteurs stratégiques, dont l’importance n’avait pas été identifiée lors des
 +
premières réflexions. Du fait de leur expérience en matière de recherches collaboratives ces acteurs
 +
méritent d’être mobilisés dans la co-construction de la BdS Occitanie.
 +
 +
La question de la différence entre les BdS et différents programmes de recherches collaboratives tels
 +
que les PSDR et les PICRI (cf p.9) a également été posée. Bien qu’ils semblent assez proches de l’objectif
 +
de co-construction des méthodes de recherches portés par les BdS, ils ne sont pas considérés par tous
 +
comme des dispositifs mettant en place de véritables méthodologies de co-construction de la
 +
recherche en lien avec la complexité de la demande associative. Il ne s’agit cependant pas de les
 +
évacuer mais de s’inspirer avec prudence de ces modèles dont les dimensions innovantes ont été
 +
soulignées par ailleurs.
 +
 +
====Prise en compte de l’expression de la société civile au sein de la BdS. ====
 +
 +
Un paysan ne pourra pas porter seul une demande de recherche. Il a donc été souligné que rejoindre
 +
une association ou un collectif était non seulement facile mais également important par exemple
 +
autour des réflexions et pratiques sur les semences.
 +
 +
Le souhait de parité entre membres de la société civile et autres membres de la BdS a été exprimé par
 +
Bob Brac de la Perrière (BEDE), qui a souligné le risque d’une dérive du fonctionnement vers des
 +
logiques trop institutionnelles, dont la société civile risque d'être exclue. Il insiste donc sur l’importance
 +
que ce dispositif soit animé ou porté par une association, en précisant que l’objectif de BEDE n’est pas
 +
de centraliser toutes les recherches participatives de Montpellier mais bien d’accompagner celles qui
 +
entrent dans son champ de compétences !
 +
 +
====Co-légitimité du partenariat chercheurs/associations ====
 +
 +
La visibilité et la légitimité sont également recherchées par les associations qui souhaitent collaborer
 +
avec les chercheurs qui ont les mêmes préoccupations qu’elles. La BdS cherche donc à développer une
 +
reconnaissance de la société civile notamment vis-à-vis des financeurs de la recherche. Il s’agit pour les
 +
membres des associations qui s’engageront de faire reconnaitre leur propre travail de recherche,
 +
d’accéder à des financements au même titre que les organismes de recherche, permettant de garantir
 +
une rémunération compensatoire du temps passé pour la recherche (temps de réunions,
 +
d’encadrement, de valorisation - séminaires, forums etc-). Il s’agit donc de reprendre un mécanisme
 +
déjà formalisé par le RSP (Réseau Semences Paysannes) : c’est là un principe éthique partagé par tous
 +
ceux qui se sont investis dans l'émergence d'une BDS Occitanie. Cette question du financement et donc
 +
de la valeur du temps de recherche et des connaissances coproduites est un élément essentiel à penser
 +
ensemble.
 +
 +
De façon complémentaire les chercheurs ont également fait remarquer que pour eux aussi la
 +
collaboration avec la société civile au sein d’une BdS reconnue, pouvait être source d’une meilleure
 +
légitimité, notamment pour accéder à des financements qui exigent des partenariats recherche-société
 +
<ref>40 s2hnh.org, avec par exemple des travaux sur la mouche de l’olivier </ref>
 +
civile et pour mieux valoriser leurs engagements auprès d’associations pour co-produire des
 +
connaissances avec elles. Cette légitimité est cependant à nuancer avec le fait qu’une partie
 +
relativement importante du monde de la recherche déconsidère encore ce type de partenariat,
 +
estimant qu’ils aboutissent à des résultats de moins grande qualité scientifique, difficilement
 +
valorisables en publications. On a même affaire parfois à une critique de ce type de partenariat comme
 +
preuve d’un manque d’imagination des scientifiques qui vont chercher leurs questionnements auprès
 +
de la société civile.
 +
 +
====Financement ====
 +
 +
Financements et impacts de la recherche ont été très liés dans les discussions, nous les rapportons ici
 +
de façon séparés pour la clarté du propos.
 +
 +
En terme de financement, il est tout d’abord nécessaire de différentier les moyens attribués aux projets
 +
de recherches (salaires du ou des opérateurs, frais de transport, équipements…) et les moyens
 +
attribués à la BDS elle-même (salaire de l’animateur qui s’occupe de la logistique et des échanges,
 +
bureau, salle de réunion…). Une réponse à appel à projet de la Fondation de France a été proposée
 +
pour le financement de projets et d’une partie du coût de fonctionnement de la future BdS. Pour
 +
compléter la prise en charge de ces coûts structurels, la stratégie visée par BEDE et la MSH est de capter
 +
des financements pérennes de la part de la Région et de la Métropole. Le réseau européen des
 +
boutiques des sciences Living Knowledge est également en train de chercher des pistes pour favoriser
 +
à l'échelle européenne un appui financier direct des COMUE aux BdS, sur le modèle de Lyon. Il faut
 +
rappeler que la MHS-SUD fait partie de la COMUE de Montpellier, mais disposant de peu de moyens
 +
financier elle est prête à mettre gratuitement des bureaux à disposition de la future BdS Occitanie.
 +
Concernant d’autres pistes de financements davantage axées sur la prise en charge des projets
 +
thématiques que porterait la BdS, il a été souligné que de plus en plus d’appels à projets (ceux de la
 +
Fondation de France, ou de la Fondation Agropolis notamment)cherchent à intégrer des collectifs
 +
régionaux auprès des chercheurs. Dans ce sens, la Coordination européenne des Semences
 +
Paysannes ("Libérons la diversité Europe") qui effectue une veille sur ce type d’appel à projets est une
 +
base arrière pertinente. De plus, au niveau européen les financements FEADER (Fond européen
 +
agricole pour le développement rural, faisant partie de la PAC) permettent de financer des stages de
 +
type PEI à Supagro, il serait intéressant d’explorer de quelle façon ils pourraient être utilisés par la BdS.
 +
 +
L’idée d’une intégration dans l'iSite MUSE ou dans les EUR (Ecoles Universitaires de Recherche) a
 +
également émergé pendant les discussions, BEDE et la MSH n’y sont pas opposés et sont en train
 +
d’étudier cette possibilité qui n’avait pas encore été envisagée.
 +
 +
Le modèle promu par la BdS est donc celui de projets de recherches partant des praticiens, pour
 +
lesquels un collectif chercheurs-société civile cherche des financements à travers le dispositif reconnu
 +
au sein de la MSH. La possibilité de fonctionner dans l’autre sens, c’est-à-dire dans une logique de
 +
réponses à des appels à projet portées par des scientifiques, sur des thèmes spécifiques et certes
 +
négociés en partie entre les uns et les autres, a également été évoquée. Cependant ce modèle existe
 +
déjà, BEDE comme le RSP en ont une bonne expérience (BEDE est actuellement partenaire avec le RSP
 +
du projet COEX porté par le CIRAD principalement et financé par la Agropolis Fondation) ; il s’agit avec
 +
la BdS de partir des initiatives du terrain plutôt que de se « rajouter » comme partenaires sur de gros
 +
projets dont la gestion et les enjeux finaux comme les résultats échappent encore à la société civile.
 +
 +
L’objectif de non-marchandisation des résultats de la recherche, un des critères d’acceptabilité de la
 +
demande historique pour les Boutique des Science, a également été discuté. Aujourd’hui ce critère
 +
est variable selon les boutiques des sciences en France. Il a été précisé que sur des problématiques
 +
agricoles, les associations et les paysans évoluent dans un cadre de rentabilité de leurs activités, mais
 +
la BdS se place cependant dans une logique différente de celle d’un bureau d'études, car le
 +
« produit » n’est pas l’expertise du chercheur, mais à la fois les résultats et la démarche d’échange et
 +
de co-construction entre les chercheurs et les associations. C’est un des points qu’il sera nécessaire
 +
d’éclaircir lors de la formalisation de la BdS en Occitanie.
 +
 +
Pour finir, le financement des recherches portées par des associations ou dispositifs type BDS repose
 +
toujours sur de longues négociations, et la diversité des sources de financements (région, recherche,
 +
fondations privée…) est importante afin de garantir une certaine pérennité et une impartialité
 +
nécessaire du dispositif comme des résultats des recherches.
 +
Impact ou utilité de la recherche ?
 +
 +
En lien donc avec la question des financements, la question de « l’impact » et de l’utilité de la recherche
 +
a constitué un point central des discussions en seconde session de l’atelier. Des situations négatives
 +
ont été décrites, de projets de recherche « participatifs » où les chercheurs et étudiants ne reviennent
 +
pas auprès des paysans qu'ils ont mobilisés, ou qui produisent des connaissances dans un langage qui
 +
n'est pas partagé. La BdS s’engagerait à modifier ces pratiques, ce qui suppose un engagement initial
 +
des chercheurs et des étudiants à changer leurs habitudes académiques, en systématisant les
 +
restitutions locales et la co-construction d’un langage commun, qui permettrait une innovation sur les
 +
concepts utilisés par chacun.
 +
 +
La question de l’impact est stratégique. Mais la notion elle-même pourrait porter à confusion dans la
 +
mesure où certains organismes de recherche, tels que l’INRA, l’utilisent déjà pour décrire ou évaluer
 +
« l’impact » non d’une recherche mais d’une publication : cet impact est mesuré avec un certain
 +
nombre de critères notamment le nombre de fois où elle est citée, renvoyant a priori à la fréquence
 +
d’utilisation et à l’étendue de la diffusion des résultats. Pour une BdS, il ne s’agit pas de mener une
 +
simple « vulgarisation » des résultats, terme potentiellement dévalorisant et également sujet à débat.
 +
L’objectif porté par les différents participants est bien de conduire tout un processus de production
 +
d'un langage commun avec co-validation des résultats de la recherche selon des critères co-construits,
 +
qui implicitement renvoient à des impacts. Ainsi, au terme du projet de recherche, les résultats doivent
 +
être compréhensibles et de qualité pour tous sans être moins bons que les résultats issus d’une
 +
recherche « conventionnelle ». Cet objectif ambitieux nécessite donc un apprentissage réciproque, car
 +
chacun doit prendre l'habitude de travailler avec l'autre et comprendre ses exigences et critères ou
 +
normes d’action.
 +
 +
En ce sens l’articulation entre les intérêts du chercheur, de l'association, de l’étudiant voire même du
 +
salarié de l'association, doit être mûrement réfléchie. Car si tous les acteurs ne sont pas intéressés et
 +
engagés par tout le processus et par les résultats de la recherche, il est à craindre que l'utilité du temps
 +
investi soit considérée comme faible voire nulle. Or la compréhension d’un autre point de vue visant
 +
à développer un langage commun exige une motivation et une disponibilité importantes, incompatibles
 +
avec un désintérêt vis-à-vis du projet de recherche. Il est donc important que les associations
 +
s’approprient aussi la démarche, laquelle peut amener des réflexions innovantes tant pour le projet de
 +
recherche lui-même que pour le fonctionnement et les objectifs de l’association. L’exemple a été donné
 +
d’une association qui vient en appui technique aux collectivités sur la « Trame verte et bleue », sur un
 +
projet de recherche qui cherchait à évaluer l’appropriation de ce concept de « Trame verte et bleu » et
 +
l’acceptation ou le rejet des aménagements par les acteurs locaux, habitants et jardiniers. L’étude ayant
 +
montré que ces acteurs locaux ne connaissaient quasiment pas le concept, il a été conseillé à
 +
l’association de développer ou de réorienter ses objectifs afin de faire d’abord connaitre le dispositif et
 +
les aménagements au public cible comme première étape vers l’objectif d’appropriation.
 +
Dans l’autre sens, le monde de la recherche doit également comprendre la vision des praticiens, et
 +
accepter de se familiariser avec des visions du monde et du vivant parfois plus sensibles que
 +
« scientifiquement rationnelles ».
 +
 +
L’idée a aussi été évoquée de se mettre en lien avec des équipes professionnelles de la valorisation de
 +
la recherche, et de passer par ces services pour rendre plus vite accessibles les résultats de la recherche
 +
co-construite au plus grand nombre. La responsabilité de la BdS vis-à-vis de la diffusion de ces résultats
 +
est ici évidente, c’est pourquoi il est envisagé d'évaluer systématiquement les impacts et enjeux
 +
multiples des recherches menées au sein de la BdS : changements des visions de la recherche, utilité
 +
sociale, environnementale, politique, etc...
 +
 +
====Quelle dimension réellement régionale pour une structure basée à Montpellier ? ====
 +
 +
Le fait que la BdS soit portée par BEDE et dispose d’un espace à la MSH, qu’elle soit de ce fait fortement
 +
implantée à Montpellier pose la question de l’ambition régionale du dispositif. A travers les différents
 +
réseaux et contacts des porteurs du projet de BdS ainsi qu’à travers des étapes événementielles telles
 +
que les Assises Sciences Société, l’objectif est d’atteindre cette échelle régionale dès les premiers
 +
projets, dans l’optique d’accéder à un plus grand nombre de financements. Un pôle à Toulouse est jugé
 +
nécessaire, et c’est dans cette optique qu’un représentant du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse
 +
s’est déclaré d’emblée intéressé par un partenariat. Il s’agit maintenant d’évaluer si ce genre de
 +
structure est bien un relai interdisciplinaire et neutre qui pourrait participer activement à la BdS
 +
Occitanie. A Toulouse également Laurent Hazard, chercheur INRA, partageant les valeurs portées par
 +
BEDE et par le projet BdS, constituerait un relai pertinent pour construire cette dimension régionale.
 +
 +
Enfin, le collectif Agroécologie (collectif-agroecologie.fr) semble également être un partenaire
 +
potentiel dans cette ville.
 +
 +
====Autres rôles de la BdS ====
 +
 +
Quelques interventions ont également mis sur la table la question des autres rôles potentiels de la BdS,
 +
avec par exemple une proposition de construire, tester et formaliser d'autres modes d'interactions
 +
entre société civile et monde de la recherche, ou encore une proposition de créer un « label » BdS, qui
 +
certifierait différents projets comme réellement collaboratifs et qui ferait prendre conscience et
 +
connaitre les sciences citoyennes.
 +
 +
====La taxonomie ====
 +
 +
Le changement de nom du dispositif a été considéré comme impératif afin d’enlever la notion
 +
marchande, et pour mieux définir ses contours et ses fonctions possibles, au-delà de transmettre des
 +
demandes des OSC aux chercheurs. « Atelier » et « Passerelle » ont été proposés comme alternatives.
 +
Une façon de réfléchir à cette question est de discuter collectivement autour d’une grille
 +
« lieu/action/sujet » :
 +
 +
*Lieu/dispositif : Boutique, Fabrique, Atelier, Passerelle, laboratoire hors murs, interface…
 +
 +
*Action : Production, co-construction, collaboration, coopération…
 +
 +
*Sujet : Science, recherche-action, connaissances…
 +
 +
Des noms plus libres ont également été proposés :
 +
 +
*BOSS : Boutique Occitane de Sciences Société
 +
 +
*COCORICOS : CO-COnstruction de Recherche Innovante de COnnaissances pour la Société
 +
 +
*FOSC : Fabrique Occitane des Sciences Citoyennes
 +
 +
====Tentative de méthode participative ====
 +
 +
Un nuage de post-it a ensuite permis à chacun d’exprimer ses attentes ou sa vision du projet d’une
 +
Boutique des Sciences. Dans le même temps il était proposé à chacune des personnes présentes dans
 +
la salle d’indiquer son niveau d’implication possible dans cette prochaine BdS, avec quatre niveaux
 +
possibles :
 +
 +
====Gouvernance / conseil d'experts / porteur de projet / être tenu informé ====
 +
 +
Pour l’instant seuls des chercheurs sont intéressés par les missions pourtant centrales de gouvernance
 +
et de conseil « d’expert » (le mot « expert » a également été discuté, conseil d’orientation ou de
 +
reformulation conviendrait peut-être davantage). Il manquait cependant encore une vision claire des
 +
charges, rôles, relatifs à ces niveaux d’implication, c’est donc un point qui sera re-discuté pendant les
 +
ateliers scénarios qui constituent l’étape suivante dans la construction d’une BdS.
 +
Cet exercice collectif a également permis de montrer la difficulté qu’il pouvait y avoir à utiliser des
 +
méthodes d’animation participatives.
 +
 +
===5) Difficultés de l’atelier de présentation ===
 +
 +
Ces deux sessions, bien que réussies au vu de la richesse des échanges, ont cependant souffert de
 +
quelques lacunes, que nous détaillerons ici dans une optique d’amélioration continue.
 +
La forme peut-être trop universitaire et peu interactive des exposés a peut-être été à l’origine de la
 +
désaffection d’un certain nombre de personnes entre les deux sessions, qui s’est traduite par un
 +
nombre inférieur de participants dans la seconde session (passé de 80 à 50). De même la séance des
 +
post-it, qui se présentait comme un exercice interactif n’était au final pas assez claire (ni pour le public
 +
ni pour les organisateurs…), elle aurait mérité plus de préparation et une formalisation de la trame
 +
d’animation.
 +
 +
Pendant cet atelier un choix a été fait de ne pas distinguer chercheurs institutionnels et membres
 +
d’associations, afin de rappeler que les savoirs sont d’égales valeurs, que la société civile peut être
 +
porteuse d’une démarche de recherche et que les acteurs de la recherche peuvent être porteurs d'une
 +
démarche civile. Une répartition des différents acteurs selon une distinction qui se base sur les
 +
méthodes d’actions et l’identification de leur environnement d’action aurait cependant permis de
 +
collecter des données sur l’origine des participants, afin de quantifier la part de chacun dans le collectif
 +
et de réduire l’impression finale qu’il y avait une majorité de chercheurs institutionnels dans le public.
 +
Faire circuler une feuille de renseignements à remplir de façon non obligatoire aurait été souhaitable
 +
pour permettre aux participants d’indiquer leur milieu voire leur implication souhaitée, et de collecter
 +
les adresses des personnes intéressées. Cela nous aurait permis d’obtenir une estimation du « rapport
 +
de disponibilité » entre associations et chercheurs institutionnels à cette période de l’année,
 +
particulièrement chargée pour les paysans membres d’associations.
 +
 +
Le peu de temps disponible pour la réalisation et l’analyse des résultats a déjà été souligné, et nous
 +
pouvons rappeler à titre de comparaison que les enquêtes de préfiguration des BdS de Lille ou de Lyon
 +
ont chacune duré plus d’un an. A une autre échelle, une discussion et un point clair sur ce qu’on
 +
attendait du stagiaire pendant l’atelier de présentation (qui n’a certes pas non plus pris l’initiative d’une
 +
telle rencontre) auraient peut-être facilité mon implication : je me suis en effet senti un peu désengagé
 +
de mon rôle pourtant prévu d’assistant animateur.
 +
 +
==IV] Perspectives ==
 +
 +
A la suite de cet atelier de présentation, la méthode de « fabrication » d’une Boutique des Sciences
 +
proposée par Science Citoyenne et que suit BEDE préconise l’organisation d’un atelier dit « Atelier-
 +
scénario », qui permet de formaliser un peu plus la structure.
 +
 +
BEDE souhaitait initialement organiser l’atelier scénario en septembre, cependant devant l’importance,
 +
pour la suite du processus, d’une bonne organisation de l’atelier scénario et du choix des participants,
 +
cet atelier a été reporté à fin 2017. Des participants dont des praticiens concernés ayant déjà été
 +
repérés pendant les Laboratoires Hors Murs, cet atelier ne s’appuiera pas forcément sur tous les
 +
participants du premier atelier de présentation comme cela est classiquement le cas pour le montage
 +
d’une BdS, mais privilégiera des praticiens familiers des Laboratoires Hors Murs et du projet de BdS en
 +
Occitanie. Ce report de date permettra également de connaitre l’ampleur des financements
 +
disponibles, qui ne seront validés qu’en octobre, afin de réfléchir sur des bases concrètes.
 +
 +
===1) L’atelier scénario ===
 +
 +
Il avait initialement été imaginé que l’atelier-scénario prendrait place pendant le mois de l’agroécologie
 +
en septembre, afin de disposer des acteurs associatifs du monde paysan qui avaient prévu de se libérer
 +
à cette période, mais aussi car des financements de la région étaient prévus.
 +
Suite au report de financement de la Région et parce qu’aucun acteur initiateur, en particulier
 +
l’association BEDE ne peut s’autoriser à auto-financer l’organisation de cet atelier sans garantie de
 +
financement externe, ce rendez-vous a été reporté de quelques mois, les membres des associations
 +
paysannes étant de plus davantage disponibles en hiver.
 +
 +
Cet atelier-scénario qui sera aussi organisé en deux temps, permettra ainsi aux différents acteurs qui
 +
souhaitent contribuer à la naissance et au développement de la Boutique des Sciences en Occitanie
 +
d'échanger leurs points de vue, souhaits, attentes, doutes, critiques et suggestions autour de ce projet
 +
afin de le concrétiser.
 +
 +
Concrètement, il s’agira de :
 +
 +
* définir collectivement l’objectif de la BdS de Montpellier/Occitanie
 +
 +
* de s’accorder sur une vision partagée du dispositif (statut, organisation, gouvernance, nom,..),
 +
 +
* de répartir les premières étapes (réalisables à court terme) entre les participants,
 +
 +
* enfin de développer un plan d'action pour mettre en œuvre à plus long terme le schéma de
 +
fonctionnement collectivement accepté.
 +
 +
Ces différentes étapes mises en discussions sur deux demi-journées permettront ainsi d’échanger pour
 +
répondre à 4 objectifs complémentaires :
 +
 +
:* identifier Les divergences et Les similarités de perception entre Les acteurs
 +
 +
:* définir ensemble des perspectives et visions souhaitables
 +
 +
:* se répartir Les actions qui aboutiront au schéma de fonctionnement souhaité par tous
 +
 +
:* prendre conscience des problèmes à venir
 +
 +
La méthodologie privilégiée pour ces deux demi-journées est détaillée dans un « Livret du
 +
participant » (annexe vii), inspiré largement de ce qu’avaient proposé les acteurs de l’association
 +
Sciences Citoyennes pour le montage de la BdS de Lille.
 +
 +
Les participants à ce futur atelier ont été pré-identifiés. L’enjeu est qu’ils soient équitablement
 +
représentés par catégorie d’action, en étant peu nombreux pour que les discussions puissent avoir lieu
 +
plus facilement. Ainsi ce prochain atelier comprendra 20 personnes issues de 4 groupes acteurs :
 +
 +
====Associations, Chercheurs, Bailleurs, Etudiants. ====
 +
 +
Il s’agira alors de préciser collectivement un schéma de fonctionnement précis, peut-être en partant
 +
du fonctionnement proposé par BEDE suite aux expériences des Laboratoires Hors Murs. Cependant, il
 +
est clair pour tous que le fonctionnement de la future BdS ne doit être défini ni par BEDE ni par la MSH,
 +
ni par un bailleur : il ne s’agit pas d’imposer un modèle juridique et/ou de fonctionnement qui
 +
conviendrait à l’un ou à l’autre, cela devra être décidé avec l’accord - ou du moins l’expression - de tous,
 +
à la fin de l’atelier scénario.
 +
 +
Afin cependant de donner une idée de la diversité et de la complexité des activités possibles de la
 +
future BdS, BEDE propose sa vision, (annexe viii), qui sera confrontée aux attentes, besoins et visions
 +
potentiellement différents des autres acteurs. A noter qu’il ne s’agit que d’une structure de
 +
fonctionnement, et non d’une structure juridique qu’il serait présomptueux de poser dès à présent.
 +
 +
===2) La phase transitoire ===
 +
 +
Suite aux décisions prises pendant l’atelier scénario, des actions seront à réaliser par les différents
 +
groupes responsables dans les mois suivant, afin d’arriver à une structure fonctionnelle d’ici la fin de
 +
l’année civile.
 +
 +
===3) Les projets-tests ===
 +
 +
Les projets-tests, dont les modalités de choix seront à préciser pendant l’atelier scénario pourront ainsi
 +
prendre place, dès le début de l’année 2018, après l’atelier-scénario.
 +
La bonne réussite de ces différentes phases passe par une implication forte des participants pendant
 +
l’atelier scénario, mais également à sa suite car c’est eux qui réaliseront les actions décidées
 +
collectivement. C’est pourquoi il est important que l’association BEDE s’assure de la motivation et de
 +
la compatibilité de ses membres et des participants de l’atelier scénario, et c’est pourquoi BEDE
 +
sélectionne pour partie des personnes avec lesquelles elle sait pouvoir collaborer rapidement.
 +
 +
==V] Conclusion ==
 +
 +
Ce stage, malgré sa courte durée, m’a permis d’échanger avec de nombreuses personnes. Les réflexions et
 +
les interactions entre le monde de la recherche et la société qui s’y sont développées m’en ont fait saisir la
 +
complexité, et la nécessaire adaptation de toute co-construction à chaque contexte. En effet, les points de
 +
vue et les attentes des acteurs intéressés sont différents entre les différents groupes (chercheurs,
 +
associations, étudiants) mais aussi au sein même de ces groupes. De plus, chaque projet de co-construction
 +
prend place dans un milieu associatif et institutionnel qui varie, et avec lequel il faut rentrer en interaction
 +
pour le connaitre et pour se faire connaitre.
 +
 +
J’ai également approfondi ma vision du monde associatif, notamment au niveau du rôle des associations
 +
militantes et/ou professionnelles qui n’ont pas les mêmes exigences que les associations étudiantes. Je
 +
n’avais ainsi que peu conscience de l’importance des stratégies, basées sur la compréhension fine du
 +
fonctionnement des institutions et des jeux politiques, qu’elles doivent mettre en place pour faire évoluer
 +
la société vers les valeurs qu’elles défendent. Ainsi, même si ce stage m’a permis de prendre connaissance
 +
de la méthode à utiliser pour mettre en place des dispositifs de type BdS, il m’est maintenant évident que
 +
la mise en place dans un autre contexte de ce genre de dispositif est facilitée par la légitimité du porteur
 +
auprès d’un grand nombre d’acteurs différents.
 +
 +
Je pensais de plus avant d’effectuer ce stage qu’une certaine autonomie financière était envisageable pour
 +
ces recherches collaboratives dont les questions émanant des paysans. J’imaginais ainsi des recherches
 +
autours de problèmes techniques, qui auraient été économes car le paysan y aurait été le technicien et ses
 +
terres les parcelles d’expérimentations. Cette recherche aurait certes pu être co-construite, mais elle
 +
n’aurait pas eu la dimension sociale et politique que revendique une recherche co-construite dans une BdS.
 +
 +
Le modèle de la Boutique des Sciences n’est donc pas celui d’un CETA , ni d’un champ-école, et j’ai au cours
 +
de ces quelques mois compris que ce modèle visait une co-construction de connaissances d’un autre type
 +
que la simple connaissance technique. Bien que ces autres dispositifs de recherches se placent dans un
 +
objectif de changement social, ils se restreignent au changement social grâce au progrès technique, ce qui
 +
me semble maintenant devoir être questionné.
 +
 +
Il s’agit donc pour le chercheur participant à un projet type BdS de dépasser une vision « technico-
 +
économique » du praticien, et d’échanger avec lui sur des problèmes qui ont toujours des facettes sociales
 +
et politiques à considérer en elles-mêmes. La question de l’appellation juridique des semences paysannes
 +
est un exemple fort de l’intérêt des paysans pour ces aspects politiques. Cependant même les demandes
 +
plus techniques, par exemple sur les semis direct de vergers sec, n’ont pas pour fondement unique la
 +
maximisation des profits. Or la compréhension de ces problèmes multi-facettes demande de la part du
 +
chercheur une prise en compte fine du système de réflexion et d’action du praticien, et même le partage de
 +
certaines valeurs. Dans l’autre sens, si le paysan veut se faire paysan-chercheur, le modèle des BdS lui permet
 +
d’approfondir des thèmes qui vont au-delà les aspects techniques agronomiques.
 +
 +
Ce stage m’a ainsi fait comprendre que certaines associations ont envie de se rapprocher du milieu de la
 +
recherche sur des thématiques qui ne sont pas uniquement techniques, et que certains chercheurs au sein
 +
d’un grand nombre de disciplines sont également intéressés pour travailler avec ces associations autour de
 +
questions transversales. L’enjeu des BdS est donc de disposer des appuis financiers et institutionnels qui
 +
permettent la mise en place des outils méthodologiques pour mener à bien ces projets de recherches,
 +
lesquels cherchent à faire évoluer la société de façon concertée grâce à un dialogue entre deux mondes.
 +
<ref>41 Centre d’Etude Technique Agricole, structure généralement associative, dans laquelle un ingénieur ou un technicien, souvent salarié, effectue le suivi scientifique des expérimentations menées à l’initiative et chez les agriculteurs membres du CETA </ref>
 +
 +
==VI] Références bibliographiques et web ==
 +
 +
*Sur les tiers lieux : Olivier Cléach, Valérie Deruelle et Jean-Luc Metzger, « Les “tiers lieux”, des microcultures innovantes ? », Recherches sociologiques et anthropologiques [En ligne], 46-2 | 2015, mis en ligne le 21 avril 2016, consulté le 04 septembre 2017. http://rsa.revues.org/1526 https://fr.wikipedia.org/wiki/Tiers-lieu#Diff.C3.A9rents_types_de_tiers-lieux
 +
 +
*Sur la recherche action associative : « L’accompagnateur chercheur engagé » Dominique Cottereau, « Recherches-actions associatives : Le praticien réflexif ou la recherche sans « chercheur » », Éducation relative à l'environnement [En ligne], Volume 13 - 1 | 2016, mis en ligne le 13 mars 2017, consulté le 04 septembre 2017. http://ere.revues.org/302
 +
 +
*Sur la “Community-based participatory research” : https://www.rri-tools.eu/how-to-stk-csos-co-create-community-based-participatory-research. «a partnership approach to research that equitably involves, for example, community members, organizational representatives, and researchers in all aspects of the research process and in which all partners contribute expertise and share decision making and ownership» (projet européen RRI Tools, 7 PCRD) https://en.wikipedia.org/wiki/Community-based_participatory_research
 +
 +
*Sur des « paysans-chercheurs » qui peuvent être très orientés vers les aspects agronomiques et techniques : https://www.dailymotion.com/video/xphexh
 +
 +
====Sur les boutiques des sciences dans les pays du sud : ====
 +
 +
*Florence Piron, Les boutiques des sciences et des savoirs, au croisement entre université et développement local durable : https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/chapter/les-boutiques-des-sciences-et-des-savoirs-au-croisement-entre-universite-et-developpement-local-durable/
  
<br/>
+
*« La recherche participative exemples de programmes publics », Sciences Citoyennes, 2011. http://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2012/12/Recherche-participative.pdf
 +
 +
*« Les boutiques de sciences comme outils pour les sciences en société », Bertrand BOCQUET, http://culture.univ-lille1.fr/fileadmin/lna/lna62/lna62p24.pdf
 +
 +
*« Promouvoir la recherche participative », François Veillerette et Christian Vélot, 2017. https://sciences-critiques.fr/promouvoir-la-recherche-participative/
 +
 +
*Rapport Houiller (INRA) sur les sciences participatives : http://www.sciences-participatives.com/Rapport
 +
 +
*« Pour une intelligence publique des sciences » revue Alliage, Isabelle Stengers, 2011. http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3239
 +
 
 +
 
 +
:---
 +
<small>''<references/>''</small>

Version actuelle en date du 17 juin 2019 à 08:34


Ce projet est celui d'une boutique des sciences où la société civile puisse questionner sa "recherche citoyenne", tant - selon l'évaluation des Académies des Sciences - "hors murs" que "participative", dans son souci d'une augmentation multi-cohérente de sa sapîence [1] humanumérique et éthitechnique commune de la multitude des "sapiens plus machina", et son application à l'étude de la capacitation technosociétale personnelle de chacun.
  1. Cette exploration réclame une extension terminologique introduite à son Glossaire.



Rapport de stage

La Boutique des Sciences en Occitanie
Un dispositif de recherche par et pour la société civile

par Antoine Malivel

Mémoire préparé sous la direction de Pascale Moity-Maïzi

Maitre de stage : Robert Ali Brac de la Perrière

Ce rapport rend compte du stage de deux mois que j’ai réalisé dans le cadre de ma deuxième année d’école d’ingénieur SAADS. J’y détaille le contexte de la recherche collaborative et l’historique du projet d’une Boutique des Sciences en Occitanie, porté par l’association BEDE. J’y précise ensuite comment l’enquête dite « de préfiguration » puis les ateliers de présentation ont été menés auprès des différents acteurs concernés. Je rends ensuite compte des résultats obtenus par cette enquête, ainsi que des échanges ayant eu lieu pendant les ateliers de présentations, en les analysants. Pour finir, j’ouvre sur le déroulement prévu des ateliers de co-construction de la structure entre les acteurs intéressés, et les perspectives d’évolution de ce dispositif.


Sommaire


Une Boutique des Sciences

C’est un dispositif non-lucratif de recherche collaborative, qui permet aux associations, éventuels groupements d'agriculteurs, ou autres collectifs citoyens de s'adresser à des chercheurs pour identifier ensemble des réponses à leurs questionnements. De ces demandes citoyennes découlent des projets co-construits entre la société civile et le monde de la recherche. (BEDE 2017)

C’est donc un support de recherches indépendant et participatif, permettant de répondre aux préoccupations de la société civile. Le terme « Boutique », assez marchand, est le résultat d'une regrettable traduction de l'anglais « Shop », qui pourrait aussi se traduire par « Atelier », ou encore « Fabrique ». De telles structures existent déjà à Lyon, Lille, et ailleurs en Europe et dans le monde. Une description plus complète de leur fonctionnement général et du rôle des différents acteurs est détaillée en annexe, dans le « Livret de présentation ».

L’association BEDE

L’association « Biodiversité, Echanges et Diffusion d’Expériences » (bede-asso.org) est une association de solidarité internationale créée en 1994. Elle a depuis son origine pris en charge des questions de préservation de la biodiversité cultivée, de promotion des savoirs et des agricultures paysannes pour une gestion respectueuse du vivant. Dans cette optique, BEDE est donc aussi une des associations qui a fondé en 2003 le Réseau Semences Paysannes (semencespaysannes.org), lequel comprend 23 associations membres en Occitanie, qui militent pour la promotion et la défense de la biodiversité cultivée et des savoir-faire associés.

Le projet de Boutique des Sciences porté par cette association est conçu comme un prolongement des « laboratoires hors murs », qu’elle a initiés et animés avec différentes unités de recherche entre 2013 et 2015 dans le cadre du projet de recherche-action OUTDOORS financé par Agropolis Fondation. Ces laboratoires ont permis de co-définir entre chercheurs et paysans des programmes de recherche adaptés aux besoins d’associations paysannes en Algérie, au Bénin et en France, mais ont également mis en évidence des manques de lieux d’échanges et de financements durables pour leur pérennisation. C’est pour répondre à ces problèmes que l’association BEDE a proposé de mettre en place, avec tous les acteurs intéressés en Occitanie, une Boutique des Sciences qui s’intéresserait principalement aux thématiques de l’agriculture, de la biodiversité et de l’alimentation.

Je tiens également à remercier Glen Millot, de l’association Sciences Citoyennes (sciencescitoyennes.org) qui a aussi participé à la correction de ce rapport et m’a permis de mieux comprendre ce milieu compliqué qu’est la recherche militante. Merci aussi à Mathieu Thomas, dont le point de vue détaillé m’a aidé à parfaire ce mémoire, et à l’équipe de BEDE : Christine, Carole et Audrey qui m’ont joyeusement accueilli aux bureaux de cette petite mais très dynamique association. Et merci évidemment à Pascale et à Bob, qui m’ont suivi et encadré avec attention pendant ces deux mois !

Liste des acronymes :

ALLISS : ALLiance Sciences-Société (alliss.org) est une association partenaire de la MSH-SUD qui cherche à promouvoir les coopérations entre recherche, acteurs sociaux et acteurs économiques et à produire des recommandations pour les puissances publiques basées sur ces expériences de coopération.

  • BdS : Boutique des Sciences
  • OSC : Organisations de la Société Civile (à but non-lucratif) : syndicats, collectifs, associations, ONG, collectifs d'habitants, ainsi que les mouvements et organisations qui de manière libre et distanciée à l’égard du marché et des institutions, développent une lecture critique de la société et se mobilisent pour la transformer.
  • CSTI : Culture Scientifique Technique et Industrielle. Les CCSTI sont ainsi les Centres de Culture Scientifique Technique et Industrielle
  • COMUE : Communauté d'Universités et Établissements, présent dans les différentes régions.

MSH-SUD : Maison des Sciences de l’Homme, Sciences Unies pour un autre Développement (mshsud.org), est une fédération de recherche, membre de la COMUE du Languedoc-Roussillon. Elle regroupe notamment l'INSHS (Institut national des sciences humaines et sociales), les Universités de Montpellier (UM et UPVM3), l’IRD (Institut pour la Recherche et le Développement), Montpellier SupAgro et beaucoup d’autres établissements de recherche. Cet organisme entend favoriser et accompagner des dynamiques porteuses de propositions alternatives et innovantes au sein du monde universitaire. Il est ainsi ouvert aux chercheurs de toutes les disciplines.

I] Contexte d’une recherche en lien avec la société en Europe, en France et en Occitanie.

Les projets de recherche qui cherchent à se mettre en lien direct avec la société sont de plus en plus fréquents dans le monde scientifique et suivent des méthodologies multiples, fondées sur des conceptions différentes des interactions sciences-société. Pour simplifier les débats sur ces différents types de recherches, nous détaillerons dans cette introduction la vision de la recherche en partant du point de vue de l’association BEDE, qui regroupe les différents types de projets autour de trois formes principales :

  • Les projets de « sciences participatives », qui renvoient plutôt à l’idée d’une aide apportée par

des citoyens à la science (amateurs volontaires, amateurs éclairés, spécialistes à la retraite, etc.). Les citoyens volontaires peuvent ainsi – en respectant un protocole préparé ou validé par des scientifiques - effectuer des observations, des mesures, des échantillonnages ou comptages et transmettre ces données (brutes ou pré-traitées) afin qu’elles soient traitées et analysées par les scientifiques (source). Ces projets sont alors définis comme relevant d’une science participative et non de recherche participative, car les citoyens ne sont impliqués dans le processus qu’au niveau de la collecte de données scientifiques et non dans la réflexion sur l’objectif de la recherche.

  • Les projets de recherche conventionnelle, qui sont des projets dans lesquels les chercheurs

déclarent de plus en plus souvent prendre en compte le point de vue des acteurs, en développant des formes de participation des acteurs à certaines étapes de la recherche. Ils ne mettent cependant pas en pratique les méthodes pour co-concevoir ou travailler ensemble aux questions de recherche elles-mêmes, qui restent définies par des chercheurs sans réflexion en lien avec les praticiens. Ces recherches aboutissent ainsi à des publications scientifiques qui ne sont que rarement restituées aux acteurs du terrain et qui ne répondent pas forcément à leurs attentes. Les citoyens et leurs interactions avec leur milieu y sont souvent les objets d’étude, à la différence des projets de sciences participatives qui font davantage intervenir le citoyen comme un « technicien », par exemple pour des comptages d’insectes par des entomologistes amateurs. Sont emblématiques de ce type de projet les diagnostics de type MARP : Méthode Accélérée de Recherche Participative. Le problème que les chercheurs se proposent d’étudier est abordé à travers un diagnostic déjà orienté, étudiant par exemple les causes des limitations de rendements à partir d’indicateurs produits par des scientifiques et sans être ouverts aux autres indicateurs ou problèmes des agriculteurs.

  • Les projets de recherche « coopérative » ou « collaborative » plébiscités par BEDE et ses

partenaires, prennent en compte tous les points de vues et compétences : la définition du problème (définition des hypothèses de recherche, méthodologie) est précisée entre tous les acteurs au cours d’échanges. Parfois initiées par la société civile, ces recherches exigent que les chercheurs travaillent en lien étroit avec les acteurs, parfois considérés comme co- chercheurs, ou désignés par le terme de « tiers-secteur scientifique ». Dans ce type de recherche l’évaluation de l’impact de la recherche est également un aspect important (quoique pas systématique), car en lien avec une réflexion sur le rôle de la science. L’utilisation et la construction d’un langage commun entre tous les acteurs (et non la « vulgarisation ») est particulièrement important pour mener à bien ce type de recherche. Les produits de ces recherches sont en général objets de publications validées ou co-signées par les différents partenaires.

Les trois grands types de recherche ainsi définis sont relativement caricaturaux dans la mesure au moins où les définitions même de la participation ne sont pas communément admises, non stabilisées, renvoient à des écoles de pensée différentes, etc… Ainsi par exemple, la différence entre « science participative » et « recherche participative » telle que retenue ici n’est pas utilisée de la même façon par tous. Il s’agit ici de donner simplement un cadre de référence du contexte d’émergence d’une Boutique des Sciences, à partir du point de vue de l’association BEDE et de ses principaux partenaires scientifiques.

Lipinski et Larqué, membres de l’association ALLISS, distinguent d’une façon un peu similaire trois types de liens sciences-société : sciences participatives, collaboratives ou citoyennes, selon que le programme de recherche et la création de connaissance sont pilotés par le chercheur, par les deux bords, ou par l’association citoyenne.

1) Les Boutiques des Sciences en Europe

Le modèle des Boutiques des Sciences (BdS) est historiquement une des premières initiatives ayant eu pour objectif de rapprocher la recherche scientifique de la société civile. Aujourd’hui environ une centaine de BdS sont en activité dans environ 27 pays du monde, principalement en Europe.

Les Boutiques des Sciences sont apparues en 1973 aux Pays-Bas, portées par des syndicats d'étudiants en chimie et des enseignants, avec pour objectif de faire remonter les questions des citoyens sur les conséquences possibles des découvertes scientifiques, dans un contexte de financiarisation de la recherche déjà fortement critiqué . Ce modèle a ensuite essaimé en Europe au sein des universités, et la France comptait ainsi en 1980 seize boutiques de sciences, regroupées au sein de la « Fédération Nationale des Boutiques de Sciences et Assimilés », aujourd’hui disparue.

Dans les années 90-2000, ces structures ont rencontré des difficultés. En France, leur disparition a été le fait d’une réorientation des financements de l’Etat vers des dispositifs de « culture scientifique, technique et industrielle» (CSTI, cf p.11). Elles n’ont cependant pas disparu aux Pays-Bas, qui comptent aujourd’hui 40 BdS, lesquelles mènent chaque année plusieurs milliers de programmes de recherches, autour de thématiques liées aux problèmes environnementaux, à la santé, à l’éducation, aux conditions de travail, au droit, à la demande de services sociaux, autour du développement des communes, des problèmes du tiers monde etc…

Le réseau « Living Knowledge »

Depuis les années 2000 et suite à de nombreux projets sous financements européens, une réapparition des boutiques des sciences a pu être observée dans les pays où elles avaient disparu. Ces structures, restées assez marginales et ayant souvent risqué la fermeture faute de reconnaissance et de financements stables, semblent actuellement être dans une nouvelle dynamique. La création en 2005 du réseau « Living Knowledge », financé par l'Union Européenne, a permis la mise en relation des [1] [2] différentes Boutiques des Sciences européennes. Preuve de l’intérêt de l’Europe pour ces dispositifs, différents programmes ont financé des initiatives de Boutiques de Sciences de façon quasi ininterrompue, avec une vision de long terme (s’étalant jusqu’en 2021). Il faut cependant souligner que les aides européennes n’ont pas vocation à financer de façon durable les BdS, mais les aident à démarrer avant qu’elles trouvent des financements locaux. L’implantation durable des BdS dans les territoires est ainsi dépendante du contexte politique et institutionnel local, c’est pourquoi l’avenir de ces structures reste encore incertain.

En Europe le réseau « living knowledge » est fortement soutenu depuis ses débuts par des financements européens, d’abord pour produire une réflexion et une formalisation des BdS (sans chercher forcément à les standardiser), ensuite pour préciser les lignes directrices des futures politiques de financements de ce type de dispositif.

L'économie européenne de la connaissance

Le réseau « Living Knowledge » est ainsi financé au niveau européen car les BdS sont considérées comme des dispositifs relevant de « l'économie de la connaissance », autour de laquelle le Conseil Européen de Lisbonne a décidé d'axer la politique économique de l'Europe en 2000. La théorisation de l'économie de la connaissance, ou capitalisme cognitif, découle de l'importance grandissante de la connaissance et de la technologie dans les économies modernes. Cette théorie pose ainsi le savoir comme un moteur de productivité et de croissance économique, et cherche entre autre à créer un marché de la connaissance dans lequel toutes les connaissances sont brevetables. Ces brevets correspondent ainsi à des « parts du marché de la connaissance », qui permettent le profit des entreprises industrielles qui en possèdent la propriété exclusive.

Des critiques font cependant remarquer qu'il s'agit d'une aliénation de ce bien commun qu'était jusqu'alors la connaissance . D'autres critiques portent également sur le fait de transformer l'école, la connaissance, la culture et les relations sociales en moyens au service de la croissance de l'économie ; ou encore sur le fait que la croissance prétendument infinie de cette « économie de la connaissance» reste limitée par les ressources matérielles finies .

Le soutient de l’UE aux BdS est donc « à double tranchant » : sa logique de fond sert avant tout les intérêts des industries, de la croissance économique, à travers notamment la « valorisation » par des brevets, des connaissances et innovations co-produites entre chercheurs et acteurs non scientifiques. Mais en retour ces soutiens européens ne conditionnent pas les dotations financières à certaines méthodologies ou à certains résultats (nombre de brevets attendus par exemple) que devraient développer les BdS.

Ils constituent donc des instruments que certaines universités et/ou associations peuvent mobiliser librement pour d’une part développer leurs propres conceptions des enjeux et des processus de co- production de savoirs ou d’innovations, d’autre part défendre à travers eux des transformations des [3]

[4] [5]

Sur la société de la connaissance voir oecd.org/fr/sti/sci-tech/leconomiefondeesurlesavoir.htm, sur la vision de la société de la connaissance par l'OCDE, et mots.revues.org/14263, une analyse critique de la vision européenne de la société de connaissance

relations Science-société et des alternatives aux modèles industriels et capitalistes (de l’agriculture, de la santé, etc). C’est dans cette « brèche ouverte » que s’insèrent les projets de BdS portés par certains collectifs en France et notamment celui de BEDE.

2) Les Boutiques des Sciences en France

En France, le renouveau des BdS s’est concrétisé par la courte mais significative expérience de la BdS de Cachan en 2005, qui a précédé l’apparition de celles de Grenoble en 2011, Lyon en 2013 et Lille en 2015. Les boutiques existantes se sont rassemblées en 2015 dans un réseau francophone à l’intérieur du réseau européen.

Je m’attacherai principalement ici à décrire la création, le mode d’hébergement et les sources de financements des différentes BdS françaises, leur fonctionnement sera détaillé plus en avant dans la synthèse des exposés de l’atelier de présentation (cf p.19).

Les Boutiques des Sciences précurseurs

Le renouveau des Boutiques des Sciences française a eu lieu en 2005, avec la naissance de la boutique de Cachan. Cette boutique, à l’initiative d’étudiants, a ainsi permis de développer 2 études bibliographiques (sur l’évolution de la biodiversité des blés et les outils de détections des plantes OGM). D’autres demandes de la société civile ont été formulées mais faute de renouvellement des étudiants porteurs et d’une absence de reconnaissance par l’administration cette boutique est à l’arrêt depuis 2008.

« l’Echop’à Sciences » de Grenoble en 2011, basée sur un fonctionnement et des financements associatifs, peut également être considérée comme une des BdS précurseur. Le projet, porté par des chercheurs impliqués dans la vie associative, ne correspondait cependant pas à la politique de l'université de Grenoble. Il leur a ainsi été impossible de pérenniser l'activité de la boutique, qui s’est arrêtée en 2013 malgré un engagement important des membres.

La boutique des Sciences de Lyon

Fortement soutenue par les financements de différents projets européens, une étude de préfiguration de deux ans (2010-2011) à l’initiative du directeur de la COMUE financée par le projet européen PERARES, a permis de préciser les chercheurs et associations intéressées et de faire connaitre le projet de BdS-Lyon, puis de co-construire un premier projet pilote de recherche de 18 mois, sur les problèmes de pollution d'un cours d'eau à côté d'un jardin ouvrier, à la demande de et en partenariat avec des associations de jardiniers et d’environnementalistes. Ce projet a également été appuyé par la région et a permis de poser des bases de fonctionnement, d’identifier de bonnes pratiques et des points de vigilance pour le dispositif ainsi créé.

En termes de budget le PALSE (Programme d'Avenir Lyon St Etienne) a financé le lancement de cette BDS. Le dispositif est par ailleurs inscrit dans le projet d’IDEX (Initiatives D’EXcellence, projet faisant partie du programme de financement national dit « investissements d’avenir »), lauréat en mai 2017, ce qui garantit son financement pour encore au moins 4 ans et donc une certaine pérennité.

La Boutiques des Sciences de Lyon est ainsi fortement intégrée dans la COMUE, (structure issue du regroupement des universités de Lyon et de St-Etienne), hébergée au sein du Service « culture, sciences et société » de l’université, d’où des financements stables et conséquents, ainsi qu’une visibilité et une garantie pour les appels à projets.

[6]

La boutique des sciences de Lille :

La Boutique des Sciences de Lille fonctionne depuis 2015. Elle s’est constituée à l’initiative de 6 chercheurs issus de disciplines différentes, à la suite de la constitution en 2012 d’un groupement temporaire de recherche « CiTé », qui visait à favoriser les interactions sciences-société. Le comité de pilotage, qui a porté l’enquête de préfiguration à la suite de la proposition de ce groupement de recherche, était constitué de chercheurs en sociologie et en physique, d’un ingénieur de recherche en physique, de deux étudiants, et d’un membre d’une association. Cette préfiguration, commencée en octobre 2013, a été financée par la Région et par la communauté urbaine de Lille, elle a duré un peu plus d’un an.

La préfiguration et la création de cette Boutique se sont ainsi faites en trois temps :

  • Une première phase de bibliographie et d’enquête sur d’autres BdS, a permis de mettre en évidence un intérêt fort des chercheurs et des étudiants pour un renouveau des méthodes de recherche. Une seconde phase de diffusion des résultats de l’enquête a permis d’informer puis d’affiner les attentes des différents groupes d’acteurs à travers des ateliers de réflexions restitués en plénière (50 participants). Cette phase a également permis d’identifier 20 personnes particulièrement motivées pour participer à la phase de « l’atelier scénario ».
  • La troisième phase a donc été consacrée à la réalisation de cet atelier scénario, en deux sessions réparties sur deux soirées de réflexion approfondie sur le dispositif. Ces deux sessions ont eu lieu de 18h-21h afin de s’adapter aux contraintes des participants, et un buffet était également offert. Suite aux discussions, il a été décidé (et possible) de faire héberger cette BdS au sein de la COMUE de Lille. Elle dispose de locaux mis à disposition par un organisme équivalent à la MSH de Montpellier, qui fait ainsi partie de la COMUE. Elle a menée 2 projets pilotes en 2015-2016, et deux autres en cours pour 2016-2017. Suite à une alternance politique, une partie des financements a été supprimée. Cette réduction du budget a donc mis en veille le fonctionnement de la BdS, un demi-salaire est toujours assuré, mais la possibilité de financer les projets de recherches sur des fonds propres a disparue. Des projets de recherche sont ainsi en attente de financements.

3) Les autres dispositifs de recherches collaboratives académique en France

Les boutiques des Sciences ne sont pas les seuls dispositifs qui veulent rapprocher le monde de la recherche et la société civile. Nous détaillerons ici quelques-uns des dispositifs de financement passés ou présent au sein des territoires français, et nous expliciterons les différences qui existent entre les BdS et ces autres « tiers-lieux scientifiques » tels que les fab-labs ou living-labs.

Les bourses de financement à destination du Tiers-secteur scientifique « Le Tiers-Secteur Scientifique est constitué d’initiatives de la société civile dans lesquelles des citoyens lambda, des militants associatifs ou syndicaux, des usagers et des praticiens construisent collectivement des connaissances qui leur sont nécessaires pour atteindre leurs objectifs citoyens. Il comporte cependant une grande diversité de structures, d’objectifs, de moyens et de pratiques. »

Les appels à projets régionaux :

En Ile-de-France le Conseil régional a porté les PICRI (Partenariats Institutions-Citoyens pour la Recherche et l’Innovation), entre 2005 et 2015. Ils développaient des projets assez proches de ceux [7]

portés par les BdS, avec cependant une orientation forte vers les doctorants et post-doctorants et des budgets à compléter avec d’autres sources de financements, souvent sans mise à disposition d’animateurs salariés pour faire le lien entre société civile et chercheurs. Dans le Nord-Pas de Calais c’est un « programme Chercheurs Citoyens » assez proche d’un PICRI qui a été mené par le Conseil régional entre 2010 et 2016, mais qui n’a apparemment pas été renouvelé en 2017 pour des raisons inconnues.

En Bretagne le « programme de recherche pour l’Appropriation SOCiale des Sciences » (ASOCS) porté par le Conseil Régional a été créé en 2008, et a été en lien en 2011 et 2012 avec la tentative de création du « PERISCOPE » : Plateforme d'Échanges et de Recherches Interdisciplinaires entre Science et Société Civile Organisée pour le Pilotage et l'élaboration de l'Expertise. Les dernières nouvelles en ligne de ce programme de recherche datent de 2014.

En Auvergne, le Pôle « Recherche, Enseignement supérieur et Innovation » du Conseil régional a lancé en 2012 un appel à projets grâce auquel deux projets ont été financés pour les années 2013 -2014. En 2017 il ne semble pas que ce type d’appel à projet à destination des associations existe encore.10 Les Conseils régionaux ont en fait initié et expérimenté des formes de financements à destination de partenariats entre société civile et monde de la recherche, mais ces financements sont instables, et il n’en existe actuellement plus. Malgré un investissement initial11, il semblerait que l’effet de mode soit retombé.

Les PSDR (Pour et Sur le Développement Régional)

Ce sont des projets de recherches portés par l’INRA et les Régions, issus d’une dynamique continue depuis 1993. Visant le développement territorial de l’agriculture, de l’agro-alimentaire ainsi que l’aménagement de l’espace et autres dynamiques rurales, les recherches sous label PSDR (5AO conjoint INRA/Région) sont pluri ou inter disciplinaires, impliquant des chercheurs des Sciences Humaines et Sociales autant que des Sciences biotechniques aux côtés d’acteurs de la société civile liés au monde agricole. L’accent est ainsi mis sur les relations entre partenaires scientifiques et de terrain dans la co- construction de recherches en lien avec le réel.12

Il s’agit néanmoins d’un dispositif national essentiellement piloté par les centres INRA, puis décliné par régions, chacune imposant par ailleurs ses normes spécifiques de gestion et de partenariat. Des conflits institutionnels dont je n’ai pas réussi à saisir la nature ont cependant mis fin aux programmes PSDR en Languedoc Roussillon.

Les bourses CIFRE : Conventions Industrielles de Formation par la REcherche

Ce sont certainement les dispositifs qui aboutissent au plus grand nombre de projets parmi ceux qui ont été présenté ici. Initialement destinés aux entreprises, ce sont des subventions qui financent environ la moitié du coût d’embauche d’un doctorant, pour des projets de recherche de trois ans mettant en lien l’entreprise, un laboratoire de recherche et le doctorant autour d’un projet de recherche objet de sa thèse défini par l’entreprise. Ces bourses permettent donc des collaborations de [8]

[9] [10] [11] [12]

recherche entre entreprises ou associations et laboratoires publics, mais la deuxième moitié de chaque bourse doit être financée par des fonds propres ou à travers un appel à projet.

En 2016 seuls 4% des bourses CIFRE ont été allouées à des associations ou à des collectivités13. Le partenariat entre l’AVEM et l’INRA dans le millavois par exemple, a fait appel à ce genre de dispositif.

Les tiers-lieux scientifiques et techniques

Nous retiendrons ici la définition proposée sur le wiki du Movilab, un dispositif d'incubation de « modes de vie durables » né en 2010 d'un appel à projet du ministère de l'écologie. Les « Tiers Lieux » y sont définis comme des « espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes et compétences variées qui n'ont pas forcément vocation à se croiser. »14

En ce sens, Living-labs, Fab-labs et Boutique des Sciences sont des tiers-lieux que nous appelons « scientifiques et techniques », à la différence des tiers-lieux de « co-action », plus souvent désignés comme des espaces de coworking, sur des projets d’habitation collective ou encore de jardinage communautaire.

Les Living-labs et la CSTI

« Un Living-lab est un écosystème d’innovation porté par les usagers, qui engage et motive toutes les parties prenantes, stimule le co-design et la co-création de technologies, de produits, de services, créé de nouveaux marchés et permet la transformation des comportements. »15.

Issu d’un partenariat Public-Privé-Population16, le Living-lab cherche donc à tester ou développer des services, des outils ou des usages nouveaux en faisant interagir ces trois mondes. Dans ce contexte l’usager est considéré comme l’acteur central de l’innovation, en tant que co-créateur et utilisateur. Son implication permet de favoriser l’alignement de l’offre sur la demande en terme qualitatif, de développer l’acceptabilité sociale des avancées technologiques17 et de lui permettre de « designer et d’expérimenter son propre futur »18

Même si certains déclarent que ce dispositif « permet à une population d'influer sur les évolutions de notre société et d'en appréhender les enjeux sociaux, technologiques et économiques»19 les objectifs par ailleurs affichés de « transformation des comportements », « d’acceptabilité sociale », et une orientation vers le développement de produits ou de services au profit essentiellement des entreprises, différentient fortement les Living-labs des BdS du moins en France,, puisque ces dernières sont avant tout maintenant des structures destinées à co-produire des connaissances pour et avec des organisations sociales et sans but lucratif.

De plus, les acteurs de la CSTI se rapprochent aujourd’hui des Living-labs dans un objectif de médiation scientifique20 et il faut rappeler qu'en France les BdS sont historiquement opposées au concept de CSTI (Culture Scientifique, Technique et Industrielle), les financements initialement alloués aux BdS ayant été réorienté vers les CCSTI (Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle) dans les années [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20]

80. La stratégie nationale sur la CSTI a ainsi pour objectif d'« éclairer les citoyen(ne)s et leur donner les moyens de renforcer leur curiosité, leur ouverture d'esprit, leur esprit critique, et de lutter contre le prêt-à-penser, grâce aux acquis de la science et au partage de la démarche scientifique »21. Les CCSTI sont donc les lieux de vulgarisation du savoir scientifique auprès des citoyens les plus éloignés de la science et de la culture.

Ainsi, tandis que les CCSTI diffusent une culture scientifique et industrielle (en évitant d’aborder les sujets des technosciences : OGM et brevetabilité du vivant, clonage, nanotechnologies, biologie synthétique ; ou les controverses liées aux risques sanitaires, environnementaux, éthiques ou sociétaux d’innovations scientifiques), les BdS ne refusent pas de travailler avec des associations qui posent précisément ces questions (identification des cultures OGM par la BdS de Cachan, propriété collective de semences locales par la BdS de Lyon, par exemple). Les BdS ont d’ailleurs historiquement été créées par des citoyens, chercheurs et étudiants pour soulever ces questions d’impacts des innovations scientifiques sur la société, tandis que les CCSTI ont été créés en sens inverse comme des « outils d'adéquation rapides des sociétés en mutation aux contraintes de l'évolution technologique moderne »22

Enfin, si les BdS cherchent à co-définir de façon scientifique des problèmes sociétaux grâce à des échanges entre membres de la BdS (incluant toujours des collectifs citoyens) puis à les résoudre ensemble, les Living-labs visent à co-concevoir des produits ou des services à travers des interactions avec des usagers intéressés, en utilisant des outils majoritairement numériques, pour des projets à l’initiative d’entreprises ou de collectivités territoriales.

Les fab-labs et makerspace

Les fabs-labs et les Makerspaces sont des lieux physiques. Leur but est de permettre un travail en commun autour de machines, d‘outils de programmation, ou parfois de processus industriels, et visent l’échange de connaissances à travers la formation entre pairs. Les fab-labs se différencient des Makerspaces par le fait qu’ils adhèrent à une charte rédigée par le MIT (Massachusetts Institute of Technology, prestigieuse université et institut de recherche américain), qui met en avant l’obligation d’une part de partager les connaissances entre tous les Fab-labs signataires, et d’autre part d’ouvrir ces espaces au public.

Ces « lieux » permettent essentiellement à des citoyens d’échanger entre eux et de monter ensemble des projets d’ingénierie. Ces projets ne demandent pas de « recherche » au sens scientifique du terme mais cherchent à prototyper et à créer des objets manufacturés. Ce sont ainsi des lieux qui visent la réappropriation des connaissances techniques par les citoyens, mais pas nécessairement la réappropriation du processus de recherche scientifique en amont de ces connaissances techniques. De plus, ce ne sont pas des lieux qui cherchent à mettre en contact le monde de la recherche scientifique et la société civile, car les ressources des autres fab-labs et de façon plus générale les ressources en ligne y sont considérées comme la source principale de connaissances extérieures à partager.

Les spécificités des boutiques des Sciences

En France les relations entre Sciences et Société sont donc souvent articulées autour de la diffusion des savoirs par les savants en direction des profanes à travers les CCSTI. Or, d’une part les savoirs sont multiples et peuvent également provenir de la société, et d’autre part la société peut avoir des demandes précises sans que la communauté scientifique puisse y apporter une réponse immédiate. [21] [22]

C’est pourquoi les boutiques des Sciences sont avant tout pensées comme des espaces de dialogues et d’échanges entre chercheurs et membres de la société civile, mais elles sont aussi censées offrir des facilités d’accès à des financements qui permettent de conduire des projets de recherche collaborative à l’initiative de la société civile. Cette complémentarité de l’encadrement matériel et financier autour des projets de recherche est également associée à la mobilisation de méthodes facilitant la formulation des problèmes. C’est donc ce triple encadrement matériel, financier et méthodologique, qui permet la réalisation d’une recherche collaborative répondant aux attentes des OSC comme aux exigences des chercheurs.

Cela ne signifie pas qu’il est impossible pour des chercheurs et des OSC de s’entendre hors du cadre d’une BdS sur une méthodologie adaptée prenant en compte les besoins de tous. Cependant, dans un objectif de « réplication » de ces principes et postures encore assez marginaux, il est utile qu’un réseau capitalise et réinvestisse les connaissances accumulées au cours des différents projets de recherche collaborative ; d’où l’intérêt d’un réseau européen de BdS. Plus largement, les BdS et l’association Sciences Citoyennes cherchent à faire évoluer les mentalités, les politiques et les institutions d’encadrement et de financement de la science23, en montrant que la co-construction de projets entre recherche et société civile n’aboutit pas à de la « mauvaise science »24.

Le dialogue sciences-société en ce sens est ainsi plus difficile que ce que laissent croire les objectifs affichés des diverses institutions et programmes de financements qui «reposent sur une collaboration étroite entre laboratoires de recherche publics et organisations issues de la société civile dans toutes leurs diversités»25, mais qui ne précisent pas les détails de cette collaboration. Du côté des autres tiers lieux scientifiques, cet objectif de dialogue entre les différentes parties de la société n’est pas prioritaire, et le risque d’entre soi dans le milieu des fab-labs a déjà été critiqué, car malgré une exigence d’ouverture, ne rentrent dans le fab-lab ou le living-lab que ceux qui sont disponibles et intéressés par la démarche. L’accent mis sur la co-création, souvent autour de projets liés aux technologies informatiques, pose en réalité la question de qui participe à cette co-création et avec quels objectifs. Les Boutiques des Sciences rencontrent évidemment le même problème de disponibilité et d’intérêt des publics, mais les chartes des différentes BdS mettent cependant un accent clair sur l’objectif d’amélioration des conditions de vie des participants, et sur l’importance de s’adresser de façon spécifique au monde rural ou défavorisé. Les thématiques d’études au sein des BdS sont ainsi d’un autre ordre que celles des fab ou living-labs, principalement autour de questions environnementales ou sociales, et plus rarement autour de questions technologiques.

De plus les BdS, en cherchant à mettre en relation le monde de la recherche et la société civile, affrontent concrètement 3 problèmes récurrents : langages, rythmes d’actions et exigences de validation des connaissances, qui différent entre ces deux mondes. Répondre à ces problèmes exige une volonté forte de partage entre les différents acteurs mais surtout une méthodologie explicite, afin d’obtenir des échanges réellement constructifs. La garantie que chaque acteur trouve un intérêt dans les résultats de la recherche co-construite est indispensable pour l’investissement de chacun. [23] [24] [25]

4) Les « laboratoires hors murs » et l’émergence d’un projet de Boutique des Sciences co-porté par BEDE et la MSH-SUD en Occitanie.

L’idée d’une BdS en Occitanie est issue à la fois des expériences de partenariats entre la recherche et les paysans suivis par l’association BEDE et d’une volonté de différents acteurs locaux à Montpellier de mettre en place un dispositif innovant articulant étroitement et concrètement Sciences et Société.

Les « Laboratoires Hors Murs pour l’agrobiodiversité »

Dans le cadre d’un projet monté en partenariat avec l’UMR INNOVATION et l’UMR CEFE, BEDE a initié et coordonné, entre 2013 et 2015, un programme de recherche financé par Agropolis Fondation26 visant à construire sur le terrain des collaborations entre le monde agricole et la recherche grâce à un dispositif appelé « laboratoire hors murs ». Ces collaborations ont permis de faire émerger en France, mais aussi au Bénin et en Algérie, les questions des praticiens et des représentants d’organisations paysannes locales autour de l’agrobiodiversité. Ces questions ont pu être discutées avec des chercheurs d’universités nationales proches géographiquement ou thématiquement des communautés paysannes (d’où émanaient ces questions), et reformulées entre paysans et chercheurs afin d’aboutir à des projets de recherche co-construits.

Ces derniers ont permis entre autres de trouver des pistes de solutions de lutte agroécologique contre des ravageurs du haricot niébé, d’entretenir la biodiversité cultivée au sein des vergers de figuiers et de dattiers en Algérie, par exemple. Dans ce cadre BEDE a également travaillé avec l’association des Semeurs du Lodévois-Larzac et l'Association Vétérinaires et Éleveurs du Millavois sur la question de la démocratisation de la recherche et des formes que peuvent prendre les partenariats entre chercheurs et associations.

Des documents de synthèse en matière de démarches collaboratives en agrobiodiversité ont également été rédigés, mais tous les projets de recherche-action co-construits n’ont pu être menés à terme par manque de financements pérennes.

Ce programme a pris place en même temps que le projet DARE27 (Democratizing Agricultural Research in Europe) également porté par BEDE, qui entre 2013 et 2015 a permis l’organisation de 4 rencontres constituant un premier réseau européen multi-acteurs (paysans, activistes, chercheurs) permettant l’échange d’expériences sur l’innovation paysanne et la recherche collaborative en agriculture en Europe.

Il s’agissait là d’une première étape d’un processus visant d’abord à réfléchir à une méthodologie, puis à intégrer les différents acteurs de ces collaborations au sein de projets de recherche-action pérennes, développant une gestion dynamique et une meilleure valorisation de la biodiversité agricole. Ces deux ans d’expérimentation des « Laboratoires Hors Murs » ont ainsi ouvert de nombreuses pistes de recherches mais ont également fait surgir le manque crucial d’un maillon : un cadre de concertation permanent où les agriculteurs puissent échanger de manière régulière avec un panel de chercheurs autour de leurs questions. BEDE a donc besoin pour continuer son projet « Laboratoire Hors Murs » d’un tel cadre de concertation associations/chercheurs, or un tel cadre correspond assez bien à ce qu’il est possible de faire avec une BdS. BEDE cherche donc maintenant à faire naitre une BdS, qui ne serait cependant pas à son usage exclusif, mais au sein de laquelle elle pourrait effectuer une étape de ses projets « Laboratoire Hors Murs ».

[26] [27]

Parallèlement à ce projet, la Maison des Sciences de l’Homme de Montpellier faisait l’objet d’une importante restructuration la conduisant à formuler un projet d’avenir et un positionnement original pour garantir sa pérennité dans un espace régional en pleine reconfiguration. En effet, le Languedoc Roussillon a fusionné avec Midi Pyrénées en 2016, mettant en danger l’existence d’institutions existant dans l’une et l’autre région quand elles étaient distinctes. Pour que la MSH-SUD de Montpellier conserve une place dans l’espace institutionnel régional il lui fallait se positionner face à son « homologue » toulousain. Elle a donc produit un projet scientifique, qui vise à favoriser la recherche interdisciplinaire à travers des appels à projets, l'hébergement de plateformes de recherches et la formation des étudiants aux méthodes interdisciplinaires, mais cherche également à développer les relations des citoyens avec le monde de la recherche. Cette réflexion sur les liens entre citoyens et recherche est conjointe avec celle de l'association ALLISS (ALLIance Science-Société), qui cherche à promouvoir les coopérations entre recherche, acteurs sociaux et acteurs économiques et à produire des recommandations pour les puissances publiques basées sur ces expériences de coopération.

De ce projet scientifique émerge alors la volonté de la MSH d’aller à la rencontre du tissu associatif de Montpellier pour identifier des moyens et innover en matière d’articulation sciences/sociétés, en offrant son espace renouvelé dans les locaux de Saint Charles pour accueillir, promouvoir et participer à l’animation de cette articulation. Les Assises Sciences-Société co-organisées par la MSH et ALLISS en partenariat avec tous les organismes de recherche et de formation supérieure de Montpellier, sont une traduction concrète de cette volonté. Elles ont permis aux chercheurs et acteurs de la société civile d'échanger sur ce thème entre le 3 et le 5 juillet 2017, afin de faire reconnaître l'importance d’actions collaboratives pour renforcer le soutien des institutions et des politiques publiques. Ces Assises ont ainsi offert l’opportunité pour BEDE et la MSH de présenter le projet de BdS en Occitanie encore en gestation, et de chercher des partenaires.

La vision de la BdS Occitanie par BEDE.

Le projet de créer une BdS initié par BEDE est ainsi inséré dans un projet plus large porté par la MSH- Sud. Comme nous l’avons expliqué plus haut, il reprendrait le concept de « laboratoire hors murs ».

Pour BEDE, il s’agit de mettre en place les moyens d’un cadre de concertation pérenne entre scientifiques et paysans, avec une structure qui survivrait aux ponctuels projets de recherche action participative (d’une durée toujours limitée à deux ou trois ans), en s’appuyant sur des financements institutionnels localisés et stabilisés en complément de financements plus classiques d’appels à projets.

La mise à disposition de locaux et l’engagement d’un salarié à la fois pour la MSH-Sud et la BdS, permettraient en effet d’assurer l’animation de rencontres régulières, nécessaires pour la formulation et la reformulation des questions paysannes, mais aussi de respecter les temps des chercheurs et des paysans, avec des financements permettant d’engager et d’encadrer les opérateurs, étudiants en master, doctorants ou chercheurs, qui pourraient ainsi mener à bien des programmes de recherche à la demande du terrain.

Cette BDS est aussi pensée comme une des étapes concrètes du processus de renouvellement de la recherche agricole promu par BEDE, en s’appuyant sur l’expérience des associations qui ont déjà eu ces partenariats avec la recherche grâce aux Laboratoires hors murs ou à travers d’autres projets. Cette BdS vise également à sécuriser les interactions pour que les associations et les agriculteurs puissent s’impliquer et s’exprimer aux côtés de scientifiques, c’est pourquoi il est essentiel que son fonctionnement soit co-construit.

Les autres acteurs de la BdS

Bien que l’association BEDE soit à l’origine de cette idée de boutique des sciences en Occitanie, elle est loin d’être seule à porter le projet et à souhaiter qu’il aboutisse. Localement la MSH-SUD, (Maison des Sciences de l'Homme, « Sciences Unies pour un autre Développement ») est une émanation de la COMUE de Montpellier, structure qui associe des universités, grandes écoles et tous les organismes de recherche présents autour de Montpellier. Installée sur le site récemment rénové de St-Charles à Montpellier, elle dispose de nombreux locaux (mais relativement peu de financements).

C’est elle qui a réuni lors des Assises Sciences-Société les acteurs du monde de la recherche, citoyens, associations, entreprises et élus pour construire un dialogue constructif entre savoirs d’origines différentes. L'un des enjeux étant de développer des coopérations équilibrées et durables, c'est dans le cadre de cet événement qu’ont eu lieu les premiers ateliers de présentation et de co-construction de la Boutique des Sciences. Même si le travail de création a été délégué à BEDE, cette BdS serait hébergée dans les locaux de la MSH et animée en partie avec cette institution, il s’agit donc bien d’un co-portage (deux réponses conjointes à des appels d’offre ont d’ailleurs été rédigées et sont en attente de décision des bailleurs : COMUE et Fondation de France).

Les Petits Débrouillards (lespetitsdebrouillards.org), premier réseau national d‘éducation populaire à la science et par la science et premier réseau national d’éducation au développement durable dispose également d’une antenne montpelliéraine et est intéressé pour assurer une mission de médiation entre les associations avec lesquels elle est en contact et la Boutique des Sciences, de la même façon que BEDE informe les associations paysannes de l’existence de la BdS. Ces deux médiateurs permettent donc de toucher un large réseau associatif.

Au niveau national l’association Sciences Citoyennes28, par l’intermédiaire de Glen Millot (salarié), accompagne les différentes BdS françaises, et à ce titre participe aux différentes étapes de démarrage de la BdS Occitanie. Cette association est impliquée à différents niveaux dans le mouvement actuel de réappropriation citoyenne et démocratique de la science, afin de la mettre au service de la connaissance comme bien commun. Cette association cherche en effet à refonder le système de recherche autour d'un nouveau contrat non marchand entre sciences et société, permettant aux associations et aux citoyens de participer à l'orientation de la recherche.

En tant que stagiaire je me suis intéressé à ces interactions Sciences-Société non pas dans l’idée d’une meilleure performance des entreprises et/ou d’une amélioration du fonctionnement de la société actuelle grâce à la recherche, mais parce que je suis convaincu de l’effondrement à venir de la civilisation thermo-industrielle, après lequel des modèles complètement différents de société et de recherche scientifique seront indispensables. Notre avenir à plus ou moins long terme sera donc tel que je le conçois un monde beaucoup plus incertain qu’actuellement, dans lequel la mise en place d’adaptations pertinentes à l’évolution de l’environnement climatique et social sera déterminante. La co-réflexion et la réalisation conjointe de ces adaptations entre scientifiques et autres acteurs impliqués de la société civile me semblent être les meilleurs moyens de faire évoluer la société (scientifiques inclus) dans une direction souhaitable. Mais la forme de cette « interaction » est à réfléchir en détail, étant donné la défiance d’une partie du milieu alternatif (que j’imagine être celui de demain) à l’égard des scientifiques qui, de leur côté, s’arrogent le droit de prescrire ce qui leur semble bon pour la société et de prétendre qu’ils sont bien en interaction avec la société civile29.

L’action de la sphère politique se résumant au niveau national à un rôle de facilitateur de l’activité

[28]

[29]

économique et, au niveau local à des actions engageant des acteurs de la société civile avec peu de moyens. Dans le prolongement de ce stage, je réaliserai d’ailleurs un service civique sur Montpellier pendant l’année scolaire 2017-2018, et souhaite à titre bénévole m’investir dans le démarrage de la BdS, en participant à l’atelier-scénario ainsi qu’aux éventuelles réunions à venir de démarrage et de fonctionnement de la BdS.

Les associations du RSP constituent un troisième groupe d’acteurs partenaires. Elles sont constituées d’agriculteurs organisés qui défendent une agriculture biologique et paysanne. Celle-ci est définie comme une agriculture sociale et territorialisée, caractérisée par des pratiques non standardisées, valorisant la diversité du vivant et les interactions entre humains et plantes cultivées : les paysans y sont des producteurs d’agro-biodiversité30. Ces associations en Occitanie, ont déjà des expériences de collaboration avec des chercheurs mais les jugent soit trop brèves – dans le temps -, soit trop ciblées en faveur d’enjeux qui leur échappent, soit encore trop limitées par les règles de financement actuelles de la recherche dite « participative ».

Le Réseau Semences Paysannes insiste depuis sa création en 2003 sur la nécessité de co-construire les connaissances sur les plantes cultivées entre praticiens et chercheurs31 pour lutter contre la prolifération des variétés industrielles et contre la dépendance semencière, imposées par les grands groupes. Contre les producteurs d’artefacts, l’artificialisation des milieux et des semences, ces producteurs revendiquent leurs propres compétences en matière de pilotage de la biodiversité32. Plusieurs programmes européens ou nationaux auxquels le RSP a contribué33 ont souligné toutefois le poids des obstacles réglementaires (leur logique descendante et asymétrique qui nie toute compétence aux agriculteurs), limitant les innovations et les débouchés économiques pour les variétés de pays, niant toute reconnaissance officielle aux semences paysannes et aux variétés

II] Enquête et atelier de présentation du 3 juillet

La méthode de montage d’une BdS à Montpellier a suivi celle préconisé par Science Citoyenne. Nous reprenons donc ici ces principales étapes d’une démarche déjà expérimentée ailleurs et que j’ai pris en charge, et réalisé, pour les acteurs initiateurs présentés ci-dessus.

Une enquête d’intéressement

Avant de lancer la création d’une BdS il est nécessaire de connaître les attentes, les besoins et éventuels points de vue de multiples partenaires potentiels (chercheurs, associations, étudiants, bailleurs...) de ce type de dispositif. Pour cela une enquête par questionnaire a été conçue et réalisée entre le 15 juin et le 1er juillet (deux questionnaires en ligne différents ont été proposés pour les associations et les chercheurs). L’enquête a été adressée à des listes non exhaustives, établies avec BEDE et Pascale Moity- Maïzi.

Un atelier de présentation

En même temps que ce questionnaire, des invitations ont été envoyées par mails aux groupes visés (chercheurs, institutions locales, associations). Il ne s’agissait pas seulement de faire remplir le questionnaire mais aussi d’inviter tous les acteurs potentiels à l’atelier de présentation qui se déroulerait pendant les Assises Sciences-Société à la MSH. [30] [31] [32] [33]

1) Rédaction du questionnaire et réalisation de l’enquête

Chaque questionnaire (annexe vi) a été accompagné d’un texte expliquant les contours d’un Boutique de Sciences. Les premières questions à destination des organisations de la société civile (terme qui regroupe les associations, coopératives, groupements d’agriculteurs, collectifs citoyens…) portaient sur l’identification des thématiques qui les intéressaient ou qu’elles traitaient. Une seconde partie du questionnaire devait permettre d’estimer leur capacité à s’investir dans des projets de recherche. Une troisième partie du questionnaire devait nous renseigner sur leur niveau et sources de financement ainsi que sur le nombre de salariés présents dans la structure. Une question portait également sur la familiarité des associations avec le monde de la recherche. Une estimation de l’intérêt pour les différents aspects du dispositif ainsi qu’un espace d’expression libre en fin de questionnaire leur permettait de décrire les projets qu’elles envisageaient de mener en lien avec la BdS. Les questions à destination des chercheurs portaient d’abord sur le type et les thèmes de leurs recherches, puis sur leur implication potentielle dans les différentes missions de la BdS, sur leur familiarité vis-à-vis d’interactions avec la société civile et sur leur intérêt général pour le dispositif. Les associations comme les chercheurs étaient également invités à donner leur avis de façon ouverte sur l’initiative, puis à indiquer leur mail s’ils souhaitaient être tenus au courant des suites de la démarche.

Ces différents questionnaires en ligne étaient inspirés par ceux qui avaient été utilisés auparavant par la BdS de Lille lors de son enquête de préfiguration. Ils ont été adaptés au contexte montpelliérain, caractérisé par le projet de créer une BdS thématique, s’adressant à des associations travaillant dans les champs de l’agroécologie, de la biodiversité et de l’alimentation.

L’enquête a donc été logiquement envoyée aux associations et chercheurs déjà sensibilisés par ces thématiques voire ayant déjà manifesté un intérêt pour le projet, mais également à des listes de diffusion plus larges (via recensements de listes d’associations en ligne). Au total, 239 associations et 162 chercheurs ont été sollicités par mail direct, donc sans compter les personnes ayant reçu l'enquête par des mailing listes qui ont également été utilisées. D'autres acteurs (chambres d'agriculture, responsables région et Métropole) ont également été invités à participer aux Assises et éventuellement à transférer le mail auprès d'acteurs intéressés, chercheurs ou associations. Les taux de réponse sont assez bons pour un questionnaire par mail, avec 28 associations et 38 chercheurs qui ont effectivement répondu. Ces réponses sont à considérer en nombre de répondant et non en potentiel pourcentage de répondants, car le nombre de personnes ayant effectivement reçu le mail ne nous est pas connu (envoi sur des listes de mails de taille importante, diffusion du mail de contact au sein des réseaux…)

2) Déroulement de l’atelier de présentation

Suite à cette enquête dite de préfiguration, l’atelier de présentation permet à la fois de présenter le principe des boutiques des sciences et d’exposer les résultats de l’enquête. Les boutiques des sciences sont en effet des dispositifs qu’il est nécessaire de présenter car ils sont peu connus, tant dans le monde de la recherche que dans la société civile. L’enquête de préfiguration permet aux organisateurs de justifier auprès de bailleurs de l’intérêt des chercheurs et des associations pour ce type de struct ure, de recenser les acteurs souhaitant s’impliquer dans la démarche et à travers eux de se faire une première idée des orientations que pourra prendre la BdS.

Contexte Assises Sciences-Société à la MSH-SUD

L’atelier de présentation a eu lieu pendant les Assises Sciences Sociétés, événement organisé dans les locaux de la MSH-SUD. Ces assises ont réuni pendant trois jours, du 3 au 5 juillet 2017, des acteurs du monde de la recherche, des citoyens, des associations, des entreprises, ou encore des élus. L’objectif était de construire un dialogue entre savoirs d’origines différentes, et de développer des coopérations équilibrées et durables autour de cette thématique de dialogue renouvelé entre les sciences et la société.

Une cinquantaine d’ateliers ont ainsi eu lieu pendant ces trois jours, dont un grand nombre sur des thématiques très proches voire recoupant celles de la boutique des sciences. Le nombre très important d’intervenants et d’ateliers a cependant obligé le déroulement en simultané de réflexions semblables, qui auraient gagné à être construites entre tous les intervenants concernés.

Une prise de note collaborative au cours de tous les ateliers et quelques référents chargés de suivre un grand nombre d’ateliers ont permis d’élaborer rapidement une synthèse générale de l’événement, qui a montré entre autres choses l’importance et la diversité des structures de médiation dans ce dialogue science-société.

C’est donc au cours de cet évènement qu’a eu lieu notre atelier, en deux sessions, le lundi 3 juillet. Les participants à cet atelier étaient les initiateurs du projet de BdS, des invités extérieurs sollicités pour faire part de leurs propres expériences des BdS, et un public large de personnes curieuses ou intéressées, pour un total d’une cinquantaine de personnes.

1ère session : contexte de l’évolution des BdS en Europe et en France

Différents intervenants invités ont ainsi pu préciser la notion de BdS au cours du premier atelier : -Glen Millot, de l'association Sciences Citoyennes, a fait une présentation générale du dispositif des Boutiques des Sciences en France et en Europe, et a détaillé comment Sciences Citoyennes accompagne les BdS françaises.

  • Bertrand Bocquet, initiateur de la BdS de Lille, a présenté cette expérience née en 2014.
  • Pauline Bryère, de la BdS de Lyon, a présenté cette dernière-née en 2015.
  • Sophie Martin : chercheuse à l'université de Montpellier, a présenté la plateforme de recherche action COGITHON, à destination des personnes en situation de handicap mental, hébergée à la MSH et dont le fonctionnement se rapproche de celui d’une BdS

Il s'agissait de montrer qu'il existe différents modèles de fonctionnement de BdS qui naissent du contexte et des attentes locales. Le contenu de cette session a ainsi été repris dans la description que j’ai faite des boutiques de sciences en Europe et en France, (p.5-6).

2ème session : Contexte de l’émergence d’une BdS en Occitanie

Bob Brac de la Perrière, coordinateur général de l’association BEDE, a exposé les raisons qui avaient fait émerger l’idée d’une boutique de science en lien avec la MSH. Ces éléments ont été décrit page 11 et 12, puis analysés page 16

J’ai ensuite exposé les résultats de l’enquête de préfiguration pour permettre à tous de prendre connaissance des différents points de vue d’acteurs, de leurs convergences et divergences éventuelles, puis de faire un point sur le niveau d’intérêt et d’implication potentiel des acteurs ayant répondu à l’enquête. Les résultats ainsi que leur analyse sont disponibles pages 18-19.

Echanges et propositions autour de la BdS en Occitanie

A la suite de ces exposés, des discussions ont porté sur les différentes expériences de chacun en termes de recherches collaboratives, sur les pistes de financements et sur le nom que l’on souhaitait utiliser pour remplacer le terme de « boutique », considéré comme inadapté. Une première tentative d’identification des degrés d’implication possibles des personnes présentes, dans une future BdS à Montpellier, a été conduite, mais ses résultats ne sont pas pertinents : il était encore trop tôt, et de plus pour un public disparate, de se positionner clairement sur des rôles ou formes d’engagements dans une BdS.

III] Synthèse des contenus de l’atelier de présentation et analyse des résultats de l’enquête.

Environ 75 personnes ont assisté à la première session et environ 50 à la deuxième. Les participants étaient majoritairement issus du monde de la recherche et de la formation, mais des acteurs du monde associatif étaient également présents.

1) Synthèse du fonctionnement des BdS exposés pendant la 1ère session

Il s’agit ici de synthétiser le fonctionnement, les spécificités et points communs des différentes BdS présentées en première session, afin d’en extraire des éléments de réflexions pour le montage de la BdS en Occitanie.

Fonctionnement de la BdS Nord de France :

A Lille les demandes ou questions des associations sont recueillies par un dépôt en ligne, par mail ou par rencontre. Un Conseil d’orientation stratégique hiérarchise les demandes recueillies. Puis les sujets sélectionnés, souvent assez vagues, sont précisés au cours de 2 ou 3 réunions dans les bureaux de la BdS, entre le Conseil d’Orientation Stratégique et la structure demandeuse.

Ce Conseil d’Orientation Stratégique (COS) est constitué d’une quinzaine de personnes, dont une moitié de chercheurs, « experts » bénévoles dans différents domaines, d’un représentant de la CSTI de Lille, d’un représentant de la Comue (qui est le salarié de la BdS à mi-temps), d’un représentant de la MESHS (institution qui met à disposition les locaux), et de 2 ou 3 représentants du monde associatif.

Sa composition est en fait assez variable selon les disponibilités et l’intérêt de chacun à participer à la reformulation des questions ou sujets, mais les chercheurs y constituent néanmoins un noyau assez stable.

Il s’agit aussi pendant les réunions qui suivent le travail de sélection du COS, d’expliquer à l’association demandeuse quel type et quel volume de travail il est possible de réaliser en prenant pour référence la durée d’un stage de master 2. Un enseignant-chercheur pertinent est ensuite identifié comme tuteur, et un étudiant est ensuite recruté par cet enseignant ou par une annonce sur la plateforme des stages de l’université. Les enseignants-chercheurs, bien que souvent occupés, sont intéressés par la démarche.

La convention de stage se fait alors entre la BdS, l'association demandeuse et le tuteur enseignant. Les projets de recherche coutent environ 5-6000€, et sont financés par la BdS, qui assure donc à la fois le financement et le lien avec le monde de la recherche.

Le stage commence en février et est encadré par la BdS tout au long du processus, puis l’étudiant présente ses résultats par oral et écrit à l’association demandeuse qui les valide. Un rapport de forme académique est ensuite présenté en septembre, et mis en ligne sur la page de la boutique de Lille34.

En termes de point faibles la BdS de Lille fait face à des financements limités malgré un intérêt important des chercheurs et des étudiants, ou même de certains praticiens, collectivités ou bailleurs sociaux dont les demandes sont refusées faute de moyens. Ainsi, seuls 4 projets ont été menés depuis le lancement de cette BdS.

[34]

Sa force principale réside dans l’attention qu’elle porte à la phase préliminaire de reformulation de la demande entre le bureau de la BdS et l’association demandeuse, ce qui fait que de nombreuses associations sont intéressées, plus d’ailleurs que ce que la structure peut traiter, alors que la boutique ne fait pas de publicité. Cette BdS envisage cependant de former d’autres acteurs pour constituer un réseau de relais physique au sein du territoire (médiathèque, autres associations) afin qu’ils puissent informer de l’existence du dispositif et relayer des demandes vers la BdS. Une volonté existe également de mettre à profit les activités en enseignement supérieur ou en expertise qui occupent maintenant les 20% du temps des doctorants. Elargir la base de chercheurs impliqués et stabiliser les membres du Conseil Scientifique d’Orientation est fortement souhaité par les membres de la BdS. Cette stabilité des engagements est au moins aussi importante que celle des financements, pour garantir la pérennité du dispositif.

Fonctionnement de la BdS de Lyon :

A Lyon, la collecte des demandes se fait par le même biais, avec cependant une plus grande difficulté à trouver des associations intéressées. Cette difficulté est peut-être due à la forte intrication de la BdS dans l’environnement universitaire, mais peut-être également liée au nombre très limité de projets financièrement réalisables, qui entraîne peut-être un épuisement des demandes associatives. Une stratégie de communication paraît nécessaire mais n’est cependant que peu efficace pour faire émerger les demandes de partenariats de la part des associations. Les associations rurales sont néanmoins bien représentées dans les structures demandeuses, ce qui est la preuve d’une certaine visibilité de la BdS malgré son ancrage institutionnel très marqué.

Les demandes sont généralement recueillies jusqu’en juillet pour un traitement l’année suivante. Ici c’est un Conseil Scientifique de la BdS qui reformule et hiérarchise les demandes recueillies. Il implique des personnes du milieu universitaire, et réunit environ 10 personnes en septembre pour étudier et préciser les demandes déjà un peu mises en forme et sélectionnées pendant l’année scolaire précédente.

Ce conseil scientifique identifie les formations de Master et les stagiaires qui pourraient y répondre, à travers une ou des offres de stage rédigées par la BdS. Le recrutement des étudiants se fait donc entre septembre et décembre, puis une rencontre par projet a lieu entre associations, étudiants et tuteurs de stage au début du stage en février, pour confirmer la forme de la question reformulée par le conseil scientifique.

Les étudiants effectuent ensuite leurs stages dans les locaux des associations, encadrés par leurs tuteurs associatifs respectifs, leur tuteur académique et un encadrant de la Boutique des Sciences. Trois formations réparties au cours des stages permettent de rassembler les étudiants qui effectuent des stages au sein de la BdS pour leur permettre d’échanger sur leurs stages, d’approfondir leurs connaissances sur la recherche participative, et de se former à l’échange avec les associations (communication et forme des rendus oraux et écrits).

Les stagiaires sont ainsi encadrés par un tuteur associatif, un tuteur académique et un tuteur de la BdS, et sont payés par la BdS, ce qui facilite la réalisation des projets. Les synthèses vulgarisées sont ensuite présentées lors de restitutions publiques, et le rapport vulgarisé est également postée sur le site de la

Boutique des Sciences de Lyon35.

Les restitutions publiques ont du succès, preuve que le rendu intéresse à la fois les acteurs demandeurs mais aussi le reste de la société civile, et les étudiants sont très satisfaits de ces stages, qui les forment au dialogue recherche-société civile, et à l’interdisciplinarité ; qui leur donne aussi le sentiment d’être [35] utiles. Un point fort de cette boutique des Sciences c’est son financement pérenne et conséquent (financement Idex), qui lui permet de disposer de deux salariés à mi-temps et de financer les salaires des stagiaires. La BdS de Lyon cherche maintenant à consolider ses liens avec les autres activités du service qui l’héberge au sein de l’université, avec par exemple des consultations citoyennes, et souhaite comme Lille inclure davantage les étudiants en doctorat.

Depuis son démarrage officiel en 2013 et grâce à une importante reconnaissance institutionnelle, la BdS de Lyon a encadré 37 projets, et a élargi le modèle « classique » basé sur un stage de 6 mois d’un étudiant en master 2 à des projets tutorés insérés dans le cursus, ou des « challenges » faisant intervenir un grand nombre d’étudiants pendant 48h autour d’un problème soulevé par une association. Une logique pédagogique forte est donc à l’œuvre dans cette boutique très intégrée au fonctionnement de l’université. Cette force est aussi une faiblesse liée aux décalages entre calendriers (scolaire / exigences des acteurs du terrain). Cette BdS essaie d’y remédier par une diversification des méthodes d’intervention, en réalisant par exemple un « hackaton » ponctuel rassemblant un grand nombre d’étudiants pendant quelques jours sur une question de la société civile et pour des projets plus courts, ou en proposant des projet tutorés insérés dans le cursus des étudiants.

Points communs, divergences et éléments de réflexions :

Ces deux BdS ont en commun de s’être dotées d’une charte rapidement après leur création qui, bien que non contractuelle, permet de préciser les termes de la coopération entre structure qui fait une demande, enseignant-chercheurs et étudiants.

Ces deux BdS cherchent également aujourd’hui à diversifier et accroître le nombre d’enseignants chercheurs impliqués dans le dispositif car elles sont toutes deux plus ou moins restées sur la base des chercheurs initialement intéressés par le projet.

Le stage M2 de 6 mois de février à juillet est également une contrainte commune, qui fait que les étudiants et les associations, bien que satisfaits, ont parfois un sentiment d’inachevé, auquel pourrait par exemple répondre un suivi post-recherche sur les impacts de la coopération.

Dans la même optique, elles se posent la question du dépassement de la logique opérationnelle autour de « micro-projets ». Ce dépassement est souhaité à Lyon, afin de pouvoir élargir l’utilisation des résultats de la recherche sur d’autres territoires et auprès d’autres organisations, ce qui est envisagé d’ici quelques années. Bertrand Bocquet de la BdS de Lille souhaite aussi accumuler un certain nombre d'expériences pour monter en généralité, et travailler sur la notion de recherche participative, mais précise cependant que la BDS n'est pas le seul dispositif intéressant, et qu’il existe d'autres possibilités pour poursuivre le travail engagé sans que la BdS ait vocation à tout centraliser. Ces deux exemples montrent également l’importance d’une reconnaissance institutionnelle locale de la BdS, qui reste la porte d’entrée pour accéder à des financements pérennes, autorisant le financement autonome des projets de recherche. Il est cependant impossible de se mettre complètement à l’abri des aléas politiques, et la stratégie visée par BEDE et ses partenaires et de diversifier au plus possible les sources de financements de la BdS en Occitanie.

Ces deux BdS sont en réalité relativement similaires dans leur fonctionnement par rapport à la diversité au niveau européen, et le quatuor demandeur/stagiaire M2/tuteur académique/tuteur BdS donne l’impression que l’on a finalement affaire à des plateformes d’offres de stages, donc à des dispositifs assez orientés vers la formation des étudiants. Contrairement à la vision des initiateurs de la BdS en Occitanie, l’accent est au final peu mis sur les interactions entre chercheurs et associations, (notamment une faible attention semble donnée à la découverte et à la compréhension du terrain de travail des associations par le monde de la recherche). Comme nous le développerons plus loin, les étudiants peuvent dans ce contexte à la fois être le lien entre monde associatif et monde de la recherche, mais risquent également d’être une barrière entre ces deux mondes qui n’échangent pas si facilement.

Tableau 1 : Comparaison des différentes Boutiques des Sciences françaises

ENS Cachan Echop’a science Boutique des Boutiques des Boutique des Sciences en (Grenoble) Sciences Nord de Sciences de Lyon Occitanie ? France

Types de stage et ? stage M2 De L1 à M2 M2 préféré De L1 à M2 Doctorants ? d’étudiants probablement Types de Etudes biblio De 1 à 8 mois, biblio et 6 mois, biblio et Biblio ou terrain : 6 3 ans ? Objectif de production et de terrain terrain (enquête) mois + autres formes publication ? retour moins « BdS » Nombre d’études 2 études en 3 6 études en 2 ans 4 en 2 ans 37 en 5 ans Deux projets pilotes en réalisées et durée ans 2018-2019 ? de fonctionnement Acteurs Etudiants, peu Bureau, Référent Conseil Scientifique Conseil Scientifique A définir, importance des « internes » d’informations boutique, Référent et d'Orientation constitué acteurs associatifs faisant scientifique, Encadrant. constitué de d’universitaire, fonctionner et Chercheurs et de la tuteur associatif, interagir la BdS Société civile tuteur académique, tuteur BdS. Origine des ? Complémentarité COMUE : ½ salarié Très intégré dans la Envisagé : Région, MSH financements Europe (Perrares) et MESHS (≈MSH) : COMUE (service pour locaux, Métropole, région (appel locaux médiation), Idex pour Agropolis Fondation, Université citoyenne et Région : 4 ans. Au début Fondation de France, solidaire) Financements financements iSite Muse ? Européens et Université de Lyon (PALSE)

Thématiques Toutes, mais Toutes (fourneau à Toutes (recherche Toutes (beaucoup) Agriculture voire juste abordées les études bois, techniques de sur la BdS, agrobiodiversité dans un réalisées ont construction, compost, immigration et premier temps, puis porté sur la potager urbain, engagement élargissement à la santé biodiversité, précarité et secteur de associatif, trame et l’alimentation à et les OGM la connaissance, verte et bleue, l’avenir. demande sociale en coopération histoire) associative internationale)

Date et initiateurs 2005 par des 2011 par l’association Fonctionne depuis 2013, suite à une BEDE et MSH-SUD en de la BdS étudiants, à Adreca : Association 2015, suite à initiative du directeur 2017, en cours de l’arrêt depuis pour le développement l’initiative d’un de la COMUE en montage 2008 d’une recherche groupe de 2010 citoyenne et active, à chercheurs au sein l’arrêt depuis 2013 d’un labo en 2012

Lien vers charte 36 Site non fonctionnel 38 Cf annexe ii « Charte de bonne mais charte conduite » du Réseau accessible37 Semences Paysannes ?39

[36] [37] [38] [39]

2) Enjeux et stratégie de l’association BEDE

Il serait abusif de parler de « la vision de la BdS que porte BEDE », car ses membres se posent encore entre eux la question de savoir comment se positionner par rapport à ce projet. Leur vision est donc plurielle et évolutive. Il s’agit donc ici de synthétiser et d’analyser la vision actuellement à l’œuvre dans cette association, sous réserve d’évolutions ultérieures, pour orienter les discussions de l’atelier et pour défendre l’idée d’une gouvernance associative qui ferait la particularité de la BdS en Occitanie. Bob Brac de la Perrière, coordinateur salarié de BEDE n’a donc pas présenté une expérience de BdS, mais a présenté la position de l’association dans ce projet, par rapport aux différents risques perçus.

Risques perçus par l’association

Un des risques est de fonder une BdS dont les membres associatifs n’ont pas une vision claire, ou n’arrivent pas à organiser leurs besoins autour d’un fonctionnement détaillé. Un second risque c’est que les chercheurs et/ou les bailleurs orientent le pilotage du dispositif vers des méthodologies de co- construction qui ne soient pas suffisamment à l’écoute des besoins des acteurs de la société civile. Les programmes de recherche risquant alors de s’orienter vers une recherche conventionnelle pseudo- participative, incompatible avec la vision de la recherche que porte BEDE. Ce risque d’une implication décroissante des membres associatifs est donc étroitement lié avec celui d’une certaine méfiance vis- à-vis de l’implication d’organisations qui pourraient ne pas être en phase avec le projet de la BdS selon BEDE.

Positionnement de BEDE

Afin d’avoir certaines garanties sur l’implication et les valeurs des différents partenaires, BEDE souhaite dans une certaine proportion choisir les participants qui seront conviés aux ateliers scénarios, donc identifier des associations et chercheurs qui ont déjà eu des partenariats avec BEDE ou autres membres du RSP. Cela offrira de plus une certaine unité sur les valeurs fondamentales du dispositif, unité nécessaire pour s’entendre autour du projet commun qui sera posé pendant l’atelier scénario.

Pour se prémunir d’une dérive potentielle de la BdS vers un fonctionnement déconnecté des besoins du terrain, BEDE propose également à ses partenaires potentiels un pilote de la BdS. Ce pilote (annexe viii) reste évidemment à discuter. Il permettra néanmoins d’expliquer aux partenaires potentiels, et notamment aux bailleurs, que cette BdS cherche à mettre en place un modèle de recherches collaboratives, différent des modèles habituels de recherches participatives. Il s’agit cependant de financer de manière durable ce dispositif et les projets de recherches qui seront conduits à travers lui, et BEDE a donc répondu à divers appels d’offres, auprès de fondations telles que la Fondation de France ou encore la Fondation Agropolis, qui annoncent vouloir favoriser le développement d’une recherche en lien avec la société civile. Des discussions sont également en cours avec la Région Occitanie pour capter des financements complémentaires de moindre ampleur. Un appel à projet de type CSTI a été envoyé, la réponse a cependant été négative.

L’atelier scénario, et la réflexion collective qu’il permet sur le fonctionnement de la BdS, a aussi pour rôle d’après BEDE de compléter les attentes identifiées pendant les Labo Hors Murs sur l’agrobiodiversité. BEDE ayant déjà une certaine connaissance de la recherche collaborative, il ne s’agit pas de suivre à la lettre le modèle de BdS développé ailleurs en France ou en Europe, mais de s’en inspirer voire de le faire évoluer car les valeurs fondamentales portées par les BdS correspondent à celles portées par BEDE. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la méthodologie adaptable utilisée pour le montage des BdS, qui permet de construire des structures en phase avec les besoins des porteurs et des territoires.

Pour résumer, il est donc considéré comme capital - sans que BEDE soit l’entité aux commandes du dispositif - qu’un portage des projets par la société civile soit garanti, afin que la boutique des sciences sécurise l’interaction, et que les associations soient sûres de pouvoir s’exprimer et que leurs avis soient effectivement pris en compte. Ainsi, il s’agit de trouver des partenaires convaincus par le projet et ses valeurs, avec lesquels la forme de la BdS puisse être débattue. C’est avec eux qu’il faudra composer au sein du ou des bureaux/conseils/commissions, qui seront décidés et dont les membres seront désignés pendant les ateliers scénarios.

3) Analyse des résultats de l’enquête

Du côté des organisations de la société civile, avec 28 réponses représentant 21 associations, 1 SARL, et 2 SCOP, (plusieurs répondants par organisation) les profils des intéressés sont liés à l’agriculture, à la préservation de l’environnement ainsi qu’à la formation/éducation. 17 répondants signalent un intérêt certain à court ou moyen terme pour ce projet, cependant même pour les mieux dotés le manque de financement est un facteur limitant de leur investissement dans la conduite de recherches portées grâce à ce dispositif.

Eléments limitants pour le développement des activités des 17 associations intéressées (plusieures réponses possibles)

Plus de ressources (financières, personnel, Plus d’expertise scientifique de la part de Plus de connaissances techniques temps) membres de la structure extérieures Pour les thèmes d’activités, l’agriculture, la formation et la défense de l’environnement dominent : Quel sont les domaines qui correspondent le plus à l'activité de votre structure?

Défense de l'environnement 26%

Agriculture 37%

Action Santé 5%

Défense des droits et des causes 5%

Formation et éducation Action sociale 18%

Culture 7% 2%

En termes de thèmes des projets de recherche, très peu de ces acteurs font allusion aux thématiques de la santé et de l'alimentation. Soulignons également que pour certains la BdS est également perçue comme un partenaire de formation.

Ils évoquent en effet à peu près tous l’agriculture, avec des questions ciblant des problèmes précis :

  • Comment nommer Les semences paysannes pour qu’elles restent un bien commun?

-Comment utiliser/valoriser l’urine humaine sur spiruline, vigne ou bioponie

  • Vérifier Les effets du BRF de pin sur la croissance des plantes et la vie du sol

-Comment développer un verger sec méditerranéen pour l’agroécologie

  • Projet pilote agroécologique

-Comment évaluer l’impact des pratiques agricoles sur les nappes phréatiques

  • Faire une typologie des consommateurs en boutiques paysannes et marchés

-Faire une typologie des participants au mois de l’agroécologie (septembre 2017)

Mais quelques-uns proposent aussi des thèmes plus généraux:

  • Transition agroécologique en zone inondable
  • Programme pluridisciplinaire en agroécologie et agroforesterie
  • Etude des Complémentarités Biodiversité et Potager

Du côté des chercheurs, 38 ont répondu (sur plus d’une centaine de personnes contactées) : ils sont issus de champs disciplinaires très variés, avec cependant une majorité de chercheurs issus des sciences humaines et sociales (SHS) :

Disciplines des chercheurs interrogés

Science de l’éducation 5% Sciences biologiques 16%

Economie 14% Sciences physiques et mathématiques 14%

Agronomie 5%

Sciences de la santé 3%

SHS 43%

Il s’agit peut-être ici d’un biais lié à l’accès limité aux adresses de tous les chercheurs universitaires montpelliérains (l’université de Montpellier qui comporte le plus d’enseignants-chercheurs en sciences du vivant en particulier, nous était presque inaccessible). De plus, le temps très court et la période estivale n’ont pas joué en notre faveur dans l’exhaustivité des réponses

A l’exception d’un seul chercheur, tous se sont dits intéressés ou très intéressés par ce projet de BdS, Ils s'interrogent cependant sur le terme de "boutique" et préfèrent plutôt celui d'"atelier". Ils soulignent également une évolution en cours des financements de projets de recherches participatives, vers plus d’injonctions aux interactions du monde de la recherche avec la société civile. On constate aussi que ces répondants ont déjà une certaine familiarité du monde des associations à Montpellier car de nombreuses organisations ont déjà travaillé avec eux sur des projets de recherche, ce qui a permis à plusieurs d’entre elles d’avoir déjà réfléchi aux difficultés, notamment financières, exigées par la coordination d’un projet avec des chercheurs.

4) Synthèse et leçons à tirer des discussions

Les discussions ont ainsi principalement pris place pendant la deuxième session de l’atelier. Très dynamiques, elles ont montré un niveau d’intérêt élevé des participants.

Orientation des thématiques

La question de l’orientation des projets de recherche vers les thématiques de la santé, envisagée dans un premier temps, a été abandonnée suite au trop faible nombre de réponses et de personnes présentes dans ce domaine de compétences lors de cet atelier, malgré un pôle santé important sur Montpellier. Les chercheurs et les associations de ce domaine ont été difficiles à cibler, par manque de connaissance du milieu médical par l’association BEDE et par les personnes-ressources du stage. Il s’agit cependant d’une communauté qui pourrait être intéressée à terme, et qui a déjà développé ses propres outils participatifs autour desquels il serait intéressant d’échanger. La BdS en Occitanie n’est donc pas définitivement fermée à cette thématique, un élargissement des sujets de recherche est toujours possible à l’avenir.

Cependant la phase de construction de la BdS et de définition/sélection de projets pilotes sera conduite avec une majorité d’acteurs déjà connus des porteurs de la BdS, lesquels n’ont d’ailleurs pas tous pu participer à l’atelier. Il s’est ainsi avéré difficile de toucher toutes les associations et tous les chercheurs pour l’enquête initiale malgré des listes de destinataires déjà très larges (la trop courte période disponible pour la réalisation de l’enquête/invitation, et la période estivale pendant laquelle elle a été menée ont sans doute joué en défaveur de l’enquête et de la participation à l’atelier). Pendant les discussions de cette seconde session, une question a dominé : « Comment on communique (pour et dans le cadre de la future BdS) ? », c’est à dire à travers quels outils et dans quels lieux physiques (ou en ligne). Elle est apparue importante car elle oriente dès le départ les publics ciblés.

Importance de l’étudiant

Le rôle de l’étudiant (master ou doctorant) a été souligné à plusieurs reprises, car en tant qu’intermédiaire entre le monde de la recherche et les associations, c’est lui qui est chargé d’échanger avec les associations pour qu’elles s’approprient et appliquent le protocole co-constuit, et pour qu’elles puissent se former et développer leur propre vision de la méthode scientifique. Ainsi, pour faire de la recherche auprès de paysans, il est important que l'étudiant ait un minimum de formation et que l'agriculteur n'ait pas à l' « encadrer ». Le choix de l’étudiant est donc crucial pour les associations, qui devront avoir leur mot à dire lors de la phase de recrutement d’un « chargé d’étude ».

On peut alors souligner l’absence quasi-totale d’étudiants autres que le stagiaire dans ces sessions et dans la réflexion sur la création de cette BdS. Une attention particulière devra y être portée si l’on souhaite les impliquer, qu’ils soient ingénieurs, master 2 ou doctorants. Cette association des étudiants dans la création de la BdS pose également la question du type d’étudiant qui participera au projet de la BdS, les stages courts termes de M2 étant jugé par BEDE comme trop limités.

Rappel des initiatives déjà existantes en recherche collaborative

Certains collectifs du RSP ayant plusieurs expériences de projets de recherche, ils ont déjà rédigé des chartes autour de la recherche participative. La prise en compte de ces documents sera ainsi essentielle au cours de la construction de la BdS Occitanie.

La « Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault » représentée lors de cet atelier a rappelé qu’elle a toujours fonctionné (depuis environ 150 ans) comme une BDS, en synergie avec la fac de pharmacie, cependant à destination exclusive de ses adhérents. Cette société dispose d’un site où sont publiés en accès libre des travaux40 . D’une manière plus générale, elle nous permet de comprendre que les sociétés savantes sont des acteurs stratégiques, dont l’importance n’avait pas été identifiée lors des premières réflexions. Du fait de leur expérience en matière de recherches collaboratives ces acteurs méritent d’être mobilisés dans la co-construction de la BdS Occitanie.

La question de la différence entre les BdS et différents programmes de recherches collaboratives tels que les PSDR et les PICRI (cf p.9) a également été posée. Bien qu’ils semblent assez proches de l’objectif de co-construction des méthodes de recherches portés par les BdS, ils ne sont pas considérés par tous comme des dispositifs mettant en place de véritables méthodologies de co-construction de la recherche en lien avec la complexité de la demande associative. Il ne s’agit cependant pas de les évacuer mais de s’inspirer avec prudence de ces modèles dont les dimensions innovantes ont été soulignées par ailleurs.

Prise en compte de l’expression de la société civile au sein de la BdS.

Un paysan ne pourra pas porter seul une demande de recherche. Il a donc été souligné que rejoindre une association ou un collectif était non seulement facile mais également important par exemple autour des réflexions et pratiques sur les semences.

Le souhait de parité entre membres de la société civile et autres membres de la BdS a été exprimé par Bob Brac de la Perrière (BEDE), qui a souligné le risque d’une dérive du fonctionnement vers des logiques trop institutionnelles, dont la société civile risque d'être exclue. Il insiste donc sur l’importance que ce dispositif soit animé ou porté par une association, en précisant que l’objectif de BEDE n’est pas de centraliser toutes les recherches participatives de Montpellier mais bien d’accompagner celles qui entrent dans son champ de compétences !

Co-légitimité du partenariat chercheurs/associations

La visibilité et la légitimité sont également recherchées par les associations qui souhaitent collaborer avec les chercheurs qui ont les mêmes préoccupations qu’elles. La BdS cherche donc à développer une reconnaissance de la société civile notamment vis-à-vis des financeurs de la recherche. Il s’agit pour les membres des associations qui s’engageront de faire reconnaitre leur propre travail de recherche, d’accéder à des financements au même titre que les organismes de recherche, permettant de garantir une rémunération compensatoire du temps passé pour la recherche (temps de réunions, d’encadrement, de valorisation - séminaires, forums etc-). Il s’agit donc de reprendre un mécanisme déjà formalisé par le RSP (Réseau Semences Paysannes) : c’est là un principe éthique partagé par tous ceux qui se sont investis dans l'émergence d'une BDS Occitanie. Cette question du financement et donc de la valeur du temps de recherche et des connaissances coproduites est un élément essentiel à penser ensemble.

De façon complémentaire les chercheurs ont également fait remarquer que pour eux aussi la collaboration avec la société civile au sein d’une BdS reconnue, pouvait être source d’une meilleure légitimité, notamment pour accéder à des financements qui exigent des partenariats recherche-société [40] civile et pour mieux valoriser leurs engagements auprès d’associations pour co-produire des connaissances avec elles. Cette légitimité est cependant à nuancer avec le fait qu’une partie relativement importante du monde de la recherche déconsidère encore ce type de partenariat, estimant qu’ils aboutissent à des résultats de moins grande qualité scientifique, difficilement valorisables en publications. On a même affaire parfois à une critique de ce type de partenariat comme preuve d’un manque d’imagination des scientifiques qui vont chercher leurs questionnements auprès de la société civile.

Financement

Financements et impacts de la recherche ont été très liés dans les discussions, nous les rapportons ici de façon séparés pour la clarté du propos.

En terme de financement, il est tout d’abord nécessaire de différentier les moyens attribués aux projets de recherches (salaires du ou des opérateurs, frais de transport, équipements…) et les moyens attribués à la BDS elle-même (salaire de l’animateur qui s’occupe de la logistique et des échanges, bureau, salle de réunion…). Une réponse à appel à projet de la Fondation de France a été proposée pour le financement de projets et d’une partie du coût de fonctionnement de la future BdS. Pour compléter la prise en charge de ces coûts structurels, la stratégie visée par BEDE et la MSH est de capter des financements pérennes de la part de la Région et de la Métropole. Le réseau européen des boutiques des sciences Living Knowledge est également en train de chercher des pistes pour favoriser à l'échelle européenne un appui financier direct des COMUE aux BdS, sur le modèle de Lyon. Il faut rappeler que la MHS-SUD fait partie de la COMUE de Montpellier, mais disposant de peu de moyens financier elle est prête à mettre gratuitement des bureaux à disposition de la future BdS Occitanie. Concernant d’autres pistes de financements davantage axées sur la prise en charge des projets thématiques que porterait la BdS, il a été souligné que de plus en plus d’appels à projets (ceux de la Fondation de France, ou de la Fondation Agropolis notamment)cherchent à intégrer des collectifs régionaux auprès des chercheurs. Dans ce sens, la Coordination européenne des Semences Paysannes ("Libérons la diversité Europe") qui effectue une veille sur ce type d’appel à projets est une base arrière pertinente. De plus, au niveau européen les financements FEADER (Fond européen agricole pour le développement rural, faisant partie de la PAC) permettent de financer des stages de type PEI à Supagro, il serait intéressant d’explorer de quelle façon ils pourraient être utilisés par la BdS.

L’idée d’une intégration dans l'iSite MUSE ou dans les EUR (Ecoles Universitaires de Recherche) a également émergé pendant les discussions, BEDE et la MSH n’y sont pas opposés et sont en train d’étudier cette possibilité qui n’avait pas encore été envisagée.

Le modèle promu par la BdS est donc celui de projets de recherches partant des praticiens, pour lesquels un collectif chercheurs-société civile cherche des financements à travers le dispositif reconnu au sein de la MSH. La possibilité de fonctionner dans l’autre sens, c’est-à-dire dans une logique de réponses à des appels à projet portées par des scientifiques, sur des thèmes spécifiques et certes négociés en partie entre les uns et les autres, a également été évoquée. Cependant ce modèle existe déjà, BEDE comme le RSP en ont une bonne expérience (BEDE est actuellement partenaire avec le RSP du projet COEX porté par le CIRAD principalement et financé par la Agropolis Fondation) ; il s’agit avec la BdS de partir des initiatives du terrain plutôt que de se « rajouter » comme partenaires sur de gros projets dont la gestion et les enjeux finaux comme les résultats échappent encore à la société civile.

L’objectif de non-marchandisation des résultats de la recherche, un des critères d’acceptabilité de la demande historique pour les Boutique des Science, a également été discuté. Aujourd’hui ce critère est variable selon les boutiques des sciences en France. Il a été précisé que sur des problématiques agricoles, les associations et les paysans évoluent dans un cadre de rentabilité de leurs activités, mais la BdS se place cependant dans une logique différente de celle d’un bureau d'études, car le « produit » n’est pas l’expertise du chercheur, mais à la fois les résultats et la démarche d’échange et de co-construction entre les chercheurs et les associations. C’est un des points qu’il sera nécessaire d’éclaircir lors de la formalisation de la BdS en Occitanie.

Pour finir, le financement des recherches portées par des associations ou dispositifs type BDS repose toujours sur de longues négociations, et la diversité des sources de financements (région, recherche, fondations privée…) est importante afin de garantir une certaine pérennité et une impartialité nécessaire du dispositif comme des résultats des recherches. Impact ou utilité de la recherche ?

En lien donc avec la question des financements, la question de « l’impact » et de l’utilité de la recherche a constitué un point central des discussions en seconde session de l’atelier. Des situations négatives ont été décrites, de projets de recherche « participatifs » où les chercheurs et étudiants ne reviennent pas auprès des paysans qu'ils ont mobilisés, ou qui produisent des connaissances dans un langage qui n'est pas partagé. La BdS s’engagerait à modifier ces pratiques, ce qui suppose un engagement initial des chercheurs et des étudiants à changer leurs habitudes académiques, en systématisant les restitutions locales et la co-construction d’un langage commun, qui permettrait une innovation sur les concepts utilisés par chacun.

La question de l’impact est stratégique. Mais la notion elle-même pourrait porter à confusion dans la mesure où certains organismes de recherche, tels que l’INRA, l’utilisent déjà pour décrire ou évaluer « l’impact » non d’une recherche mais d’une publication : cet impact est mesuré avec un certain nombre de critères notamment le nombre de fois où elle est citée, renvoyant a priori à la fréquence d’utilisation et à l’étendue de la diffusion des résultats. Pour une BdS, il ne s’agit pas de mener une simple « vulgarisation » des résultats, terme potentiellement dévalorisant et également sujet à débat. L’objectif porté par les différents participants est bien de conduire tout un processus de production d'un langage commun avec co-validation des résultats de la recherche selon des critères co-construits, qui implicitement renvoient à des impacts. Ainsi, au terme du projet de recherche, les résultats doivent être compréhensibles et de qualité pour tous sans être moins bons que les résultats issus d’une recherche « conventionnelle ». Cet objectif ambitieux nécessite donc un apprentissage réciproque, car chacun doit prendre l'habitude de travailler avec l'autre et comprendre ses exigences et critères ou normes d’action.

En ce sens l’articulation entre les intérêts du chercheur, de l'association, de l’étudiant voire même du salarié de l'association, doit être mûrement réfléchie. Car si tous les acteurs ne sont pas intéressés et engagés par tout le processus et par les résultats de la recherche, il est à craindre que l'utilité du temps investi soit considérée comme faible voire nulle. Or la compréhension d’un autre point de vue visant à développer un langage commun exige une motivation et une disponibilité importantes, incompatibles avec un désintérêt vis-à-vis du projet de recherche. Il est donc important que les associations s’approprient aussi la démarche, laquelle peut amener des réflexions innovantes tant pour le projet de recherche lui-même que pour le fonctionnement et les objectifs de l’association. L’exemple a été donné d’une association qui vient en appui technique aux collectivités sur la « Trame verte et bleue », sur un projet de recherche qui cherchait à évaluer l’appropriation de ce concept de « Trame verte et bleu » et l’acceptation ou le rejet des aménagements par les acteurs locaux, habitants et jardiniers. L’étude ayant montré que ces acteurs locaux ne connaissaient quasiment pas le concept, il a été conseillé à l’association de développer ou de réorienter ses objectifs afin de faire d’abord connaitre le dispositif et les aménagements au public cible comme première étape vers l’objectif d’appropriation. Dans l’autre sens, le monde de la recherche doit également comprendre la vision des praticiens, et accepter de se familiariser avec des visions du monde et du vivant parfois plus sensibles que « scientifiquement rationnelles ».

L’idée a aussi été évoquée de se mettre en lien avec des équipes professionnelles de la valorisation de la recherche, et de passer par ces services pour rendre plus vite accessibles les résultats de la recherche co-construite au plus grand nombre. La responsabilité de la BdS vis-à-vis de la diffusion de ces résultats est ici évidente, c’est pourquoi il est envisagé d'évaluer systématiquement les impacts et enjeux multiples des recherches menées au sein de la BdS : changements des visions de la recherche, utilité sociale, environnementale, politique, etc...

Quelle dimension réellement régionale pour une structure basée à Montpellier ?

Le fait que la BdS soit portée par BEDE et dispose d’un espace à la MSH, qu’elle soit de ce fait fortement implantée à Montpellier pose la question de l’ambition régionale du dispositif. A travers les différents réseaux et contacts des porteurs du projet de BdS ainsi qu’à travers des étapes événementielles telles que les Assises Sciences Société, l’objectif est d’atteindre cette échelle régionale dès les premiers projets, dans l’optique d’accéder à un plus grand nombre de financements. Un pôle à Toulouse est jugé nécessaire, et c’est dans cette optique qu’un représentant du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse s’est déclaré d’emblée intéressé par un partenariat. Il s’agit maintenant d’évaluer si ce genre de structure est bien un relai interdisciplinaire et neutre qui pourrait participer activement à la BdS Occitanie. A Toulouse également Laurent Hazard, chercheur INRA, partageant les valeurs portées par BEDE et par le projet BdS, constituerait un relai pertinent pour construire cette dimension régionale.

Enfin, le collectif Agroécologie (collectif-agroecologie.fr) semble également être un partenaire potentiel dans cette ville.

Autres rôles de la BdS

Quelques interventions ont également mis sur la table la question des autres rôles potentiels de la BdS, avec par exemple une proposition de construire, tester et formaliser d'autres modes d'interactions entre société civile et monde de la recherche, ou encore une proposition de créer un « label » BdS, qui certifierait différents projets comme réellement collaboratifs et qui ferait prendre conscience et connaitre les sciences citoyennes.

La taxonomie

Le changement de nom du dispositif a été considéré comme impératif afin d’enlever la notion marchande, et pour mieux définir ses contours et ses fonctions possibles, au-delà de transmettre des demandes des OSC aux chercheurs. « Atelier » et « Passerelle » ont été proposés comme alternatives. Une façon de réfléchir à cette question est de discuter collectivement autour d’une grille « lieu/action/sujet » :

  • Lieu/dispositif : Boutique, Fabrique, Atelier, Passerelle, laboratoire hors murs, interface…
  • Action : Production, co-construction, collaboration, coopération…
  • Sujet : Science, recherche-action, connaissances…

Des noms plus libres ont également été proposés :

  • BOSS : Boutique Occitane de Sciences Société
  • COCORICOS : CO-COnstruction de Recherche Innovante de COnnaissances pour la Société
  • FOSC : Fabrique Occitane des Sciences Citoyennes

Tentative de méthode participative

Un nuage de post-it a ensuite permis à chacun d’exprimer ses attentes ou sa vision du projet d’une Boutique des Sciences. Dans le même temps il était proposé à chacune des personnes présentes dans la salle d’indiquer son niveau d’implication possible dans cette prochaine BdS, avec quatre niveaux possibles :

Gouvernance / conseil d'experts / porteur de projet / être tenu informé

Pour l’instant seuls des chercheurs sont intéressés par les missions pourtant centrales de gouvernance et de conseil « d’expert » (le mot « expert » a également été discuté, conseil d’orientation ou de reformulation conviendrait peut-être davantage). Il manquait cependant encore une vision claire des charges, rôles, relatifs à ces niveaux d’implication, c’est donc un point qui sera re-discuté pendant les ateliers scénarios qui constituent l’étape suivante dans la construction d’une BdS. Cet exercice collectif a également permis de montrer la difficulté qu’il pouvait y avoir à utiliser des méthodes d’animation participatives.

5) Difficultés de l’atelier de présentation

Ces deux sessions, bien que réussies au vu de la richesse des échanges, ont cependant souffert de quelques lacunes, que nous détaillerons ici dans une optique d’amélioration continue. La forme peut-être trop universitaire et peu interactive des exposés a peut-être été à l’origine de la désaffection d’un certain nombre de personnes entre les deux sessions, qui s’est traduite par un nombre inférieur de participants dans la seconde session (passé de 80 à 50). De même la séance des post-it, qui se présentait comme un exercice interactif n’était au final pas assez claire (ni pour le public ni pour les organisateurs…), elle aurait mérité plus de préparation et une formalisation de la trame d’animation.

Pendant cet atelier un choix a été fait de ne pas distinguer chercheurs institutionnels et membres d’associations, afin de rappeler que les savoirs sont d’égales valeurs, que la société civile peut être porteuse d’une démarche de recherche et que les acteurs de la recherche peuvent être porteurs d'une démarche civile. Une répartition des différents acteurs selon une distinction qui se base sur les méthodes d’actions et l’identification de leur environnement d’action aurait cependant permis de collecter des données sur l’origine des participants, afin de quantifier la part de chacun dans le collectif et de réduire l’impression finale qu’il y avait une majorité de chercheurs institutionnels dans le public. Faire circuler une feuille de renseignements à remplir de façon non obligatoire aurait été souhaitable pour permettre aux participants d’indiquer leur milieu voire leur implication souhaitée, et de collecter les adresses des personnes intéressées. Cela nous aurait permis d’obtenir une estimation du « rapport de disponibilité » entre associations et chercheurs institutionnels à cette période de l’année, particulièrement chargée pour les paysans membres d’associations.

Le peu de temps disponible pour la réalisation et l’analyse des résultats a déjà été souligné, et nous pouvons rappeler à titre de comparaison que les enquêtes de préfiguration des BdS de Lille ou de Lyon ont chacune duré plus d’un an. A une autre échelle, une discussion et un point clair sur ce qu’on attendait du stagiaire pendant l’atelier de présentation (qui n’a certes pas non plus pris l’initiative d’une telle rencontre) auraient peut-être facilité mon implication : je me suis en effet senti un peu désengagé de mon rôle pourtant prévu d’assistant animateur.

IV] Perspectives

A la suite de cet atelier de présentation, la méthode de « fabrication » d’une Boutique des Sciences proposée par Science Citoyenne et que suit BEDE préconise l’organisation d’un atelier dit « Atelier- scénario », qui permet de formaliser un peu plus la structure.

BEDE souhaitait initialement organiser l’atelier scénario en septembre, cependant devant l’importance, pour la suite du processus, d’une bonne organisation de l’atelier scénario et du choix des participants, cet atelier a été reporté à fin 2017. Des participants dont des praticiens concernés ayant déjà été repérés pendant les Laboratoires Hors Murs, cet atelier ne s’appuiera pas forcément sur tous les participants du premier atelier de présentation comme cela est classiquement le cas pour le montage d’une BdS, mais privilégiera des praticiens familiers des Laboratoires Hors Murs et du projet de BdS en Occitanie. Ce report de date permettra également de connaitre l’ampleur des financements disponibles, qui ne seront validés qu’en octobre, afin de réfléchir sur des bases concrètes.

1) L’atelier scénario

Il avait initialement été imaginé que l’atelier-scénario prendrait place pendant le mois de l’agroécologie en septembre, afin de disposer des acteurs associatifs du monde paysan qui avaient prévu de se libérer à cette période, mais aussi car des financements de la région étaient prévus. Suite au report de financement de la Région et parce qu’aucun acteur initiateur, en particulier l’association BEDE ne peut s’autoriser à auto-financer l’organisation de cet atelier sans garantie de financement externe, ce rendez-vous a été reporté de quelques mois, les membres des associations paysannes étant de plus davantage disponibles en hiver.

Cet atelier-scénario qui sera aussi organisé en deux temps, permettra ainsi aux différents acteurs qui souhaitent contribuer à la naissance et au développement de la Boutique des Sciences en Occitanie d'échanger leurs points de vue, souhaits, attentes, doutes, critiques et suggestions autour de ce projet afin de le concrétiser.

Concrètement, il s’agira de :

  • définir collectivement l’objectif de la BdS de Montpellier/Occitanie
  • de s’accorder sur une vision partagée du dispositif (statut, organisation, gouvernance, nom,..),
  • de répartir les premières étapes (réalisables à court terme) entre les participants,
  • enfin de développer un plan d'action pour mettre en œuvre à plus long terme le schéma de

fonctionnement collectivement accepté.

Ces différentes étapes mises en discussions sur deux demi-journées permettront ainsi d’échanger pour répondre à 4 objectifs complémentaires :

  • identifier Les divergences et Les similarités de perception entre Les acteurs
  • définir ensemble des perspectives et visions souhaitables
  • se répartir Les actions qui aboutiront au schéma de fonctionnement souhaité par tous
  • prendre conscience des problèmes à venir

La méthodologie privilégiée pour ces deux demi-journées est détaillée dans un « Livret du participant » (annexe vii), inspiré largement de ce qu’avaient proposé les acteurs de l’association Sciences Citoyennes pour le montage de la BdS de Lille.

Les participants à ce futur atelier ont été pré-identifiés. L’enjeu est qu’ils soient équitablement représentés par catégorie d’action, en étant peu nombreux pour que les discussions puissent avoir lieu plus facilement. Ainsi ce prochain atelier comprendra 20 personnes issues de 4 groupes acteurs :

Associations, Chercheurs, Bailleurs, Etudiants.

Il s’agira alors de préciser collectivement un schéma de fonctionnement précis, peut-être en partant du fonctionnement proposé par BEDE suite aux expériences des Laboratoires Hors Murs. Cependant, il est clair pour tous que le fonctionnement de la future BdS ne doit être défini ni par BEDE ni par la MSH, ni par un bailleur : il ne s’agit pas d’imposer un modèle juridique et/ou de fonctionnement qui conviendrait à l’un ou à l’autre, cela devra être décidé avec l’accord - ou du moins l’expression - de tous, à la fin de l’atelier scénario.

Afin cependant de donner une idée de la diversité et de la complexité des activités possibles de la future BdS, BEDE propose sa vision, (annexe viii), qui sera confrontée aux attentes, besoins et visions potentiellement différents des autres acteurs. A noter qu’il ne s’agit que d’une structure de fonctionnement, et non d’une structure juridique qu’il serait présomptueux de poser dès à présent.

2) La phase transitoire

Suite aux décisions prises pendant l’atelier scénario, des actions seront à réaliser par les différents groupes responsables dans les mois suivant, afin d’arriver à une structure fonctionnelle d’ici la fin de l’année civile.

3) Les projets-tests

Les projets-tests, dont les modalités de choix seront à préciser pendant l’atelier scénario pourront ainsi prendre place, dès le début de l’année 2018, après l’atelier-scénario. La bonne réussite de ces différentes phases passe par une implication forte des participants pendant l’atelier scénario, mais également à sa suite car c’est eux qui réaliseront les actions décidées collectivement. C’est pourquoi il est important que l’association BEDE s’assure de la motivation et de la compatibilité de ses membres et des participants de l’atelier scénario, et c’est pourquoi BEDE sélectionne pour partie des personnes avec lesquelles elle sait pouvoir collaborer rapidement.

V] Conclusion

Ce stage, malgré sa courte durée, m’a permis d’échanger avec de nombreuses personnes. Les réflexions et les interactions entre le monde de la recherche et la société qui s’y sont développées m’en ont fait saisir la complexité, et la nécessaire adaptation de toute co-construction à chaque contexte. En effet, les points de vue et les attentes des acteurs intéressés sont différents entre les différents groupes (chercheurs, associations, étudiants) mais aussi au sein même de ces groupes. De plus, chaque projet de co-construction prend place dans un milieu associatif et institutionnel qui varie, et avec lequel il faut rentrer en interaction pour le connaitre et pour se faire connaitre.

J’ai également approfondi ma vision du monde associatif, notamment au niveau du rôle des associations militantes et/ou professionnelles qui n’ont pas les mêmes exigences que les associations étudiantes. Je n’avais ainsi que peu conscience de l’importance des stratégies, basées sur la compréhension fine du fonctionnement des institutions et des jeux politiques, qu’elles doivent mettre en place pour faire évoluer la société vers les valeurs qu’elles défendent. Ainsi, même si ce stage m’a permis de prendre connaissance de la méthode à utiliser pour mettre en place des dispositifs de type BdS, il m’est maintenant évident que la mise en place dans un autre contexte de ce genre de dispositif est facilitée par la légitimité du porteur auprès d’un grand nombre d’acteurs différents.

Je pensais de plus avant d’effectuer ce stage qu’une certaine autonomie financière était envisageable pour ces recherches collaboratives dont les questions émanant des paysans. J’imaginais ainsi des recherches autours de problèmes techniques, qui auraient été économes car le paysan y aurait été le technicien et ses terres les parcelles d’expérimentations. Cette recherche aurait certes pu être co-construite, mais elle n’aurait pas eu la dimension sociale et politique que revendique une recherche co-construite dans une BdS.

Le modèle de la Boutique des Sciences n’est donc pas celui d’un CETA , ni d’un champ-école, et j’ai au cours de ces quelques mois compris que ce modèle visait une co-construction de connaissances d’un autre type que la simple connaissance technique. Bien que ces autres dispositifs de recherches se placent dans un objectif de changement social, ils se restreignent au changement social grâce au progrès technique, ce qui me semble maintenant devoir être questionné.

Il s’agit donc pour le chercheur participant à un projet type BdS de dépasser une vision « technico- économique » du praticien, et d’échanger avec lui sur des problèmes qui ont toujours des facettes sociales et politiques à considérer en elles-mêmes. La question de l’appellation juridique des semences paysannes est un exemple fort de l’intérêt des paysans pour ces aspects politiques. Cependant même les demandes plus techniques, par exemple sur les semis direct de vergers sec, n’ont pas pour fondement unique la maximisation des profits. Or la compréhension de ces problèmes multi-facettes demande de la part du chercheur une prise en compte fine du système de réflexion et d’action du praticien, et même le partage de certaines valeurs. Dans l’autre sens, si le paysan veut se faire paysan-chercheur, le modèle des BdS lui permet d’approfondir des thèmes qui vont au-delà les aspects techniques agronomiques.

Ce stage m’a ainsi fait comprendre que certaines associations ont envie de se rapprocher du milieu de la recherche sur des thématiques qui ne sont pas uniquement techniques, et que certains chercheurs au sein d’un grand nombre de disciplines sont également intéressés pour travailler avec ces associations autour de questions transversales. L’enjeu des BdS est donc de disposer des appuis financiers et institutionnels qui permettent la mise en place des outils méthodologiques pour mener à bien ces projets de recherches, lesquels cherchent à faire évoluer la société de façon concertée grâce à un dialogue entre deux mondes. [41]

VI] Références bibliographiques et web

  • Sur la recherche action associative : « L’accompagnateur chercheur engagé » Dominique Cottereau, « Recherches-actions associatives : Le praticien réflexif ou la recherche sans « chercheur » », Éducation relative à l'environnement [En ligne], Volume 13 - 1 | 2016, mis en ligne le 13 mars 2017, consulté le 04 septembre 2017. http://ere.revues.org/302

Sur les boutiques des sciences dans les pays du sud :


---
  1. 1 « Enquête: l’«Alliance Sciences-Société» et ses mystifications », 2013. scienceetcitoyens.word-press.com/2013/05/12/enquete-lalliance-science-et-societe-et-ses-mystifications/ Article critiquant par ailleurs durement l’association ALLISS, et de façon générale toute tentative de « science citoyenne »
  2. 2 livingknowledge.org
  3. 3 Geneviève Azam, « Les droits de propriété sur le vivant », revue Développement durable et territoires, 2008. developpementdurable.revues.org/5443
  4. 4 Eric Martin, « Qu’est-ce que l’économie du savoir ? », 2012. iris-re-cherche.qc.ca/blogue/qu%25e2%2580%2599est-ce-que-l%25e2%2580%2599economie-du-savoir
  5. 5 Jean-Marc Jancovici, « La dématérialisation de l’économie : mythe ou réalité ? », présentation devant l’assem-blée nationale, 2007. assemblee-nationale.fr/13/cr-grenelle/jancovici-complts.pdf
  6. 6 Rapport d’activité 2014 de l’association grenobloise Adreca-Contrevent : adrecacontrevent.files.word-press.com/2015/02/adreca-contrevent-rapport-dactivitc3a9-2014.pdf. Ce document détaille la position de l’or-ganisation qui est implantée dans l’associatif et accompagne les projets de recherche-action, mais abandonne la structure de BdS tout en gardant un objectif de devenir «une forme de laboratoire ou de centre de recherche-action, à base communautaire ».
  7. 7 Définition 2012 du tiers secteur scientifique par Glen Millot de l’association Sciences Citoyennes : sciencesci-toyennes.org/le-tiers-secteur-scientifique-exemple-des-boutiques-de-sciences/ Sur le même sujet voir : sociologies.revues.org/5207#ftn8, basé sur l’étude des ASOSC en Bretagne
  8. 8 mediations-sciences-societe.weebly.com/1/post/2011/04/lancement-de-priscope-avec-linstitut-universitaire-europen-de-la-mer-iuem.html
  9. 9 alainpenven.blogspot.fr/2014/05/la-recherche-partenariale-et.html
  10. 10 Une recherche sur le site des appels à projets de la région ne renvoyant rien de concluant : auvergnerhonealpes.fr/89-guide-des-aides-appels-a-projet.htm?type=TYPE_APPEL&public=1
  11. 11 Article qui détaille l’engouement qu’il existait en 2014 pour le financement de ce type de recherche par les conseils régionaux : avise.org/actualites/recherche-action-et-innovation-sociale-des-conseils-regionaux-investis
  12. 12 psdr.fr/PSDR.php?categ=41&lg=FR
  13. 13 http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22130/les-cifre.html##repartition
  14. 14 movilab.org/index.php?title=D%C3%A9finition_des_Tiers_Lieux
  15. 15 Définition de l’European Network of Living Labs, cité par l’INRA : inra.fr/rencontresia/content/download/3560/34549/file/5.Guyomard.pdf
  16. 16 Inmédia est un réseau regroupant un grand nombre de CCSTI : inmediats.fr/living-lab-inmediats-des-reseaux-methodes-et-outils-au-service-dune-innovation-ouverte-13/
  17. 17 techsapouest.com/LIVING-LAB-presentation.awp
  18. 18 alcotra-innovation.eu/progetto/doc/Short_guide_on_Living_Labs_and_some_good_practices.pdf voir page 4
  19. 19 www.quaidessavoirs.fr/test/-/asset_publisher/e43Udiv6bqai/content/fab-lab
  20. 20 inmediats.fr/wp-content/uploads/2014/12/Living-Lab.pdf
  21. 21 enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid113974/la-strategie-nationale-de-culture-scientifique-technique-et-industrielle.html
  22. 22 Rapport préparatoire de la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette sur le CCSTI de Guadeloupe, 1990
  23. 23 sciencescitoyennes.org/gouvernance-de-la-recherche-regulation-organisation-et-financement/
  24. 24 sciencescitoyennes.org/pas-de-fumee-sans-feu/
  25. 25 appel à projet PICRI 2015 iledefrance.fr/aides-regionales-appels-projets/partenariats-institutions-citoyens-recherche-innovation-picri
  26. 26 agropolis-fondation.fr
  27. 27 http://www.bede-asso.org/collaborations-par-theme/coconstruction-savoirs-biodiversite-cultivee/oser-democratiser-la-recherche-en-europe-dare-democratizing-agricultural-research-in-europe/
  28. 28 sciencescitoyennes.org
  29. 29 Voir zad.nadir.org/spip.php?article4180 en réponse à zad.nadir.org/spip.php?article4151, une initiative de l’EHESS pour défendre la ZAD en tant qu’intellectuels.
  30. 30 Note d’intention de BEDE pour des dispositifs pérennes de recherches actions participatives en soutien à la gestion dynamique de la biodiversité cultivée in situ. 2017.
  31. 31 RSP, BEDE, FSC, PEUV, 2011
  32. 32 Blandin 2009 ; Larrère, 2002
  33. 33 FSO 2012, REPERE 2009, SOLIBAM 2014
  34. 34 cue-lillenorddefrance.fr/?q=culture-patrimoine-societe/boutique-des-sciences
  35. 35 boutiquedessciences.universite-lyon.fr
  36. 36 http://boutiquedessciences.free.fr/pmwiki/uploads/Main/charte_bds_cachan_2004_04_15.pdf
  37. 37 https://adrecacontrevent.files.wordpress.com/2014/07/echopascience_rapportqualitatif_2012.pdf page 24 pour le fonctionnement, page 29 pour la charte.
  38. 38 http://www.cue-lillenorddefrance.fr/sites/default/files/charte_bds_ndf.pdf
  39. 39 http://www.semencespaysannes.org/bdf/docs/spsynth6mai.pdf
  40. 40 s2hnh.org, avec par exemple des travaux sur la mouche de l’olivier
  41. 41 Centre d’Etude Technique Agricole, structure généralement associative, dans laquelle un ingénieur ou un technicien, souvent salarié, effectue le suivi scientifique des expérimentations menées à l’initiative et chez les agriculteurs membres du CETA